Le Chili va voter en ignorant Pinochet aux législatives du 16 décembre
Les Chiliens vont renouveler dimanche la totalité de leurs 120 députés et la moitié de leurs 38 sénateurs élus démocratiquement. (La chambre haute comprend aussi deux sénateurs désignés à vie, dont le général Pinochet, et neuf sénateurs institutionnels).
S'ils voteront le 16 décembre pour l'unique coalition de droite, Alianza por Chile (Alliance pour le Chili), les nostalgiques de la dictature envisagent néanmoins de créer à terme "un mouvement qui nous représente directement", selon l'expression de Marcelo Cabrera, président du Movimiento Vitalicio Augusto Pinochet (Mouvement à vie Augusto Pinochet). "Les politiciens de droite ont été déloyaux en s'éloignant de la figure de Pinochet par intérêt politique" affirme Marcelo Cabrera, après avoir rappelé que les partis de la droite chilienne sont nés sous l'égide du général. Quant à la Concertacion de Partidos por la Democracia (Concertation de partis pour la démocratie), coalition de centre gauche actuellement au pouvoir, elle a effacé Pinochet du débat politique par conviction et non par simple tactique. Dans son souci de concertation permanente, le gouvernement du président socialiste Ricardo Lagos a pratiquement éliminé de son vocabulaire politique les mots Pinochet et "pinochetisme". Et cela malgré le vif débat autour de noeuds gordiens hérités de la dictature militaire, tels que le Conseil de sécurité national, dont quatre des huit membres sont des militaires, et le système électoral "binominal". En fonction de ce système, les élus d'une circonscription ne peuvent venir que des deux listes ayant obtenu le plus de suffrages. Le Parlement est ainsi fermé aux minorités. C'est pourquoi le centre gauche et la droite ont formé des coalitions. Le système "binominal" a empêché les communistes d'avoir le moindre député ou sénateur depuis le retour à la démocratie. Ils espèrent néanmoins obtenir leurs premiers parlementaires, "un ou deux", grâce à un récent accord de désistement réciproque de candidats conclu avec les socialistes dans certaines circonscriptions. En dehors du cadre parlementaire, les manifestations de la gauche radicale contre l'impunité de Pinochet s'essoufflent. Elles mobilisent peu une jeunesse qui n'a pas souffert directement de la dictature et qui prend progressivement la relève des anciens dirigeants de la gauche. La presse elle-même se désintéresse des débats politico-judiciaires liés à Pinochet, dont la santé déficiente et les rumeurs démenties de sa mort mobilisent davantage les médias chiliens. Selon un journaliste de Santiago, "pour lire aujourd'hui des articles sur Pinochet, mieux vaut parcourir la presse étrangère ou se connecter à Internet". La Concertacion de Partidos por la Democracia (centre gauche) avait remporté les élections législatives de 1997 avec 50,55% des suffrages, contre 36,24% à la coalition des partis de droite, dénommée aujourd'hui Alianza por Chile. Les démocrates-chrétiens sont la principale force de la coalition gouvernementale, qui comprend aussi les socialistes du président de la République Ricardo Lagos, des sociaux-démocrates et des radicaux. Au sein de la coalition de droite, les ultraconservateurs de l'Union démocrate indépendante, en progrès depuis plusieurs années, espèrent devancer une aile plus libérale, la Rénovation nationale. Les sondages prédisent un léger recul de la coalition gouvernementale. La droite, elle, espère dépasser la barre de 40% des votes, misant sur la popularité du maire de Santiago, Joaquin Lavin. Ce dernier obtint 47,51% des suffrages lors du premier tour de l'élection présidentielle de 1999, obligeant le socialiste Ricardo Lagos à ne vaincre qu'au second tour avec un avantage d'à peine 187.407 voix. L'un des slogans de la droite, "Un parlement pour Lavin", confirme que le maire de la capitale sera à nouveau candidat à l'élection présidentielle de 2005.
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