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Du 23 au 28 mars, voyage pastoral éclaboussé par la politique
Pape Benoît XVI au Mexique et à Cuba : espoirs et polémiques
 

   

 
MEXICO / LA HAVANE, vendredi 23 mars 2012 (LatinReporters.com) - Comme d'autres voyages du pape, celui que Benoît XVI effectue du 23 au 28 mars en Amérique latine, au Mexique puis à Cuba, est un événement à résonance médiatique planétaire. Son caractère à la fois religieux et de facto politique soulève espoirs et polémiques, surtout dans l'île des frères Fidel et Raul Castro.

Vente de figurines de la patronne de Cuba, la Virgen de la Caridad del Cobre (Vierge de la Charité d'El Cobre), dans la localité d'El Cobre (province de Santiago de Cuba), qui abrite son sanctuaire que visitera le pape Benoît XVI - Photo Ismael Francisco / Cubadebate

C'est la seconde fois, cinq ans après avoir proclamé l'Évangile au Brésil, que l'Allemand Joseph Ratzinger arpente en pasteur la terre latino-américaine appelée par son prédécesseur polonais Jean-Paul II "le continent de l'espoir". Plus de 40% des catholiques de la planète y vivent.

"J'ai l'intention de voyager au Mexique et à Cuba pour y proclamer la parole du Christ et consolider la conviction que le moment est excellent pour évangéliser avec une foi forte, un espoir vif et une charité ardente" affirmait le pape le 12 décembre dernier en annonçant officiellement sa double visite.

Comme en 2007 au Brésil, l'objectif est de contrer la sécularisation de la société et la pénétration de ce que Rome appelle les "sectes", terme appliqué notamment à divers groupes d'inspiration protestante. La défense de la famille, du mariage et de la vie, de la conception jusqu'à la mort, est indissociable de cette "réévangélisation" entamée par le Vatican.

Mexique en campagne préélectorale et secoué par la criminalité

Au Mexique, les catholiques totalisent, selon le Vatican, 91,89% des 108,4 millions d'habitants. Le gouvernement mexicain ramène cette proportion à 83%. La différence mesure peut-être le recul de l'Église catholique dans ce pays depuis le début de ce millénaire.

L'étape mexicaine de Benoît XVI se déroulera uniquement, du 23 au 26 mars, dans l'État de Guanajuato (centre), la seule des 32 régions fédérées que ne visita pas l'infatigable Polonais Karol Wojtyla lors de ses cinq périples au Mexique. La capitale, Mexico, a été déconseillée par les médecins à l'actuel souverain pontife à cause de son altitude, 2.250m.

Que la patronne du Mexique, la Vierge de Guadalupe, soit aussi "l'Impératrice des Amériques", comme la surnomma Pie XII, renforcera symboliquement la portée continentale du message de Joseph Ratzinger. Autre symbole : la messe massive du dimanche 25 mars dans la ville de Silao sera célébrée dans le Parc du Bicentenaire, le bicentenaire de l'indépendance fêté cette décennie par de nombreux pays latino-américains.

Benoît XVI est reçu par le président mexicain, le conservateur Felipe Calderon, en pleine période préélectorale avant le scrutin présidentiel et législatif du 1er juillet. La date du voyage et le choix de l'État de Guanajuato, gouverné par le Parti de l'action nationale (PAN) de M. Calderon, ont soulevé des soupçons politiques. Le Vatican ne s'inquiéterait toutefois probablement pas d'un retour au pouvoir, prédit par les sondages, de l'historique Parti révolutionnaire institutionnel (PRI). Ce magma populiste, étiré du centre gauche à la droite néolibérale, avait ouvert quatre fois les bras à Jean-Paul II.

Le rappel papal de l'éthique vaticane fera sans doute murmurer dans la capitale, Mexico, place forte du Parti de la révolution démocratique (PRD, gauche) où l'avortement et l'"union civile" homosexuelle ont droit de cité. Quelques murmures entoureront aussi l'absence à l'agenda de l'illustre visiteur d'une rencontre avec des victimes mexicaines de religieux pédophiles. Le souvenir des débordements du père Marcial Maciel Degollado, fondateur de la Légion du Christ, n'est pas encore éteint.

Benoît XVI devrait par contre faire l'unanimité politique en lançant probablement un message de paix alors que la violence liée à la criminalité organisée, en particulier le narcotrafic, et à l'engagement de l'armée pour la combattre a fait quelque 50.000 morts au Mexique depuis l'arrivée au pouvoir de Felipe Calderon, en 2006. A cet égard, l'État de Guanajuato qui accueille le pape est relativement épargné. Des gangs locaux y ont parlé de trêve le temps de sa visite.

Avec rappel de la visite de Jean-Paul II en janvier 1998, présentation par la télévision cubaine de l'aménagement à Santiago de Cuba (Place Antonio Maceo) et à La Havane (Place de la Révolution) des autels sur lesquels Benoît XVI célébrera la messe, respectivement le 26 et le 28 mars 2012.

A Cuba, Benoît XVI prononcera-t-il le mot "liberté" ?

Sur 11.242.000 Cubains, le Vatican dénombre exactement 6.766.000 catholiques, soit 60,19% de la population. Faible par rapport à celle des autres pays d'Amérique latine, cette proportion est en outre relativisée par un fort syncrétisme, le catholicisme cohabitant avec la Santería et d'autres croyances afro-cubaines que ne renieraient pas, selon des estimations officieuses, quelque 70% des Cubains. Selon divers médias, à peine 10% de la population se considérerait catholique.

Second pape reçu à Cuba, du 26 au 28 mars, Benoît XVI y fut précédé par Jean-Paul II en janvier 1998. A l'époque, la grande île des Caraïbes affrontait les graves pénuries consécutives à la dissolution de son allié historique, l'Union soviétique. "Que Cuba s'ouvre au monde et que le monde s'ouvre à Cuba" clamait Karol Wojtyla. ("Que Cuba s'ouvre à Cuba" souhaite plutôt aujourd'hui la célèbre blogueuse dissidente Yoani Sanchez). Lors de sa messe à La Havane sur l'emblématique Place de la Révolution, le vigoureux Polonais répéta à satiété le mot "liberté".

Aujourd'hui, quoique le Venezuela et la Chine aient pris le relais de Moscou pour soutenir l'économie cubaine, la crise mondiale pousse La Havane à licencier des centaines de milliers de fonctionnaires, invités à tenter de vivre de petits métiers soudainement privatisés. A la présidence, Raul Castro a remplacé son frère Fidel, en convalescence permanente dont on ne sait quelle maladie. Vieux d'un demi-siècle, l'embargo américain, que n'apprécie pas le Vatican, est maintenu par Barack Obama.

Dans ce panorama, une nouveauté essentielle, probable fruit différé de la visite de Jean-Paul II : l'Église catholique cubaine et le régime communiste castriste collaborent, mais au point d'inquiéter les défenseurs des droits de l'homme. Ainsi, Mgr Jaime Ortega, cardinal et archevêque de La Havane, accepta-t-il la déportation et l'exil forcé, principalement en Espagne, des 75 dissidents emprisonnés lors du "printemps noir" de 2003, pour obtenir en 2010 de Raul Castro leur libération échelonnée. Amnesty International rappela alors que l'alternative déportation ou prison est une violation des lois internationales et du droit des détenus libérés à résider dans leur pays.

Principale autorité religieuse de l'île, le même cardinal Jaime Ortega, désormais bienvenu sur les antennes de la télévision d'État, fit appeler la police, dont l'intervention fut brutale, pour déloger le 15 mars dernier treize dissidents qui occupaient pacifiquement l'église de la Charité de La Havane. Ils réclamaient la libération sans condition des prisonniers politiques, l'arrêt de la répression et de la persécution des opposants au régime, la liberté d'expression et d'association et l'accès à l'information sans censure, y compris internet.

Les Dames en blanc, outragées à chacune de leur sortie pour la défense des libertés, ont sollicité du pape "une minute d'attention". Aucune rencontre de Benoît XVI avec des dissidents n'est prévue prévient toutefois le père Federico Lombardi, porte-parole du Vatican. Il annonce par contre que le pape, qui sera accueilli par Raul Castro, rencontrerait "avec grand plaisir" son frère, l'ex-président Fidel Castro, si ce dernier en exprimait le souhait... Une génuflexion papale d'autant plus surprenante que Benoît XVI déclarait en 2007 au Brésil : "Le système marxiste, quand il a réussi à se frayer un chemin au gouvernement, n'a pas seulement laissé un triste héritage de destruction économique et écologique, mais aussi une douloureuse destruction de l'esprit humain".

La vénération de la patronne de Cuba, la Vierge de la Charité de la localité d'El Cobre, est pour Joseph Ratzinger l'une des priorités de son étape cubaine, ponctuée de deux messes, à Santiago de Cuba , puis à La Havane, sur l'inévitable Place de la Révolution. Y invoquera-t-il, comme Jean-Paul II, la "liberté", rappelant ainsi à l'ordre l'Église cubaine, très ou trop préoccupée par l'élargissement de son espace dans un système politique qu'elle ne conteste plus?

"Nous ne sommes plus les mêmes et ce n'est pas le même pape"

Yoani Sanchez résume la désillusion en écrivant sur son blog Generación Y : "Il y a trop de différences entre ce mois de mars où Sa Sainteté atterrira sur l'aéroport de la Havane et la venue de Jean-Paul II en janvier 1998. Celui qui était aussi connu sous le nom de "pape voyageur" était arrivé précédé d'histoires qui le liaient à la chute des régimes d'Europe de l'Est. Ratzinger pour sa part arrivera à un moment où déjà toute une génération de Cubains, née après la chute du mur de Berlin, ne connaît même pas la signification du sigle URSS.

A la fin des années quatre-vingt-dix, Karol Wojtyla nous a incendié le cœur, y compris les agnostiques comme moi, en prononçant plus d'une douzaine de fois le mot "liberté" sur la Place de la Révolution. Mais aujourd'hui, dans un climat d'apathie et de découragement, il sera plus difficile pour Ratzinger de mobiliser par ses paroles la même émotion. Sa visite sera plutôt un pâle reflet de la précédente parce que nous ne sommes plus les mêmes et ce n'est pas le même pape".

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LE MARXISME
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Vendredi 23 mars 2012 (avec AFP) Le pape Benoît XVI a estimé vendredi à propos de Cuba que "l'idéologie marxiste comme elle avait été conçue ne répond plus à la réalité" et qu' "il convient de trouver de nouveaux modèles avec patience et de façon constructive".

S'exprimant aux journalistes dans l'avion qui le conduisait d'abord au Mexique puis l'emmènera à Cuba, le pape a souligné la volonté des catholiques d'aider à un dialogue constructif pour éviter les traumatismes, alors que  l'Église cubaine est devenue le principal interlocuteur politique des autorités de La Havane.

"Il est évident que l'Église est toujours du côté de la liberté de conscience, de la liberté de religion" a souligné Benoît XVI, en assurant qu'actuellement à Cuba de simples fidèles catholiques contribuent à ouvrir ce chemin.

Le pape a affirmé se situer dans une continuité absolue avec le voyage historique de Jean-Paul II sur l'île caraïbe en janvier 1998 et a cité sa fameuse phrase sur la nécessité d'ouvrir Cuba au monde et le monde à Cuba.

"Ces paroles sont encore très actuelles" a estimé Benoît XVI, à propos d'un voyage qui avait marqué un dégel des relations entre l'Église catholique et le régime communiste cubain.

Lors de son premier voyage en Amérique latine, en 2007 au Brésil, le pape avait déjà exprimé son rejet du marxisme. "Le système marxiste, quand il a réussi à se frayer un chemin au gouvernement, n'a pas seulement laissé un triste héritage de destruction économique et écologique, mais aussi une douloureuse destruction de l'esprit humain" déclarait alors Benoît XVI.
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