Pérou - Election présidentielle: Toledo contre l’étonnant Garcia au second tour
C’est l’étonnante résurrection de l’ancien président Alan Garcia qui contraint Toledo à un second tour. Rentré à peine deux mois plus tôt d’un exil de huit ans en Colombie et en France qui le mit à l’abri de poursuites judiciaires pour corruption, Alan Garcia arrive second, emportant 26,1% des suffrages. Populiste de gauche, candidat de l’APRA (Alliance Populaire Révolutionnaire Américaine), Garcia éjecte ainsi de la course à la présidence l’avocate démocrate-chrétienne Lourdes Flores (23% des voix), que tous les sondages plaçaient pourtant en deuxième position. " Nous avions pour objectif de gagner au premier tour. Nous n’y sommes pas arrivés et il nous faudra quelque temps pour digérer les résultats " reconnaît Alejandro Toledo devant les journalistes. L’an dernier, face au président destitué Alberto Fujimori, Toledo avait obtenu 40,3%. Il a donc baissé. Les attaques contre sa vie privée pendant la campagne électorale l’ont peut-être atteint. Toledo a notamment été accusé par la presse de consommer de la cocaïne et d’avoir une fille illégitime dont il nie la paternité, mais en refusant de se soumettre au test ADN. Les analystes se demandent par ailleurs si le leader de Pérou Possible n’est pas victime d’une usure politique précoce. Alan Garcia aurait-il réussi à s’auréoler de l’image " d’homme neuf " face à Toledo, en campagne depuis pratiquement deux ans ? Garcia fut, à 35 ans, le plus jeune président du Pérou et d’Amérique latine (de 1985 à 1990). Aujourd’hui, il conserve son physique de charmeur, ses redoutables talents d’orateur et un populisme hors-concours. Le spot télévisé dans lequel il chante " Y se llama Peru " (Et il s’appelle Pérou) est considéré comme le meilleur de la campagne du premier tour. Le véritable tour de force d’Alan Garcia est d’avoir déjà fait oublier à plus du quart des électeurs Péruviens qu’à la fin de son mandat présidentiel, en 1990, l’inflation annuelle atteignait 7.600% (bien 7.600), la corruption et les pénuries de produits de base sévissaient et le terrorisme d’extrême gauche (Sentier Lumineux et Tupuc Amaru) faisait rage. Des jeunes qui ne l’avaient pas connu au pouvoir et qui relèveraient en principe de l’électorat de centre gauche d’Alejandro Toledo ont sans doute rallié Alan Garcia. D’autant plus que ce dernier est l’unique candidat à se distancier clairement du modèle néo-libéral. Les milieux économiques n’ont pas tardé à confirmer la réalité de la résurrection politique d’Alan Garcia. Dès le lendemain du premier tour, la bourse de Lima chutait de 2,43%, son recul le plus prononcé depuis le début de l’année. Les analystes considèrent que les investisseurs étrangers bouderont le Pérou pendant au moins quelques mois. Ils n’ont pas oublié, eux, qu’Alan Garcia avait réduit unilatéralement le remboursement de la dette péruvienne et mis le pays en banqueroute. Le second tour de l’élection présidentielle doit avoir lieu au plus tard 45 jours après le premier, soit dans le courant du mois de mai. Son issue est incertaine, malgré les dix points d’avance d´Alejandro Toledo. Pour vaincre son inattendu et redoutable adversaire, Toledo doit séduire les électeurs de Lourdes Flores. Il déclare envisager d’offrir un portefeuille ministériel à la candidate évincée.
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