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Contagion de la dépression économique en Amérique latine

Après l'Argentine, la crise frappe le Brésil et se répand sur le continent

"Lettre au peuple brésilien" de Lula, candidat de la gauche à la présidence

SAO PAULO, lundi 24 juin 2002 (latinreporters.com) - La perspective d'une victoire du candidat de la gauche à l'élection présidentielle brésilienne d'octobre, les échéances à court terme sur l'énorme dette publique du Brésil et l'interminable descente aux enfers de l'Argentine en banqueroute sont trois facteurs qui, aujourd'hui conjugués, provoquent une onde expansive de crise sur l'Amérique du Sud. Les quatre pays les plus touchés - Argentine, Brésil, Uruguay et Paraguay- forment le marché commun sud-américain, le Mercosur, dont l'avenir est désormais incertain.

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Deux journées consécutives de panique à Sao Paulo, première place financière d'Amérique latine, ont porté vendredi le risque pays du Brésil à 1.716 points, soit le niveau atteint par le risque pays argentin en août 2001, date à partir de laquelle le glissement de l'Argentine vers la faillite s'est accéléré de manière vertigineuse. Le 10 juin dernier, le risque pays brésilien était de 1.141 points. Il a donc augmenté de 50% en moins de deux semaines.

Parmi les nations émergentes, cela fait théoriquement du Brésil le pays présentant, juste derrière l'Argentine, les plus grands risques pour les investisseurs et la garantie la plus basse quant au remboursement de sa dette publique. Celle-ci atteint 340 milliards de dollars, soit 45% de la dette globale de l'Amérique latine et 57% du PIB (produit intérieur brut) brésilien, contre 30% en 1994. Même le Nigeria est aujourd'hui mieux classé que le Brésil par les agences internationales de notation financière.

Le real brésilien, introduit en 1994, atteignait vendredi à Sao Paulo son minimum historique par rapport au dollar, qui s'échangeait contre 2,840 reals. Le real s'est déprécié de 11 % au cours des trois dernières semaines et de 22% depuis le début de l'année.

Quant à l'indice Bovespa des principales valeurs de la bourse de Sao Paulo, il a reculé de 9,76% jeudi et vendredi derniers et de 19,1% depuis le début du mois de juin.

Un vent de tempête avait commencé à souffler début mai, lorsque des banques étrangères recommandèrent à leurs clients d'ignorer les valeurs brésiliennes dans la perspective d'une victoire de la gauche à l'élection présidentielle d'octobre.

L'antimondialiste Luis Inacio Lula da Silva (que les Brésiliens appellent Lula), ex-ouvrier métallurgiste et président d'honneur du Parti des travailleurs (PT), le plus grand parti de gauche d'Amérique latine, est en effet, selon les sondages, plus proche que jamais d'accéder à la magistrature suprême, qu'il briguera pour la quatrième fois. Le dernier sondage lui attribue 38% des intentions de vote, contre à peine 19% à son rival le plus proche, José Serra, ex-ministre social-démocrate de la Santé, soutenu par les milieux financiers et par le président sortant, Fernando Henrique Cardoso.

Dans une peu commune "Lettre au peuple brésilien", Lula tentait vendredi de rassurer les marchés sur la politique économique qu'il adopterait s'il était élu président, affirmant notamment qu'il respectera les contrats nationaux et internationaux signés par le Brésil. Mais les milieux financiers n'ont pas oublié le passé communiste de Lula, son amitié avec Fidel Castro et ses déclarations antérieures en faveur d'un moratoire de la dette extérieure brésilienne (262 milliards de dollars). Le 31 janvier dernier, au Forum social mondial de Porto Alegre, Lula conditionnait le remboursement de cette dette aux nécessités de la lutte contre la pauvreté.

En contraste avec son attentisme à l'égard de l'Argentine, le Fonds monétaire international (FMI) est venu rapidement au secours du Brésil, mettant à sa disposition il y a deux semaines 10 milliards de dollars et l'autorisant à réduire son niveau minimum de réserves de change. Que cela n'ait pu éviter la panique de jeudi et vendredi derniers indique à quel point le Brésil inquiète les milieux financiers.

Pour la part due aux incertitudes de politique intérieure, cette perte de confiance n'est pas une contagion de la crise argentine. Toutefois, l'effondrement de l'économie de l'Argentine, historiquement premier partenaire commercial du Brésil, contribue à assombrir le panorama brésilien, marqué par une chute de 0,73% du PIB au 1er trimestre, consécutive à une régression de 0,63% au dernier trimestre de 2001. Les doutes sur la capacité du Brésil à honorer les échéances à court terme de sa dette publique s'en trouvent renforcés. Ces facteurs conjugués ont créé la psychose actuelle.

Uruguay et Paraguay

Face à l'Argentine en banqueroute et au Brésil en proie à la panique financière, les deux autres membres du Mercosur, l'Uruguay et le Paraguay, n'échappent pas à la tourmente.

Ne résistant plus, jeudi dernier, à la chute du peso argentin et du real brésilien, l'Uruguay laissait flotter librement son peso, qui se dépréciait d'emblée de 16,8% par rapport au dollar. Au cours du premier trimestre, les ventes de l'Uruguay à ses partenaires du Mercosur ont chuté de 40% par rapport à la même période de 2001. Suite à une fuite massive de capitaux, la Banque centrale uruguayenne a perdu 40% aussi de ses réserves en devises depuis le début de l'année.

L'Uruguay, comme l'Argentine à laquelle il est économiquement très lié, vit sa quatrième année de récession. Son PIB a régressé de 3,1% l'an dernier. Il s'agit de l'exemple le plus clair de contagion de la crise argentine. Un plan d'ajustement économique, avec hausse des impôts, adopté en mars dernier par le gouvernement uruguayen soulève la colère des syndicats et de l'opposition de gauche. Pas plus qu'au Brésil, l'aide rapide du FMI ne semble suffire à stopper la débâcle économique de l'Uruguay.

Quant au Paraguay, son président, Luis Gonzalez Macchi, reconnaissait dès le mois de mars que des problèmes de liquidité menacent le remboursement de la dette extérieure et le paiement régulier des salaires des employés de l'Etat. Après une tentative avortée de vente d'entreprises publiques, dont la privatisation est paralysée par une vive opposition syndicale, le gouvernement uruguayen vient de solliciter à son tour une nouvelle aide du FMI.

Les quatre pays membres du Mercosur (Argentine, Brésil, Uruguay et Paraguay) sont donc frappés par la crise. Cette situation hypothèque l'avenir de ce marché commun sud-américain. Les négociations sur un accord de libre-échange entre Mercosur et l'Union européenne sont au point mort.

Au premier trimestre de cette année, la récession a frappé deux autres poids lourds de l'économie latino-américaine, le Mexique (-2% par rapport au 1er trimestre de 2001) ) et le Venezuela (-4,2%). Mais tous les yeux restent braqués sur le géant brésilien. Le dicton affirme que "quand le Brésil tousse, l'Amérique latine éternue".

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