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Bolivie - référendum sur le gaz : victoire conditionnelle du président Carlos Mesa

"Récupérer la propriété" du gaz ne signifierait pas le nationaliser...

Bolivie: les Indiens (deux tiers de la population), sont les plus hostiles à l'exportation du gaz
Photo Jeremy Bigwood
LA PAZ, mardi 20 juillet 2004 (LatinReporters.com) - Le Congrès (Parlement), l'opinion publique, l'opposition ethnico-syndicale et les multinationales sont quatre fronts qui conditionnent la consolidation de la victoire du président bolivien Carlos Mesa au référendum du 18 juillet sur la gestion des hydrocarbures et surtout du gaz. Pays le plus pauvre d'Amérique du Sud, la Bolivie en possède les principales réserves de gaz naturel après celles du Venezuela. Comme le souhaitait le président Mesa, les résultats du référendum ouvrent théoriquement la voie à un retour partiel de l'Etat dans le secteur du gaz et à sa libre exportation, contestée violemment (80 morts) en octobre 2003.

La Cour nationale électorale ne totalisait mardi que les résultats de 65% des bureaux de vote. Ils donnaient néanmoins une orientation difficilement réversible. Selon ces résultats partiels, la participation fut de 60% et le oui l'a emporté en réponse à chacune des cinq questions du référendum:

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-85,9% des votes valables (66,9% des votes émis) en faveur de l'abrogation de la loi qui avait privatisé les hydrocarbures en 1997;
-91,9% des votes valables (72,1% des votes émis) pour la récupération par l'Etat bolivien "de la propriété de tous les hydrocarbures à la bouche du puits";
-86,0% des votes valables (66,8% des votes émis) pour la réactivation d'une compagnie publique des hydrocarbures;
-59,6% des votes valables (43,8% des votes émis) pour l'utilisation du gaz comme "ressource stratégique pour obtenir un accès utile et souverain" de la Bolivie à l'océan Pacifique;
-67,4% des votes valables (49,2% des votes émis) pour l'exportation du gaz -en couvrant parallèlement les nécessités des Boliviens- et pour une hausse, jusqu'à 50%, des impôts ou royalties sur la valeur de la production du gaz.

Cette quintuple victoire du oui est le premier appui populaire dont peut se prévaloir le président Mesa. Cet intellectuel indépendant avait, en sa qualité de vice-président, succédé mécaniquement en octobre 2003 au président conservateur Gonzalo Sanchez de Lozada, contraint à l'exil par la révolte sanglante de syndicats et de communautés indiennes contre son intention supposée d'exporter du gaz bolivien vers les Etats-Unis et le Mexique via le Chili. "Ennemi historique", le Chili prive la Bolivie de toute façade maritime depuis la Guerre du Pacifique de 1879-1883.

Récupérer la propriété ne signifie pas nationaliser...

Auréolé du quasi plébiscite référendaire, Carlos Mesa doit maintenant affronter le Congrès, où il ne dispose d'aucune représentation politique, pour concrétiser les résultats du référendum. "Le projet gouvernemental de loi sur les hydrocarbures ne sera pas approuvé tel quel" prévient le président de la Chambre des députés, Oscar Arrien. En outre, le MAS (Mouvement vers le socialisme, deuxième force parlementaire) du charismatique leader indien Evo Morales présentera son propre projet de loi. Evo Morales estime que le gouvernement a maintenant la force morale pour réviser les contrats avec les multinationales et "annuler ceux qui violent la Constitution".

"Nous sommes prêts à négocier avec tous les partis et j'espère que notre projet de loi sera perçu comme un progrès nationaliste et de récupération de la propriété de l'Etat" déclare le président Mesa à la télévision bolivienne. Mais il précise à la presse étrangère que "l'expropriation et la confiscation (des gisements de gaz) sont hors de question. J'opposerais mon veto si le Parlement proposait une loi dans ce sens".

Donc, rendre un certain rôle à l'Etat dans la gestion des hydrocarbures n'équivaut pas à leur renationalisation pure et simple. Ce sera difficile à expliquer clairement aux électeurs qui ont répondu massivement oui (91,9%) à la question nº2, "Etes-vous d'accord sur la récupération de la propriété de tous les hydrocarbures à la bouche du puits par l'Etat bolivien?".

L'expression "bouche du puits" va désormais laisser un goût amer à ceux qui croyaient se prononcer en faveur d'une nationalisation pure et simple. D'autant plus que le mot "nationalisation" fut souvent prononcé par le chef de l'Etat lors de la campagne référendaire.

La renationalisation totale du gaz est exigée par la Confédération syndicale de travailleurs agricoles de Felipe Quispe, leader indien aymara, et la Centrale ouvrière bolivienne (COB, principal syndicat) de Jaime Solares, deux organisations qui lancèrent l'an dernier la "guerre du gaz" conclue par la chute et l'exil du président Sanchez de Lozada.

Qualifiant le référendum de "tromperie", Felipe Quispe et Jaime Solares avaient appelé à son boycott, au blocage des routes et à la destruction des urnes le jour du scrutin. Ils n'ont pas été suivis. Ils prônent néanmoins aujourd'hui "la résistance civile" au "gouvernement des multinationales", désavoué, selon eux, par la majorité que constituerait la somme des abstentions, des non et des votes nuls et blancs.

Cette majorité négative virtuelle, que le président Mesa se refuse à considérer, serait particulièrement consistante contre l'exportation du gaz. Les questions 4 et 5 du référendum, qui supposent l'exportation, sont celles qui ont recueilli le moins de oui. Cela s'explique par l'importance politique actuelle du projet d'exportations gazières vers l'Amérique du Nord via le Chili et par l'aversion qu'ont les Boliviens pour ce pays. Mais le même projet via le Pérou et les exportations en cours de gaz bolivien vers le Brésil et l'Argentine ne provoquent pas de tels remous.

Pas d'exportation immédiate de gaz via le Chili - L'alternative péruvienne relancée

Aux yeux du patronat et des multinationales, le problème de l'exportation est le plus important. Robert Mustafa, président de la Confédération des chefs d'entreprises privées de Bolivie (CEPB), salue la victoire du oui. Se référant sans doute au projet incluant le Chili, il estime que "le président (Carlos Mesa) n'a plus d'excuses pour ne pas exporter le gaz. Nous avons toujours réclamé et voulu cette exportation. Ne pas exporter ferait courir au pays le risque de n'être pas viable économiquement".

Des sources proches de la multinationale hispano-argentine Repsol-YPF, l'une des vingt sociétés étrangères qui ont investi dans le gaz bolivien, estiment même que la voie chilienne d'exportation, plus rentable que la péruvienne, est désormais entr'ouverte. Un espoir démenti pour l'avenir immédiat par le président Carlos Mesa. "La Bolivie ne peut pas exporter aujourd'hui du gaz via le Chili, affirme-t-il, car ce serait tourner le dos à la volonté majoritaire de la population".

Le chef de l'Etat recommande d'accélérer l'étude de l'alternative péruvienne. Si elle était choisie, c'est le Pérou qui bénéficierait de la création sur ses côtes d'un pôle de développement autour d'un complexe dans lequel serait liquéfié et embarqué le gaz bolivien destiné à l'Amérique du Nord.

Comme le suggère la question 4 du référendum, le gouvernement de La Paz continuera à utiliser le gaz pour faire pression sur le Chili, en déficit énergétique, pour qu'il restitue à la Bolivie un accès souverain à la mer. Le 30 juillet prochain, les vice-ministres des Affaires étrangères bolivien et chilien, Jorge Gumucio et Cristian Barros, tenteront d'établir "un agenda de travail" sur cette revendication maritime plus que séculaire.

Quant à la hausse des impôts ou des royalties, de 18 à 50% de la valeur de production du gaz à une date encore indéterminée, les multinationales ne l'applaudissent pas, mais la considèrent comme un moindre mal par rapport à une renationalisation ou au chaos de la "guerre du gaz" d'octobre dernier.

Les élections municipales du 5 décembre prochain et l'élection, au premier semestre 2005, d'une Assemblée constituante qui rédigera une nouvelle Constitution devraient éclaircir le panaroma politique bolivien. Ce sera le moment d'évaluer la consolidation ou non de la victoire conditionnelle du président Mesa au référendum de dimanche.

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