Le Mexique enquête sur sa "guerre sale"Comme avant lui l'Argentine, le Chili, le Guatemala, le Salvador et l'Uruguay
Le président mexicain Vicente Fox a pris cette décision après avoir reçu cette semaine un rapport de la Commission nationale des droits de l'homme (CNDH), qui dénonce au moins 275 disparitions et accuse 37 institutions et 74 membres de la police et de l'armée.
Selon le président de la CNDH, Jose Luis Soberanes, le procureur spécial devra déterminer "l'éventuelle responsabilité, fût-elle indirecte, des gouvernements de l'époque" et "traduire les coupables devant un tribunal qui les jugera". Jose Luis Soberanes estime qu'un procureur spécial, intégré d'office dans le mécanisme de la justice, sera plus efficace qu'une commission de la vérité, dont la force uniquement morale ne pourrait même pas obliger des témoins à déclarer devant un tribunal. Mais les familles des victimes critiquent la subordination du futur procureur spécial à un militaire, le général Rafael Macedo, procureur général de la République. Ce dernier avoue ne pas avoir encore trouvé une personne adéquate disposée à assumer le poste de procureur spécial. Des organisations humanitaires chiffrent par ailleurs le nombre de disparus à 1.350, soit cinq fois plus que l'estimation de la CNDH. Durant la "guerre sale", le Mexique fut présidé par quatre élus successifs du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI, au pouvoir de 1930 à 2000) : Gustavo Diaz Ortaz (1964-1970), Luis Echeverria (1970-1976), Jose Lopez Portillo (1976-1982) et Miguel de la Madrid (1982-1988). Aucun d'eux n'est cité dans le rapport de la CNDH, contrairement à des chefs de la police et de l'armée, identifiés nommément. Les ex-présidents croient cependant utile d'affirmer qu'ils ne s'estiment pas responsables et qu'ils ne craignent pas la justice. Jose Lopez Portillo précise "ne pas s'être rendu compte " de la "guerre sale", ajoutant néanmoins ignorer "si quelqu'un donna l'ordre de faire je ne sais quoi". L'Argentine fut le premier pays latino-américain à fouiller son passé récent. Après la dictature militaire (1976-1983), la démocratie restaurée créa la Commission nationale sur la disparition des personnes, qui identifia 8.961 cas. En septembre dernier, le Secrétariat argentin aux droits de l'homme actualisa ce chiffre, l'établissant à 15.000. Diverses organisations humanitaires parlent, elles, de 30.000 disparus. Les lois d'amnistie dites du "point final" (1986) et de "l'obéissance due" (1987) assurent l'impunité des coupables. Le Chili créa en 1990 la Commission de la vérité et de la réconciliation pour enquêter sur la violation des droits de l'homme sous la dictature du général Augusto Pinochet (1973-1990). Selon cette commission, 1.068 Chiliens périrent aux mains de leurs bourreaux et 957 disparurent. La détention de Pinochet à Londres, pendant 503 jours à partir du 16 octobre 1998, obligea les Chiliens à scruter davantage leur passé et à installer une "table de dialogue" ouverte aux militaires, à la police armée (carabiniers), aux membres du gouvernement et aux avocats des droits de l'homme. Leurs rencontres éclaircirent le sort de 200 disparus, dont 151 furent jetés à la mer, dans des fleuves ou dans des lacs, les autres ayant été enterrés clandestinement en divers lieux du Chili. Au Guatemala, la Commission d'éclaircissement historique (CEH), coordonnée par l'ONU, a conclu à un génocide contre le peuple maya pendant la guerre civile (1960-1996). La CEH responsabilise essentiellement l'armée de 150.000 morts, 45.000 disparus et 440 villages rasés. Au Salvador voisin, une autre commission conduite par l'ONU a établi le bilan de la guerre civile (1980-1992) à 75.000 morts et 7.000 disparus. Enfin, en Uruguay, le président Jorge Batlle décida en août 2000 de mettre la dictature militaire (1973-1985) sous la loupe de la Commission pour la paix. Celle-ci a reconnu jusqu'à présent la disparition de 164 Uruguayens, la trace de 140 d'entre-eux s'étant perdue en Argentine.
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