L'ultimatum expire ce lundi à 21h30. Treize mille soldats, applaudis par la population sur les routes, devraient alors prendre le contrôle de ce qui fut la "zone de détente". La guérilla a annoncé son retrait. Le processus de paix avait renforcé les rebelles, mais son échec les affaiblira. La pacification de la Colombie en sera facilitée, malgré une possible flambée de violence dans l'immédiat. Dans sa dernière proposition, samedi soir, la guérilla des FARC acceptait "l'étude" d'un cessez-le-feu , mais elle l'enrobait de projets de commissions nationales et internationales et d'une revendication de reconnaissance explicite de son statut politique. La guérilla prétendait impliquer dans cette reconnaissance les Nations Unies, l'Eglise et dix pays dont les ambassadeurs en Colombie ont participé au processus de paix à la demande du président Pastrana. Les FARC espéraient sans doute se mettre ainsi à l'abri de la justice internationale, qu'elles redoutent depuis que leur mépris du droit humanitaire est dénoncé par l'ONU, l'Union européenne, les Etats-Unis, Amnesty International et Human Rights Watch. Le département d'Etat américain a inscrit les FARC sur sa liste mondiale des organisations terroristes. Les guérilleros avaient applaudi les attentats du 11 septembre dernier contre New York et Washington.
La guérilla annonça alors dimanche son départ de la "zone de détente" avant l'expiration de l'ultimatum, sollicitant de manière surréaliste que leur retrait soit honoré par "un acte public en présence de représentants de la communauté internationale". Les guérilleros abandonneront les cinq municipalités de la zone, mais non la forêt ni les montagnes. Ils menacent de "continuer la lutte par tous les moyens". Fortes de 17.000 hommes bien armés grâce à l'argent de la cocaïne, des enlèvements contre rançon et des extorsions sous menace, les FARC croyaient pouvoir transformer la zone démilitarisée dont ils vont perdre le contrôle en banc d'essai d'une Colombie collectiviste. Ils n'ont réussi qu'à en faire une plaque tournante de leur trafic de drogue, une base d'entraînement pour guérilleros, un centre de contact avec des experts en armes et explosifs d'autres mouvements terroristes internationaux, une prison pour militaires, policiers et civils séquestrés et un centre de villégiature politique pour élus et ambassadeurs occidentaux en mal d'exotisme. Mais l'assise de la zone et la soumission forcée de ses 150.000 habitants permirent aux FARC d'augmenter de 50% ces trois dernières années le nombre de leurs combattants et d'intensifier comme jamais auparavant le rythme de leurs offensives contre l'armée, l'infrastructure du pays et les villages soupçonnés de soutenir l'armée ou les paramilitaires d'extrême droite. A partir de ce lundi, la perte de la zone brisera graduellement cette montée en puissance de la guérilla. Au rythme de l'affaiblissement probable des rebelles, confrontés à une armée désormais suréquipée par les Etats-Unis, les chances de la paix grandiront malgré des flambées de violence inévitables. La guérilla marxiste des FARC n'a rien de l'image romantique du "Che" Guevara. Née en 1964, en pleine guerre froide, elle est la relique d'une époque dépassée dans une Amérique du Sud partout pacifiée et presque partout démocratisée. Si elles dénoncent une corruption politique et des inégalités sociales réelles, les FARC, coupées des réalités du monde moderne, sont prises à contre-pied par l'évolution du droit humanitaire. Cette guérilla a massacré au moins dix fois plus de civils que la dictature chilienne du général Pinochet. La mobilisation mondiale contre le terrorisme après les attentats du 11 septembre contre les Etats-Unis a condamné à terme les options politiques basées sur la violence. Les FARC ne l'ont pas compris. Leur excès expliquent que le seul candidat de gauche à l'élection présidentielle colombienne de mai prochain, Luis Eduardo Garzon, soit crédité dans les sondages de moins de 2% des intentions de vote.
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