Pérou: les cent premiers jours du président Toledo déçoivent
Principal artisan de la chute de la dictature d'Alberto Fujimori et très populaire lors de son investiture, le 28 juillet dernier, Alejandro Toledo est confronté aujourd'hui à une majorité de mécontents. L'opposition et la presse lui reprochent un "manque de leadership".
Le chef de l'Etat péruvien prône le "gel immédiat d'achats d'armes offensives" en Amérique du Sud pour dégager les fonds nécessaires au combat contre la misère. Si cette revendication répétée donne une carrure continentale à Alejandro Toledo, elle ne soulage pas dans l'immédiat les plaies péruviennes. Des vagues de protestations syndicales et de manifestations régionales ont agité le Pérou en octobre. Les manifestants réclamaient du travail, de meilleurs salaires et les infrastructures promises lors de la campagne électorale. Surpris par l'ampleur de la contestation, Alejandro Toledo et son Premier ministre, Roberto Danino, ont voulu y voir "un plan déstabilisateur" ourdi par les partisans de l'ex-président Alberto Fujimori. Le président de la Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP), Juan Jose Gorriti, critique "le néolibéralisme aveugle, inapplicable au Pérou" du ministre de l'Economie Pedro Pablo Kuczynski. Ce dernier a réussi à indisposer jusqu'aux élus du parti Pérou Possible d'Alejandro Toledo en critiquant la multiplication d'enquêtes parlementaires qui décourageraient les investisseurs attirés par les plans de privatisation de l'économie. Et lorsque le président Toledo annonça le lancement, à partir du 5 octobre, des programmes "A Trabajar" (Au Travail) et "Mi Vivienda" (Mon Habitation), visant à la réactivation immédiate de l'économie par la construction de 50.000 logements et la création de 200.000 emplois, patrons et syndicats l'accusèrent de préférer les promesses aux solutions réelles. Dans ce contexte éclata la polémique, alimentée par tous les partis d'opposition, sur le salaire présidentiel. Les Péruviens apprirent, médusés, que leur champion déclaré de la lutte contre la pauvreté engrangeait chaque mois 18.000 dollars, soit légèrement plus que le Premier ministre britannique Tony Blair et beaucoup plus que n'importe quel autre président d'Amérique latine. Le mexicain Vicente Fox, second sur la liste des mandataires publics les mieux rétribués de la région, se contente de 11.700 dollars mensuels. Pour réparer cette "insulte aux plus pauvres du Pérou", selon l'expression de l'ex-candidate présidentielle Lourdes Flores, un communiqué de la Présidence de la République diffusé le 5 novembre annonçait, avec effet rétroactif, la baisse de 33% du salaire d'Alejandro Toledo, qui est désormais de 12.000 dollars au lieu de 18.000. Dans une proportion moindre, le revenu des ministres a également été rabaissé. Au scandale du salaire a succédé celui du népotisme. Editorialistes et députés d'opposition s'étonnent qu'une nièce d'Alejandro Toledo soit depuis le mois d'août fonctionnaire du Congrès et qu'un neveu du chef de l'Etat gagne chaque mois 5.000 dollars, payés par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) sur un budget destiné à la consolidation institutionnelle du Pérou. Au début de son mandat, Alejandro Toledo bénéficiait de 80% d'opinions favorables. Un sondage diffusé le 31 octobre dernier par l'Université de Lima évaluait que, parmi les habitants de la capitale, 45,4 % désapprouvent la gestion du président Toledo contre 43,4% qui en sont satisfaits. Le leader de l'opposition, l'ex-président social-démocrate Alan Garcia, dénonce "une sensation d'absence de notre président". Même le quotidien La Republica, d'ordinaire favorable au gouvernement, reproche à l'administration d'Alejandro Toledo "un manque de définition d'objectifs et de cap".
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