BRASILIA, samedi 8 décembre 2012 (LatinReporters.com) - Marqué par la signature du protocole d'adhésion
de la Bolivie, le 44e sommet du Mercosur, réuni vendredi à
Brasilia, a salué la récente pleine adhésion du Venezuela
et la négociation de celle de l'Équateur. Le Marché
commun sud-américain s'ouvre ainsi aux trois pays du sous-continent
qui forment, avec cinq autres d'Amérique centrale et des Caraïbes,
le bloc de la gauche radicale dénommé ALBA (Alliance bolivarienne
pour les peuples de notre Amérique).
A tort ou à raison, des interprétations idéologiques
risquent d'entourer ce processus d'élargissement de l'entité
économique et commerciale qu'est en principe le Mercosur, fondé
en 1991 par le Brésil, l'Argentine, l'Uruguay et le Paraguay. Le Venezuela
en est le cinquième membre depuis le 31 juillet dernier. Brasilia et
Montevideo relèvent de ce qu'il est convenu d'appeler la social-démocratie.
Buenos Aires est à mi-chemin entre cette gauche modérée
et la radicale instaurée à Caracas. Compte tenu de la suspension
provisoire du Paraguay suite au limogeage expéditif, le 22 juin, de
son premier président de gauche, Fernando Lugo, le Mercosur est aujourd'hui
aux mains de pays se situant tous à gauche de l'échiquier politique.
L'arrivée de la Bolivie, que suivra probablement l'Équateur,
consolidera et radicalisera cette réalité.
La signature au sommet de Brasilia du protocole d'adhésion de la
Bolivie lui donne voix au sein du Mercosur, mais son droit de vote est suspendu
à la ratification de son adhésion par les parlements des États
membres.
"L'entrée de la Bolivie renforce le Mercosur. Je souhaite la bienvenue
au président Evo [Morales] et à l'ensemble du peuple bolivien,
qui apporte au Mercosur la culture diversifiée des peuples indigènes
dont nous nous enorgueillissons beaucoup" a déclaré la présidente
brésilienne Dilma Rousseff.
Elle a aussi salué les progrès des négociations avec
l'Équateur, en présence de son président Rafael Correa,
et "la première participation du Venezuela en tant que membre à
part entière". Revenu vendredi matin à Caracas d'une nouvelle
hospitalisation à Cuba suite à son cancer révélé
en juin 2011, le président vénézuélien Hugo Chavez
avait délégué au sommet de Brasilia son ministre de l'Énergie,
Rafael Ramirez.
L'Argentine était représentée par la présidente
Cristina Fernandez de Kirchner et l'Uruguay par son président José
Mujica, à qui Dilma Rousseff a transmis la présidence semestrielle
du Mercosur. Evo Morales et Rafael Correa assistèrent à la séance
plénière.
Mercosur, CELAC et Union européenne
Avant le sommet, le président bolivien avait souligné, en
s'en réjouissant et en l'utilisant comme argument, qu'aucun des pays
du Mercosur ou en voie d'y adhérer n'a conclu avec les États-Unis
un accord de libre-échange, contrairement au Mexique, aux pays d'Amérique
centrale et à trois pays d'Amérique du Sud, la Colombie, le
Pérou et le Chili.
Ces trois derniers pays, unis depuis le 6 juin dernier au Mexique au sein
d'une Alliance du Pacifique qui forge un marché commun de 200 millions
d'habitants, dessinent un pôle libre-échangiste qui contraste
avec le pôle relativement protectionniste constitué par le Mercosur
sur le versant atlantique de l'Amérique du Sud. Cette division influera
peut-être sur les résultats du sommet
CELAC-UE
(Communauté des États latino-américains et des Caraïbes
- Union européenne), les 26 et 27 janvier 2013 à Santiago du Chili.
Lors de ce 7e sommet intercontinental auquel participeront les 33 pays de
la CELAC, leurs 27 interlocuteurs de l'UE tenteront notamment de concrétiser
un calendrier menant à l'aboutissement de la négociation d'un
accord de libre-échange avec le Mercosur. Mais les Européens
entendront leurs interlocuteurs latino-américains réitérer,
comme le fait la
déclaration
finale du sommet de Brasilia (points 18,19
et 20), leur crainte "de l'impact négatif sur l'économie mondiale
des politiques d'ajustement fiscal et d'expansion monétaire excessive
des pays développés", qui risquent "de compromettre les actions
visant à éradiquer la pauvreté et à réduire
les inégalités sociales" en Amérique latine.
"Ce dialogue avec l'Union européenne doit d'abord servir à
savoir ce qu'ils veulent, les écouter et voir ce qui nous convient
à nous en tant que région" a dit aux journalistes, à
l'issue du sommet, la présidente argentine Cristina Fernandez de Kirchner.
Elle a fustigé notamment le protectionnisme agricole de la France et
appelé l'Amérique du Sud a être attentive pour éviter
la répétition dans la région de "la tragédie"
que vit l'Europe, avec "des gens sans maison, sans travail, sans espoir".
L'ouverture du Mercosur aux pays radicaux de l'ALBA compliquera-t-elle davantage
la négociation avec l'Europe? José Mujica, président de l'Uruguay
qui a relevé le Brésil à la présidence semestrielle
du Mercosur, préfère afficher un optimisme relatif. Il croit
que la crise européenne a créé "des conditions d'échange
et de négociation qui n'existaient pas dans le passé".
A cet égard, des analystes notent que la prospérité actuelle
de l'Amérique latine malgré la crise globale équilibrera
son dialogue avec l'UE. Comme l'Espagne au récent sommet ibéro-américain, en
novembre à Cadix, d'autres pays européens devraient, selon
une image de l'AFP, lorgner sur l'Eldorado latino-américain comme sur
une bouée de sauvetage.