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"Dans l'Empire romain, seuls les Romains votaient"...

Brésil: les marchés financiers imposeront-ils leur candidat à la présidence?

Lula, favori des Brésiliens, mais non des marchés financiers, pour l'élection présidentielle du 6 octobre
Photo Afranio
RIO DE JANEIRO, mardi 11 juin 2002 (latinreporters.com) - "Dans l'Empire romain, seuls les Romains votaient. Dans le capitalisme global moderne, seuls les Américains votent. Les Brésiliens non". Cette comparaison faite par le célèbre financier international George Soros choque d'autant plus qu'elle est formulée à moins de 4 mois du premier tour, le 6 octobre, de l'élection présidentielle brésilienne.

Selon les sondages, le favori en est Luis Inacio Lula da Silva (que les Brésiliens appellent Lula), ancien ouvrier métallurgiste et président d'honneur du Parti des travailleurs (PT), le plus grand parti de gauche d'Amérique latine. Mais pour George Soros, les Brésiliens seraient condamnés, afin d'éviter le chaos, à élire le candidat des marchés financiers internationaux, José Serra.

Ex-ministre de la Santé, José Serra brigue la présidence au nom du Parti de la social-démocratie brésilienne du président sortant, Fernando Henrique Cardoso. Ce dernier, au terme de deux mandats consécutifs, ne peut pas, constitutionnellement, en solliciter un troisième. Le dernier sondage octroie  40% des intentions de vote à Lula, contre 21% à José Serra, en passe néanmoins de réduire l'écart après avoir choisi comme candidate à la vice-présidence une active et belle députée centriste de 41 ans, Rita Camata. La bourse, les banques et les investisseurs internationaux ne cachent pas leur préférence pour José Serra.

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Dossier Brésil

Dans des déclarations publiées par l'influent quotidien brésilien Folha de Sao Paulo, George Soros affirme que les attaques spéculatives que subit actuellement la monnaie brésilienne, le real, se poursuivront aussi longtemps que Lula sera le favori de l'élection présidentielle.

Ces attaques font monter le cours du dollar et le risque pays du Brésil, fragilisant son économie. En conséquence, selon George Soros, si Lula accédait à la présidence, il serait contraint, même s'il ne le voulait pas, de déclarer un moratoire de la dette extérieure brésilienne.

George Soros, considéré comme l'un des plus grands spéculateurs financiers de la planète, estime que, face à cette éventualité, les Brésiliens seraient condamnés à choisir le candidat de l'establishment, José Serra, afin que le pays ne sombre pas dans le chaos.

"Seule une victoire de Serra calmera les marchés" insiste le multimillionnaire américain d'origine hongroise, propriétaire du Soros Fund Management. Il reconnaît que le mécanisme par lequel les marchés financiers internationaux prétendent imposer leur candidat est antidémocratique, car il conditionne le vote des Brésiliens. Mais, toujours selon George Soros, les choses fonctionnent de cette façon dans un monde où les Etats-Unis assument le rôle "impérial qu'eut Rome".

C'est dans ce contexte que George Soros assène son verdict polémique cité plus haut: "Dans l'Empire romain, seuls les Romains votaient. Dans le capitalisme global moderne, seuls les Américains votent. Les Brésiliens non".

Le président Fernando Henrique Cardoso, qui fait pourtant campagne en faveur de José Serra, a réagi avec indignation aux propos de George Soros. "Nous ne pouvons pas accepter que l'on fasse des paris contre le pays. Le Brésil est une démocratie et la décision du peuple doit être respectée" a averti le chef de l'Etat. Il estime que "les bases de l'économie brésilienne sont solides" et que les turbulences financières actuelles sont purement "spéculatives".

Néanmoins, la longue et profonde crise argentine a assombri le panorama économique du Brésil. La première puissance économique d'Amérique latine a vu s'effondrer de 70% ses ventes sur le marché argentin et elle montre des signes de récession. Le premier dérapage se produisit entre octobre et décembre 2001, avec une baisse de la croissance brésilienne de 0,63%. Le deuxième faux pas, un nouveau recul de 0,73%,  fut enregistré entre janvier et mars derniers. Deux trimestres négatifs consécutifs sont habituellement considérés par les analystes comme une entrée en récession.

Quant à la possibilité d'une victoire électorale de Lula, qui brigue la présidence pour la quatrième fois, les milieux économiques s'en émeuvent au point que des banques étrangères recommandent la diminution des investissements au Brésil ou dans les valeurs brésiliennes. Le PT de Lula accuse ces banques de "chantage" et de "terrorisme économique".

Malgré une timide reprise depuis vendredi dernier, suite à une légère réduction de l'écart entre Lula et José Serra dans les sondages, l'indice Ibovespa de la bourse de Sao Paulo, principale place financière latino-américaine, est à l'un de ses niveaux les plus bas depuis le début de l'année. Le real brésilien recule face au dollar, menaçant de faire déraper l'inflation. Quant au risque pays du Brésil, qui influe sur le coût de ses emprunts, il était hier de 1.141 points. Il dépasse celui du Venezuela, pourtant secoué en avril par un coup d'Etat avorté, et celui de la Colombie, ravagée par des décades de guerre civile larvée.

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