BUENOS AIRES, mercredi 23 novembre 2011 (LatinReporters.com) - Faire
des économies... Quelques jours après les élections du 23 octobre dernier, la
présidente Cristina Fernandez de Kirchner étant alors réélue
dès le premier tour, le parti présidentiel - el Partido Justicialista
- a égrené ses premières mesures post-électorales.
Avec un objectif : assainir les comptes pour atteindre un déficit nul,
voire un excédent budgétaire, comme l'avait institué
en son temps le président Nestor Kirchner, mari défunt de l'actuelle
présidente.
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La présidente argentine Cristina Fernandez de Kirchner avec
le vice-président élu et ministre de l'Économie,
Amado Boudou (à droite), et le secrétaire aux Finances, Juan
Carlos Pezoa. (Photo Casa Rosada, 22 novembre 2011) |
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Deux jours après l'élection présidentielle, les sociétés
minières (comme notamment la canadienne Barrick Gold) et pétrolières
(dont l'hispano-argentine YPF ou l'argentine Pan American Energy) exploitant
un site dans le pays apprennent qu'elles devront désormais rapatrier
les devises générées par leurs exportations, avec obligation
de les convertir en pesos argentins.
Une semaine plus tard, le gouvernement pose de nouvelles conditions au change
de pesos en dollars. En le compliquant, l'exécutif cherche à
limiter la convertibilité. Et enfin, début novembre, le vice-président
élu et ministre de l'Économie, Amado Boudou, annonce une coupe
dans les subventions du prix de l'énergie - électricité
et gaz - qui concernera d'abord les entreprises, puis les foyers les plus
aisés.
"Ou ces mesures indiquent que la situation est pire que celle que nous
imaginions ou le gouvernement s'appuie sur son succès électoral
pour faire passer des mesures nécessaires, mais difficiles à
digérer par une partie de son électorat, comme la coupe des
subventions aux ménages" analyse Alejandro Gorbato, avocat spécialiste
des questions économiques
Entre confiance et défiance
Car l'Argentine de Cristina Kirchner vit un paradoxe économique :
"On n'a jamais observé
une telle consommation domestique, signe d'une grande confiance de la population
et, à la fois, les dépôts d'argent en devises étrangères
n'ont jamais été aussi élevés, marque d'une grande
défiance" signale Carlos Melconian, directeur du cabinet de conseil
M&S.
Dans un pays privé de financements internationaux, faute de ne pas
s'être acquitté de la totalité de ses dettes après
son grand défaut de paiement en 2001, maintenir les grands piliers
de l'économie est un exercice d'équilibriste. En ce sens, les
réserves de devises sont essentielles pour préserver le cours
de la monnaie nationale et ne pas la laisser se dévaluer.
"L'Argentine est en déficit depuis 2009" affirme Jorge Colina,
chef des études à l'IDESA (Instituto para el Desarrollo Social
Argentino). Selon cet organisme, loin des déclarations rassurantes
du gouvernement, le déficit réel du budget de l'Etat atteint
aujourd'hui 33 milliards de pesos (7,7 milliards de dollars). Ce déficit
est creusé notamment par les 76 milliards de pesos de subventions diverses,
dont celles du gouvernement aux entreprises pour compenser la non augmentation
de leurs tarifs depuis 2004, entre autres dans les transports publics, l'énergie
et l'alimentation. Le reste est destiné aux entreprises publiques
comme Aerolinas Argentinas, nationalisée en 2008 et actuellement en
déficit.
"Les 4 milliards de pesos d'économies que le gouvernement vient
de décider ne seront pas suffisants. Il devra poursuivre ces coupes
l'an prochain" pronostique Jorge Colina. Dans ce cadre, le gouvernement
est en négociation avec la ville de Buenos Aires pour lui confier la
gestion du métro.
Le cauchemar du dollar
L'autre grand défi : maîtriser le cours du dollar. Objet d'une
demande accrue, cette devise a vu son cours passer de 3,8 pesos en 2009 à 4
pesos en 2010 et à 4,28 aujourd'hui. Cela complique la politique de la banque
centrale en matière de réserves financières. Mais les
limitations gouvernementales imposées sur le marché des changes risquent d'avoir des
effets contraires à ceux escomptés. En effet, le dollar acheté
"au noir" atteindrait déjà plus de 5,2 pesos.
"Les Argentins achètent du dollar car ils craignent l'inflation.
En résolvant le problème de l'inflation, on résoudra
par la même occasion celui de la dévaluation du peso" [par
rapport à la devise américaine] rappelle Jorge Colina. Si l'Institut
national des statistiques argentin relève une inflation de 8% depuis
le début de l'année, des consultants privés l'estiment,
eux, autour de 25 à 30%.