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Guérilleras des Farc (Archives - Photo FARC-EP) |
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BOGOTA, mercredi 2 mai 2012 (LatinReporters.com) - Lu mardi
par téléphone à des journalistes colombiens par une
femme prétendant appartenir aux Farc, un communiqué affirme
que le journaliste français Roméo Langlois serait
"prisonnier
de guerre" de cette guérilla. Quoique la conviction que M. Langlois
est effectivement aux mains des Farc soit quasi généralisée,
ce communiqué ne dissipe pas définitivement tous les doutes, car il lui
manque un sceau d'authenticité.
Correspondant en Colombie de la chaîne d'information France 24 et du
quotidien Le Figaro, Roméo Langlois, 35 ans, a été porté
disparu le 28 avril lors d'une attaque attribuée aux Farc (Forces
armées révolutionnaires de Colombie; marxistes) dans le département
de Caqueta (sud). En reportage sur la lutte antidrogue,
il accompagnait le détachement de l'armée pris sous le feu
des guérilleros.
Des soldats rescapés de l'affrontement, au cours duquel quatre militaires
ont été tués et huit autres blessés, ont rapporté
que le journaliste français avait été blessé
au bras gauche. Selon les mêmes témoins, il avait alors ôté son casque et son gilet pare-balles,
manifestant ainsi clairement sa condition de civil, et s'était dirigé
vers la zone d'où venaient les tirs des rebelles.
Le
communiqué téléphonique lu mardi par
une supposée militante des Farc dit ceci:
"Le Front 15 informe l'opinion publique que le journaliste français,
en uniforme militaire et capturé en plein combat, est entre nos mains
et est prisonnier de guerre. Il est légèrement blessé
au bras. On lui a procuré une attention médicale et il est
hors de danger. Signé : état-major du Front 15, bloc sud des
Farc-EP. Montagnes du Caqueta, 30 avril 2012".
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Roméo Langlois (Photo France 24) |
Mais le communiqué n'apparaît jusqu'à présent
sur aucun des sites Internet (il en existe au moins trois) qui crédibilisent
d'ordinaire les messages des Farc en les publiant. Ce point faible est souligné
par des médias aussi crédibles que l'Agence France Presse et
l'hebdomadaire colombien Semana, dont l'édition digitale est actualisée
quotidiennement.
Il est en outre curieux que la prétendue militante de la guérilla
ait appelé sur leur portable personnel des journalistes dépêchés
dans le département de Caqueta, notamment ceux envoyés par
Radio Caracol et Noticias Uno.
Sur les ondes de la radio RCN, le général Javier Rey Navas,
commandant de la division d'assaut aérien, a affirmé qu'il
n'octroie pas de crédibilité particulière au prétendu
message des Farc et que l'armée continue à rechercher Roméo
Langlois. "
Pour nous, le journaliste français est toujours porté
disparu" a indiqué le général.
Il a qualifié de mensonge le port d'uniforme militaire attribué
à Roméo Langlois, précisant qu'en outre le journaliste
avait ôté son casque et son gilet pare-balles et ne les portait
donc plus
"au moment de sa rencontre supposée avec les bandits".
La mésaventure du correspondant français
fait néanmoins surgir en Colombie un vif débat sur l'embarquement
de journalistes avec l'armée dans des zones de conflit.
Pas de sauvetage militaire sans l'accord de la France
Rejoignant la conviction du gouvernement français, le président
colombien Juan Manuel Santos déclarait lundi que
"nous avons des
indices très clairs indiquant que le journaliste français est
au pouvoir des Farc".
Ce sentiment n'est pas démenti par un analyste engagé et proche de la guérilla,
Dick Emanuelsson. Sur le site d'Anncol, souvent considéré comme
agence officieuse de la guérilla, il dit
"espérer voir notre
collègue français en liberté le plus vite possible.
Mais pour que cela soit une réalité, je n'hésite pas à dire
que les forces militaires doivent en finir avec les survols et les plans
d'engagement de troupes pour poursuivre le combat perdu samedi passé
contre les Farc".
On pourrait peut-être en déduire, au risque d'un excès
d'optimisme, que les insurgés remettront rapidement le journaliste
français à une organisation humanitaire lorsque la pression
militaire baissera suffisamment, au moins provisoirement, dans le département
de Caqueta. La guérilla tenterait logiquement de tirer un bénéfice
politique et/ou médiatique d'un tel dénouement.
Le ministre colombien de la Défense, Juan Carlos Pinzon, affirmait
lundi qu'une éventuelle tentative militaire de sauvetage
de Roméo Langlois serait au préalable concertée avec
la France et ne serait effectuée qu'avec l'accord de Paris. Rappelons
que l'Élysée n'avait jamais accepté un sauvetage militaire
d'Ingrid Betancourt, l'estimant périlleux pour la vie de la célèbre
Franco-Colombienne. Elle fut pourtant libérée par l'armée
colombienne, le 2 juillet 2008, après avoir été pendant
plus de six ans otage des Farc.