ASUNCION, lundi 22 avril 2013 (LatinReporters.com) - Richissime homme d'affaires de 56 ans
au passé trouble, parfois surnommé le Berlusconi du Paraguay,
Horacio Cartes ramène au pouvoir l'historique Parti Colorado (droite
nationaliste) par sa victoire, avec 45,80% des voix, à la présidentielle
jouée dimanche en un tour à la majorité simple.
Le caractère démocratique de cette élection devrait
mettre fin à la suspension du Paraguay par le Mercosur (marché commun
sud-américain) et l'Unasur (Union des nations sud-américaines).
Ces deux organismes régionaux avaient décrété la suspension temporaire
d'Asuncion en réaction au limogeage parlementaire
expéditif, pour avoir "mal rempli ses fonctions", du premier
président paraguayen de gauche, l'ex-évêque Fernando
Lugo, remplacé le 22 juin 2012 par le libéral Federico Franco.
L'élection à la présidence en 2008 de Lugo, "l'évêque
des pauvres" proche de la théologie de la libération, avait
mis fin à 61 ans d'hégémonie du Parti Colorado. Le passé
reprend aujourd'hui ses droits, salué en outre par la gauche régionale.
La présidente argentine Cristina Kirchner fut en effet la première
à féliciter Horacio Cartes. "Et le plus important : nous vous
attendons au sein du Mercosur" a-t-elle écrit sur son compte Twitter.
Plus de 82% des votes pour les deux candidats de la droite
Le principal adversaire du président élu, l'avocat et ex-ministre Efrain Alegre, du
Parti libéral radical authentique (PLRA, centre droit) a été
crédité de 36,94% des suffrages et a rapidement reconnu sa
défaite. La participation électorale s'est élevée
à 68,57%. Ces pourcentages découlent du dépouillement
de plus de 99% des bulletins de vote (dans 17.398 des 17.527 bureaux électoraux), selon le
site Internet du Tribunal Supérieur de Justice Électorale (TSJE).
Sur les sept millions d'habitants du Paraguay, pays parmi
les plus pauvres d'Amérique du Sud, trois millions et demi étaient
appelés aux urnes pour élire, outre leur président et
son vice-président, 45 sénateurs, 80 députés,
les gouverneurs des 17 départements et les représentants au
Parlasur, assemblée du Mercosur.
La droite, avec ses deux candidats concurrents, le colorado Horacio Cartes
et le libéral Efrain Alegre, a été plébiscitée
globalement par plus de 82% des électeurs. Le relever est pertinent
quand au Venezuela l'opposition vient de faire jeu égal avec le symbole
de la gauche radicale qu'est le chavisme. Les 41% qui avaient assuré
en 2008 l'élection du progressiste Fernando Lugo ont fondu après
l'éclatement de son alliance contre nature avec les libéraux
et à cause de la division de la gauche. Anibal Carrillo Iramain, candidat
présidentiel du Front Guasu ("Front élargi", en guarani)
de l'ex-évêque Lugo, n'a récolté dimanche qu'un
maigre 3,32%. Il est même devancé par un dissident du même
mouvement, l'ancien journaliste de télévision Mario Ferreiro
(5,88%).
Au total, onze candidats étaient dans la course à la présidence.
Ne pouvant pas se présenter, car la Constitution prohibe toute réélection
présidentielle, Fernando Lugo, lui, briguait un siège de sénateur,
qu'il aurait conquis. Les résultats du scrutin législatif devraient
être connus dans les prochaines heures.
Dans son discours de victoire, Horacio
Cartes a appelé à l'unité et s'est engagé à
gouverner pour tous les Paraguayens, avec l'emploi comme priorité.
Né à Asuncion le 5 juillet 1956, le nouveau président
élu ne s'affilia, curieusement, qu'en 2009 au Parti Colorado.
Après ses études secondaires,
il suivit une formation technique aux États-Unis dans le secteur des
moteurs d'avions et fut au Kansas stagiaire de la société Cessna,
que son père représenta au Paraguay.
À 19 ans, selon sa biographie officielle,
Horacio Cartes revint au Paraguay et "débuta dans ses activités
d'entrepreneur commercial" avec une maison de change qui devint la banque
Amambay, pilier d'un empire de 25 entreprises (tabac, boissons, élevage,
transport, commerce) employant aujourd'hui 3.000 personnes.
Passé trouble, mais puissante publicité électorale
Fugitif pendant quatre ans sous l'accusation
de participation à un réseau illégal de trafic de dollars,
il n'aurait été alors, selon ses avocats, qu'un "persécuté"
par la dictature d'Alfredo Stroessner, à la fin de laquelle, en 1989, Cartes revint
au Paraguay "et démontra son innocence".
Au cours de la première décennie
de ce siècle, il fit l'objet d'enquêtes au Brésil et de la part de la DEA,
l'agence de lutte contre la drogue aux États-Unis, pour blanchiment de fonds
et contrebande de cigarettes. Au Paraguay, on découvrit des paquets
de drogue dans l'une de ses propriétés, mais, comme le soulignent
ses représentants, il ne fut jamais traduit en justice.
Sa biographie indique que le football est
sa "passion". Il préside depuis 2001 le Club Libertad, dont les titres
contribuèrent à la popularité du nouveau président
élu. C'est cette trilogie affaires-sport-politique qui lui vaut des
comparaisons avec l'Italien Silvio Berlusconi. Il le doit peut-être
en outre, lui qui vit aussi séparé de sa femme, aux romances
qu'on lui attribue avec plusieurs mannequins.
L'ex-président Fernando Lugo l'accuse
d'avoir orchestré le procès politique qui déboucha sur
sa destitution l'an dernier. Le libéral Efrain Alegre le traite sans
complexe de "narco", mais une puissante campagne de publicité permit
à Horacio Cartes de faire prévaloir devant les électeurs
une image à la fois de fraîche bonhomie et d'efficacité
face à la tradition de prébendes de la classe politique paraguayenne.
Le nouveau président sera investi le 15 août. Il promet
de gérer le pays avec le même succès que son groupe Cartes,
qui vend des boissons et du tabac jusqu'aux États-Unis, comme le rappelle
avec insistance sa propagande.