III. PANORAMA : OBAMA, CHAVEZ ET LE PAPE TÊTES D'AFFICHE
par Christian GALLOY
Dimanche, 8 janvier 2012 (LatinReporters.com) – En quête de leur réélection l'automne prochain,
le président des États-Unis, Barack Obama, et son principal
adversaire politique sur le continent, le président vénézuélien
Hugo Chavez, sont avec le pape Benoît XVI les têtes d'affiche
du calendrier politico-social 2012 en Amérique latine.
L'élection présidentielle du 6 novembre aux États-Unis
aura une double connexion latino-américaine. D'une part, en fonction
de l'importance croissante des Latinos états-uniens (plus de 15% de la
population et environ 10% des électeurs). En 2008, ils votèrent
massivement pour Barack Obama. Et d'autre part, en fonction aussi de l'influence
politique et économique que Washington conserve sur l'ensemble du
continent, même si cette influence a été réduite
par la crise économique globale et surtout par le virage à
gauche de nombreux pays latino-américains depuis le début de
ce siècle.
Dans ce contexte, les chancelleries analyseront attentivement les messages
que délivrera Barack Obama lors de ses deux grands rendez-vous de
2012 en Amérique latine, les 14 et 15 avril au VIe Sommet des Amériques,
en Colombie, et les 18 et 19 juin au sommet du G20, au Mexique.
L'institution du Sommet des Amériques est une émanation de
l'OEA (Organisation des États américains), qui réunit
34 pays, tous ceux du continent à la seule exception de Cuba. Si le
sommet précédent, déjà avec Barack Obama en 2009
à Trinité-et-Tobago, fit brièvement croire à
un début de réconciliation entre les États-Unis et le
bloc de la gauche radicale régionale mené par Hugo Chavez,
le VIe Sommet des Amériques sera-t-il celui de l'éclatement
de l'OEA? La fracture serait consacrée de facto par une éventuelle
politique de la chaise vide du Venezuela, du Nicaragua, de l'Équateur
et de la Bolivie, principaux membres, avec Cuba, de l'ALBA (Alliance bolivarienne
pour les peuples de notre Amérique).
Venezuela : quatre questions pèsent sur l'élection présidentielle
Au sommet fondateur de la CELAC (Communauté des États latino-américains
et des Caraïbes), les 2 et 3 décembre 2011 à Caracas,
Hugo Chavez misa sur une Amérique sans les États-Unis ni le
Canada. Ignorant ces deux pays et incluant tous les autres du continent, y compris Cuba, la CELAC
devrait, selon le leader bolivarien, se substituer à l'OEA. La CELAC
sera l'interlocutrice de l'Europe communautaire lors du VIIe Sommet UE-ALC (Union européenne
- Amérique latine et Caraïbes), à Santiago du Chili.
A noter, dans la foulée du glissement du pôle économique
planétaire vers le Pacifique et l'Asie, l'émergence de l'Alliance
du Pacifique par laquelle le Chili, le Pérou, la Colombie et le Mexique,
quatre pays riverains du grand océan, forgent un marché commun
de 200 millions d'habitants. Ces quatre pays, tous liés par ailleurs
aux États-Unis par des accords de libre-échange, donneront
solennellement le coup d'envoi, le 6 juin au nord du Chili, de
leur coopération destinée aussi à la conquête
des marchés asiatiques. Ce pôle libre-échangiste du Pacifique
entrera-t-il en conflit avec le pôle relativement protectionniste constitué
sur le versant atlantique de l'Amérique du Sud par les pays du MERCOSUR
(Brésil, Argentine, Paraguay, Uruguay et, en préadhésion,
le Venezuela)?
Au Venezuela même, l'événement sera l'élection
présidentielle du 7 octobre. Les sondages prédisent une nouvelle
victoire de Hugo Chavez. Son éventuelle réélection pour
un nouveau mandat de 6 ans lui permettrait de totaliser deux décennies
continues de pouvoir. Mais quatre interrogations majeures pèsent sur cette
présidentielle. Le cancer, dont Hugo Chavez se prétend guéri,
lui permettra-t-il de briguer sa propre succession jusqu'au jour du scrutin?
L'opposition réussira-t-elle à s'unir durablement en se dotant
d'un candidat présidentiel unique aux primaires du 12 février?
Le pouvoir ou l'opposition reconnaîtront-ils leur éventuelle
défaite? En cas de décès ou d'échec du président
Chavez, comment réagiront les généraux qui affirment
publiquement aujourd'hui qu'ils ne reconnaîtront jamais d'autre commandement
que celui de l'actuel chef de l'État?
Fidel Castro toujours excommunié
Comme chaque voyage du pape, celui que Benoît XVI effectuera du 23
au 28 mars, au Mexique puis à Cuba, sera un événement à
résonance médiatique planétaire. Voir l'évêque
de Rome dire la messe sur la place de la Révolution à La Havane
sera un privilège peu commun, d'autant que le père de
cette Révolution, Fidel Castro, est toujours sous le coup de
l'excommunication. Le pape Jean XXIII l'en frappa voici 50 ans, le 3 janvier
1962, pour adhésion au marxisme-léninisme et hostilité
manifeste envers les serviteurs de l'Église. Mais aujourd'hui, la
réconciliation entamée en 1998 par le voyage historique de
Jean-Paul II dans la grande île des Caraïbes semble favoriser
la lente ouverture du régime castriste et l'élargissement d'une
partie de ses prisonniers.
Le pape sera en principe plus à l'abri de chocs idéologiques
au Mexique, pays où toutefois la criminalité liée aux
cartels de la drogue surpasserait, selon les médias, 50.000 morts depuis le début
de l'actuelle législature, en 2006. Le successeur du président
conservateur Felipe Calderon pour un mandat non renouvelable de six ans devrait
être, selon les sondages, Enrique Peña Nieto. Cet ex-gouverneur
de l'État de Mexico est le candidat de l'historique Parti révolutionnaire
institutionnel (PRI). Ce magma populiste, couvrant un éventail allant
du centre gauche à la droite néolibérale, reprendrait
le contrôle du pouvoir fédéral qu'il monopolisa jusqu'en
2000 pendant 71 années consécutives.
La gauche mexicaine, sous la bannière du Parti de la révolution
démocratique (PRD), relativement perméable au discours radical
du Vénézuélien Hugo Chavez, sera à nouveau conduite
à l'élection présidentielle du 1er juillet par le polémique
Andres Manuel Lopez Obrador. Il n'a jamais admis sa défaite en 2006, allant jusqu'à
s'autoproclamer "président légitime" du Mexique. Sa victoire serait une surprise,
désagréable pour Washington.