Pérou - Élections : le vote blanc menace Toledo et Garcia au second tour
Le sondage le plus menaçant pour le prestige des candidats octroie 34% des intentions de vote au vainqueur du premier tour, l’économiste de centre gauche Alejandro Toledo, 32% au vote blanc et 25% à l’ex-président Alan Garcia, tenant d’une gauche plus sociale et plus populiste. Le gouvernement, des observateurs internationaux de la régularité des élections et même l’Eglise invitent les Péruviens à se détourner de l’option blanche afin de ne pas compliquer le retour à la démocratie, au moment où le pays découvre l’ampleur de la corruption des institutions sous le régime récemment déchu d’Alberto Fujimori. Si le jour du vote, obligatoire au Pérou, deux tiers des suffrages exprimés étaient blancs ou nuls, l’élection présidentielle serait annulée. Ce risque est très peu probable. Par contre, si le vainqueur était devancé par le vote blanc, il apparaîtrait d’emblée comme un président à l’autorité discutée. Sous le slogan " votre propre, vote blanc ", deux personnalités médiatiques font campagne pour le vote en blanc : Jaime Bayly, journaliste surnommé " l’enfant terrible de la télévision ", et Alvaro Vargas Llosa, journaliste également et écrivain, fils du célèbre romancier Mario Vargas Llosa. Tous deux croient que ni Alejandro Toledo ni Alan Garcia " n’ont la taille morale suffisante pour assumer la magistrature suprême ". Selon Jaime Bayly, " se prononcer pour Toledo ou Garcia, c’est comme choisir entre la chaise électrique et la chambre à gaz ". Dans l’émission télévisée que dirige Jaime Bayly sur le canal " Frecuencia latina ", Alvaro Vargas Llosa annonçait le 22 avril, à la surprise générale, sa démission du poste d’assesseur privilégié du candidat Toledo. Il qualifiait ce dernier de " menteur " capable, comme un " nouveau Fujimori ", d’utiliser " tous les moyens " pour satisfaire son ambition présidentielle. Concrètement, Alvaro Vargas Llosa reprochait à Toledo d’être effectivement le père d’une fillette de 13 ans dont il nie la paternité extra-conjugale, d’avoir fait verser 10.000 dollars pour étouffer un dossier l’accusant de consommation de cocaïne et de gérer de manière obscure et personnelle un don électoral d’un million de dollars du financier américain George Soros. Le 29 avril, suite à de nouvelles révélations du journaliste Jaime Bayly, Alejandro Toledo admettait n’avoir pas consulté son parti " Pérou Possible " avant de transférer, dans la crainte d'un exil forcé sous Fujimori, plusieurs centaines de milliers de dollars sur un compte personnel d’un membre de sa famille aux Etats-Unis. Un aveu difficile pour le " cholo " (sang-mêlé) Toledo, qui doit une part de sa victoire au premier tour à l’appui des communautés indiennes défavorisées. Mais il prétend, sans convaincre, que les accusations lancées contre lui feraient partie d'un "complot" ourdi par son adversaire du second tour, Alan Garcia. Ce dernier a lui-même une crédibilité compromise par sa gestion passée. A la fin de son mandat présidentiel, en 1990, l’inflation annuelle atteignait 7.600% (bien 7.600), la corruption et les pénuries de produits de base sévissaient et le terrorisme d’extrême gauche (Sentier Lumineux et Tupuc Amaru) faisait rage. Cette présidence désastreuse d'Alan Garcia ouvrit la voie à dix ans de régime fujimoriste. Les deux candidats sont en outre sous la menace de procédures judiciaires. Alejandro Toledo, qui refuse de se soumettre au test ADN, est poursuivi par la mère de sa fille illégitime présumée. Alan Garcia, lui, risque de voir la Cour suprême annuler la prescription concernant des accusations de corruption dont il avait bénéficié à la veille de la campagne électorale. Lourdes Flores, candidate de centre-droit éliminée au premier tour, confie qu’elle ne votera pas blanc. Elle choisira entre Toledo et Garcia, mais " en me bouchant le nez et les yeux fermés ".
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