MADRID , dimanche 18 novembre 2012 (LatinReporters.com) - L'Espagne et le Portugal, plongés dans une crise sévère,
voient une bouée de sauvetage en l'Amérique latine en pleine
renaissance économique et celle-ci en saisit l'occasion pour faire la
leçon, au-delà de Madrid et Lisbonne, à une Europe jugée
victime de sa cure excessive d'austérité. Cette double constatation
résume le 22e sommet ibéro-américain, réuni les
16 et 17 novembre dans la ville andalouse de Cadix.
Les débats du sommet annuel de la vingtaine de pays hispanophones
et lusophones du vieux et du nouveau continent
ont fait une large part aux problèmes de l'Union européenne
(UE), qui présentent un risque de contagion globale. Les Latino-Américains
ne comprennent pas les recettes rigoureuses d'ajustements budgétaires
appliquées en Europe et qui ont eu chez eux des conséquences
dramatiques lors de la "décennie perdue" des années 80 du siècle
dernier.
Piétinant le vieux paternalisme souvent
reproché jusqu'il y a peu aux "riches" partenaires européens,
les chefs d'État et de gouvernement de leurs anciennes colonies ont
exhibé leur dynamisme économique pour tendre tout de même
la main à l'Espagne et au Portugal, mais en leur prodiguant des conseils.
"La confiance ne se construit pas seulement
avec des sacrifices [...] La consolidation fiscale exagérée
et simultanée dans tous les pays n'est pas la meilleure réponse
à la crise mondiale et elle peut même l'aggraver, conduisant
à une récession majeure" a affirmé Dilma Rousseff, présidente
d'un Brésil devenu la sixième puissance économique de
la planète. Avoir sorti de la pauvreté des dizaines de millions
de Brésiliens convertis en une classe moyenne soutenant une croissance enviable
est, selon elle, le fruit "de politiques qui
privilégient la croissance économique et l'inclusion sociale".
Prochain duel Rousseff - Merkel ?
Dilma Rousseff s'exprimait devant trois
apôtres de la rigueur, le chef du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy,
son homologue portugais Pedro Passos Coelho et le président de la
Commission européenne, Jose Manuel Durão Barroso.
Ce dernier, invité au sommet de Cadix, est en sorti avisé de la température
probable du prochain sommet UE-CELAC (Communauté des États
latino-américains et des Caraïbes), les 26 et 27 janvier 2013
à Santiago du Chili. Un duel entre Dilma Rousseff et la chancelière
allemande Angela Merkel, impératrice de l'austérité, n'y étonnerait personne.
Le président de l'Équateur,
Rafael Correa, qui fut ministre de l'Économie durant l'une des ultimes
crises de la dette de son pays, a lui aussi vivement critiqué les
politiques d'austérité, "qui affectent la majorité et
dont peu bénéficient". Il croit que "l'histoire se répète
aujourd'hui en Europe".
Ollanta Humala, président du Pérou,
a également insisté sur la nécessité de promouvoir
la croissance avec inclusion sociale. Même le ministre cubain des Affaires
étrangères, Bruno Rodriguez, s'est permis d'avertir l'Europe
que le bien-être dont elle s'enorgueillissait "semble en danger
d'extinction" et que la survie de l'euro "est menacée".
Conseil encore, ou du moins invitation
à élargir les horizons, la lettre qui offre à l'Espagne
le statut d'observateur au sein de l'Alliance du Pacifique, remise à
Cadix à Mariano Rajoy par les présidents des quatre pays de
cette alliance - Mexique, Colombie, Pérou et Chili. Ils forment depuis
le mois de juin une zone de libre-échange de 200 millions d'habitants
soucieuse de conquérir les marchés asiatiques.
Aussi la
Déclaration
de Cadix, document final du 22e sommet ibéro-américain, plaide-t-elle
logiquement en faveur de la promotion de politiques de croissance. Elle vise aussi à
donner une impulsion au commerce et à développer les investissements
entre les deux continents dans un panorama de crise mondiale à laquelle
les pays latino-américains sont parvenus à opposer une
croissance soutenue.
Contradiction
Que l'Espagne et le Portugal misent sur
la croissance dans le contexte ibéro-américain, tout en l'étouffant
sous une rigueur draconienne dans le cadre européen,
est une contradiction qui atteste peut-être du désarroi des
deux pays ibériques. Madrid et Lisbonne semblent en fait s'agripper
au nouvel Eldorado d'outre-Atlantique comme à une bouée de
sauvetage. Le thème officiel du sommet, "Une relation rénovée",
ne dit pas autre chose.
Mariano Rajoy a été jusqu'à
inviter les sociétés latino-américaines à investir
en Espagne, où elles jouiront, a-t-il dit, d'une grande sécurité
juridique. Garantie aux entreprises, cette sécurité est quasi
inexistante pour les salariés espagnols depuis la réforme du
marché du travail, qui a "flexibilisé" au début de l'année
salaires et conditions de licenciement sur injonction de Berlin, de Bruxelles
et de la Banque centrale européenne.
Le sommet a aussi annoncé la création d'un centre d'arbitrage
indépendant qui devrait permettre la résolution rapide des
conflits entre entreprises, comme par exemple l'expropriation en Argentine
de la filiale YPF de la compagnie pétrolière espagnole Repsol.
Les participants se sont par ailleurs prononcés pour une réflexion
de la communauté internationale sur les conséquences de la
légalisation de certaines drogues, décidée par plusieurs
pays, et ont appelé à une meilleure coordination internationale.
Au total, 21 pays étaient présents au sommet de Cadix. Toutefois,
les chefs d'État d'Argentine, de Cuba, du Venezuela, du Guatemala,
d'Uruguay et du Nicaragua étaient représentés par leur
vice-président ou leur ministre des Affaires étrangères.
Le Paraguay, en conflit avec ses partenaires depuis la destitution de son
président de gauche, Fernando Lugo, était absent.