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Bolivie - gaz : les 5 questions du référendum polémique du président Mesa

Leurs diverses interprétations possibles pourraient hypothéquer la stabilité politique

Le président Carlos Mesa
Photo Presidencia Republica de Bolivia
LA PAZ, dimanche 18 juillet 2004 (LatinReporters.com) - L'hostilité de communautés indiennes et de syndicats ouvriers et paysans, ainsi que le manque de transparence des questions posées jettent le doute sur les conséquences du référendum  convoqué le président Carlos Mesa. Par ce référendum, quelque 4,4 millions d'électeurs boliviens (sur une population totale de 8,7 millions, dont 60% d'Indiens) devaient en principe déterminer dimanche la politique d'exploitation des gigantesques réserves de gaz du pays, le plus pauvre d'Amérique du Sud.

Les diverses interprétations possibles que le gouvernement et ses opposants peuvent donner aux questions du référendum risquent de créer bientôt de nouveaux accès de fièvre sociale, quels que soient les résultats de cette consultation populaire. Un diagnostic partagé par Oscar Arrien, président de la Chambre des députés. Des pamphlets avertissant d'une supposée conspiration putschiste circulaient à La Paz à la veille du référendum. Le Défenseur du Peuple, Waldo Albarracín, a jugé utile d'avertir d'éventuels subversifs des graves conséquences qu'entraînerait une rupture de l'ordre démocratique. 

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Carlos Mesa avait promis ce référendum en succédant au président Gonzalo Sanchez de Lozada, exilé aux Etats-Unis pour échapper en octobre 2003 à la colère populaire, lors de ce que les médias ont appelé "la guerre du gaz". La répression militaire et policière fit à l'époque quelque 80 morts.

Syndicats et communautés indiennes menaient alors la révolte contre l'intention supposée de Sanchez de Lozada d'exporter du gaz bolivien vers les Etats-Unis et le Mexique via le Chili, ennemi historique de la Bolivie pour lui avoir enlevé toute façade maritime lors de la Guerre du Pacifique (1879-1883). La restitution d'une fenêtre sur le Pacifique est une revendication constante adressée au Chili par tout gouvernement bolivien.

Estimées actuellement à 1.560 milliards de mètres cubes, les réserves de gaz naturel de la Bolivie sont les plus importantes d'Amérique du Sud après celles du Venezuela. Total, British Gas, l'hispano-argentine Repsol-YPF et la brésilienne Petrobras sont parmi la vingtaine de sociétés étrangères qui ont investi 3,5 milliards de dollars dans l'exploration gazière, concentrée dans le sud bolivien, dans la région de Tarija.

"Tricherierendum"

La Confédération syndicale de travailleurs agricoles de Felipe Quispe, leader indien aymara, et la Centrale ouvrière bolivienne (COB), deux organisations qui lancèrent l'an dernier la "guerre du gaz", avaient appelé au boycott du référendum, qu'ils qualifient de "tramparendum" (soit "tricherierendum", le mot espagnol "trampa" signifiant piège ou tricherie. ).

Ils exigent la nationalisation pure et simple des gisements de gaz -le référendum ne va pas aussi loin- et menacent de bloquer des routes et d'incendier les urnes. Ils comptent sur l'appui de la Centrale ouvrière régionale d'El Alto, ville de 700.000 habitants à 12 km de La Paz. La révolte de cette ville satellite défavorisée et grossie par l'exode de paysans indiens avait été décisive dans la chute du président Sanchez de Lozada.

Par contre, un autre acteur important de la "guerre du gaz", le député Evo Morales, indien aymara également et chef des producteurs des feuilles de coca, n'a pas rallié cette fois le front de révolte formé par Felipe Quispe et la COB.

Intellectuel métis, ex-présentateur de télévision, partisan de réformes sans révolution et jouissant actuellement d'une forte popularité, Carlos Mesa a annoncé qu'il démissionnerait s'il perdait le référendum. Il est convaincu que les "ultra-radicaux", comme il qualifie ses opposants, conduiraient la Bolivie à un suicide collectif s'ils parvenaient à chasser ou à décourager les investisseurs étrangers.

A cette incertitude s'y ajoutent d'autres. Opposée à une remise en question de la privatisation des hydrocarbures, la bourgeoisie occidentalisée de l'Est bolivien (département de Santa Cruz) et celle du département de Tarija, riche en gaz, menacent l'unité du pays en réclamant l'autonomie régionale. Felipe Quispe, lui, agite une autre menace territoriale dans l'Ouest andin en réactivant le rêve de l'Empire Inca qui rassemblerait les autochtones opprimés de Bolivie, d'Equateur, du Pérou et du Chili. Le lynchage par les populations aymaras de Bolivie et du Pérou de maires accusés de corruption illustre le peu de contrôle de l'Etat dans les Andes.

Questions peu transparentes

La Bolivie compte 30% d'analphabètes et 80% de pauvres, dont beaucoup ne bénéficient ou n'ont bénéficié que d'une scolarité sommaire. Le nombre et la complexité des questions du référendum étonnent d'autant plus. Les 5 questions, chacune d'elles admettant la réponse oui ou non, étaient formulées comme suit:

1. Etes-vous d'accord sur l'abrogation de la Loi sur les hydrocarbures Nš 1689 promulguée par Gonzalo Sanchez de Lozada?

Cette loi privatisa en 1997 les hydrocarbures, y compris et surtout les gisements de gaz. Carlos Mesa estimant que "les contrats sont loi et sont intouchables", une éventuelle abrogation pourrait ne concerner que des contrats futurs, sans annuler ceux déjà signés avec les multinationales et qui expireront dans... 36 ans.

2. Etes-vous d'accord sur la récupération de la propriété de tous les hydrocarbures à la bouche du puits par l'Etat bolivien?

Une telle restitution à l'Etat bolivien de la propriété du gaz en sortie de puits signifierait que les multinationales restent propriétaires des gisements. Le président Mesa admet lui-même que toucher aux concessions octroyées obligerait à indemniser les multinationales à raison de 3,5 à 5 milliards de dollars, soit 60% du PIB bolivien. Carlos Mesa et ses collaborateurs estiment néanmoins que "la récupération de la propriété à la bouche du puits" permettrait à l'Etat de déterminer la politique des prix nationaux, de mieux vérifier les volumes de production et d'approuver ou non l'exportation des hydrocarbures et du gaz en particulier.

3. Etes-vous d'accord sur la refonte de Yacimientos Petrolíferos Fiscales Bolivianos, rendant à l'Etat la propriété des actions des Boliviennes et Boliviens dans les entreprises pétrolières capitalisées, de manière à pouvoir participer à toute la chaîne productive des hydrocarbures?

Comprenne qui pourra dans les villages des Andes et sur les rives du lac Titicaca... Il s'agit de remettre entre les mains d'une seule société d'Etat qui serait ainsi relancée, Yacimientos Petrolíferos Fiscales Bolivianos, des participations minoritaires détenues par diverses entités publiques dans le secteur des hydrocarbures.

4. Etes-vous d'accord sur la politique du président Carlos Mesa d'utiliser le gaz comme ressource stratégique pour obtenir un accès utile et souverain à l'océan Pacifique?

C'est la question attrape-mouche, celle sur laquelle le président Mesa comptait sans doute le plus pour gagner le référendum. Elle sous-entend que le Chili, en déficit énergétique, ne recevrait le gaz bolivien qu'à condition de restituer à la Bolivie une fenêtre maritime. Mais un oui majoritaire permettrait aussi au président Mesa d'exporter le gaz bolivien vers le Mexique et les Etats-Unis via le Chili ou de vendre du gaz au Chili sur la simple promesse de Santiago d'ouvrir une négociation sur la revendication maritime bolivienne.

5. Etes-vous d'accord que la Bolivie exporte du gaz dans le cadre d'une politique nationale qui:
-couvre la consommation de gaz des Boliviennes et des Boliviens;
-développe l'industrialisation du gaz sur le territoire national;
-perçoive des impôts et/ou des royalties des entreprises pétrolières jusqu'à 50 pour cent de la valeur de la production du gaz et du pétrole en faveur du pays;
-destine les ressources de l'exportation et industrialisation du gaz principalement à l'éducation, à la santé, aux routes et aux emplois?

Le oui autoriserait quasi sans limite l'exportation de gaz, mais les royalties prélevées par l'Etat sur l'exploitation des hydrocarbures passeraient progressivement de 18 à 50%. L'énoncé sinueux de la question n'aura pas facilité sa pleine compréhension.

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