Pérou - Elections: match nul télévisé Toledo-Garcia
Le face-à-face de samedi soir était le premier entre deux candidats à la présidence offert depuis dix ans aux Péruviens. Avec 35 à 42% des intentions de vote, Toledo demeure, selon les sondages, le favori du second tour de l’élection présidentielle, prévu officieusement pour le dimanche 3 juin. Son match nul télévisé avec son adversaire consolide cette position de favori. Alan Garcia obtiendrait, lui, de 24 à 27% des suffrages. Les votes blancs ou nuls oscilleraient entre 31 et 35%, ce qui inquiète les deux candidats. Si le vainqueur du second tour était devancé ou talonné par le vote blanc ou nul, il apparaîtrait en effet d’emblée comme un président à l’autorité discutée. Le débat de samedi soir visait à éliminer ce risque. Apparemment, l’objectif n’a pas été atteint. Car, précisément, le débat fut inexistant. Toledo et Garcia se sont critiqués durement, mais chacun a évité de répondre aux attaques de l’autre. Leurs monologues furent des surenchères de promesses d’emplois, de croissance économique, de décentralisation, de relance de l’enseignement et de lutte contre la drogue et la corruption. " Il est incroyable que vous parliez de trafic de drogue, de corruption et de droits de l’homme alors que vous avez encore des procès sur les bras " lança Toledo à Garcia. La Cour suprême de justice du Pérou a en effet confirmé qu’elle réexaminerait après l’élection la prescription de délits présumés de corruption dont Alan Garcia avait bénéficié à la veille de la campagne électorale. Alejandro Toledo rappela aussi la gestion désastreuse d’Alan Garcia, de 1985 à 1990. A la fin de son mandat présidentiel, l’inflation annuelle atteignait 7.600% (bien 7.600), la corruption et les pénuries de produits de base sévissaient et le terrorisme d’extrême gauche (Sentier Lumineux et Tupuc Amaru) faisait rage. " Vous avez des comptes bancaires à l’étranger " accusa pour sa part Garcia, ajoutant aussitôt : " Un consommateur de cocaïne ne peut pas être président ". Une analyse médicale de 1998, révélée par les médias, constatait en effet des traces de cocaïne dans le sang d’Alejandro Toledo. (Ce dernier prétend avoir été séquestré et drogué par les services secrets de l´époque). La presse a également accusé Toledo de gérer de manière obscure un don électoral d’un million de dollars du financier américain George Soros. " Ils ont promis le possible et l’impossible " Tant Toledo que Garcia adoptèrent le silence comme réponse à ces attaques directes. Ils furent beaucoup plus éloquents en matière de promesses. Garcia offrit une " économie sociale de marché, sans libéralisme exagéré ", avec une croissance économique annuelle de 5%, un million d’emplois nouveaux au cours des cinq ans de la prochaine législature, un enseignement relancé par 20% du budget national, une hausse des salaires des professeurs et une décentralisation du pays, 40 % du budget national allant aux départements, qui auraient chacun leur gouvernement régional. Toledo affirma, lui, " ne pas croire en la démocratie politique sans démocratie économique ". Souhaitant que, plus tard, on se souvienne de lui comme du " président de l’éducation au Pérou ", il promit à la fois de réduire les impôts et de consacrer 4 milliards de dollars aux dépenses sociales, de doubler la rémunération des enseignants, de rogner le budget de l’armée, de ne faire aucune concession au trafic de drogue ni au terrorisme et également de décentraliser le pays, offrant 15% du budget national aux municipalités et aux gouvernements régionaux. Garcia fut plus télégénique, plus souriant et plus décontracté que Toledo. Le pressentant, ce dernier invita les Péruviens à ne pas voter pour " celui qui parle joliment ". Des analystes politiques soulignent que ni Toledo ni Garcia n’examinèrent le futur des relations entre le pouvoir civil et les militaires. Ils évitèrent également d’expliquer comment ils gouverneront, sachant déjà que ni le parti Pérou Possible d’Alejandro Toledo ni l’Alliance populaire révolutionnaire américaine (APRA) d’Alan Garcia ne disposent de la majorité absolue au parlement. Selon le populaire journaliste de télévision Jayme Baily, qui fait campagne pour le vote blanc ou nul, Garcia et Toledo " ont absolument tout promis, le possible et l’impossible ". Dimanche, plusieurs journaux de Lima titraient : " Match nul ".
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