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Cuba: flashs politico-touristiques... "Fidel Castro me rappelle Giscard d'Estaing"

Extraits du carnet de route de Philippe Herriau

"Un gars qu’on connaît bien, une tête connue..." Fidel Castro - Photo NotiNet
 
MADRID, dimanche 6 avril 2003 (LatinReporters.com) - "Fidel Castro, lui qui prit le pouvoir à une époque où Khrouchtchev et Eisenhower dirigeaient les deux grandes puissances de l’époque, est toujours là. C’est au moins une raison pour laquelle Cuba reste une curiosité". Philippe Herriau -administrateur au Lycée français de Quito et membre de l'expédition Carishina- justifie ainsi dans son carnet de route cubain sa récente visite à la grande île des Antilles. Une excursion politico-touristique ponctuée, sous la plume de ce voyageur éclairé, de flashs sur La Havane, Trinidad et Vinales. Et que Fidel Castro y côtoie soudain Giscard d'Estaing n'est pas la moindre des surprises. Voici donc des extraits choisis du carnet de Philippe Herriau.

La Havane

On s'engouffre dans un bar-restaurant, «El gato tuerto» (Le chat borgne), où des happy few Havanais se mélangent aux touristes. Une jeune Hollandaise bavarde avec un beau black, un sexagénaire blanc sort une jeune Cubaine, deux Américains arrivent et saluent un peu tout le monde, des habitués, tandis que des Français draguent sans retenue une serveuse d’avance consentante. On boit des mojitos, une boisson à base de rhum. L’ambiance est bonne. Alors, un présentateur commence une longue déclamation d’un poème ponctué par « Cuando llegó al mundo, nadie me estaba esperando » (Quand je suis venu au monde, personne ne m’attendait)...

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Le centre de La Havane est hollywoodien. C’est un décor, une scène pour les touristes où les Cubains ne font que passer. Et pourtant, il n’y a pas trop de touristes dans ces rues. Un décor pour partie financé par des fonds venant du monde entier via l’Unesco. Le résultat est valable, les restaurations sont impressionnantes, mais un pansement sur une jambe de bois ne redonne pas la vie à la jambe disparue. S’éloigner de quelques blocs du centre retapé nous mène vers des maisons dont 300 s’écrouleraient chaque année. Plus vétuste n’existe pas. Quand on sillonne ces autres quartiers, on entre dans des magasins qui rappellent ceux de feu l’URSS...

Dans la fabrique de cigares qui se trouve derrière le Capitole, un ouvrier peut rouler, en cinq feuilles de tabac mariant la saveur, la consistance et le tirage, jusqu’à cent puros (cigares) par jour d’une valeur commerciale située entre 5 et 30 dollars l’unité. Ce qui représente un chiffre d’affaire mensuel de 10.000 à 60.000 USD par ouvrier, alors que le meilleur recevra un salaire de 200 à 300 USD. Que peut bien faire l’Etat d’une telle plus-value ?...

Le «jeu» du blocus arrange tout le monde. Les Américains peuvent continuer à garder la tête haute face à ce qu’ils jugent être un bastion du communisme et les Cubains y trouvent la raison à leurs échecs économiques. Un blocus qui permet aussi à Fidel de galvaniser son peuple, via un nationalisme dont il joue à merveille. Il montre que Cuba est un des rares pays capables de résister à la première puissance économique mondiale. Tout le monde y trouve son compte. Et le Coca-Cola et les Marlboros foisonnent sur toute l’île...

Trinidad: Fidel et Giscard

A Trinidad, où nous arrivons de nuit, nous avons recours à la gentillesse des habitants pour nous loger. On nous prend en charge, on téléphone pour nous, on envoie un gosse ou une employée s'enquérir des chambres de telle ou telle autre famille. Si bien qu’à la fin, on nous conduira chez une cousine de la tante du beau père qui, elle, a une chambre disponible. Bref, quand il y a des dollars à gagner, il y a de l’action et du service. La chambre est nickel et le lit et la douche de bonne qualité. Bien sûr, tous ces gens travaillent pour leur compte, ce ne sont pas des «fonctionnaires» (ainsi se présentent les employés d’Etat que l’on retrouve partout). Les particuliers qui ont le droit de louer des chambres aux touristes doivent acquitter un impôt mensuel fixe. Que la chambre soit louée ou pas. Ici, on parle de 100 dollars par chambre. Avec une grosse amende si la chambre n’est pas déclarée...

Le soir, pour revenir, nous prenons le bus de 17h25; celui des trabajadores (travailleurs). C’est le chauffeur transformé en petit Fidel qui gère le trafic. Il prend un dollar par touriste qui est aussitôt et vertement averti qu’il devra céder sa place si un travailleur se présente. C’est certainement la condition imposée par les trabajadores pour qu’ils tolèrent ce petit trafic. Le business marche bien, car les touristes connaissent la combine et «petit Fidel» les vire allègrement des sièges dès qu’un travailleur se présente. Ce chauffeur est une véritable autorité. D’ailleurs, il met de l’ordre dans «son» bus en tirant avec force sur sa cigarette bien qu’il y ait une pancarte indiquant qu’il est interdit de fumer. Mais, bon, quand on est chef, on est chef. Surtout d’un bus qui appartient à l’Etat. Un beau bus réformé des services de transport en commun d’une ville hollandaise ce qui est, quand même, nettement mieux que les camions-bus de La Havane...

Le matin, en descendant à la plage, je consulte le journal, «La Juventud Rebelde» (il y a donc au moins un journal en plus de «Granma») qui, aux trois quarts, est rempli de la présentation des citoyens qui iront bientôt devant les électeurs pour entrer à je ne sais quelle assemblée régionale. Tous sont au PCC (Parti Communiste Cubain) et d’un niveau d’étude universitaire. Une présentation très standardisée... Au milieu de tous ces CV, une photo attire l’œil. Un gars qu’on connaît bien, une tête connue puisqu’il s’agit de celle de l’ami Fidel, le Castro. Ainsi apprenons-nous qu’il se présente pour être élu à l’assemblée provinciale de son lieu de naissance. Il est là, comme tant d’autres, avec sa petite photo et un texte d’une vingtaine de lignes le décrivant, entre autres, comme étant «au service de la Révolution dont il est l’un des principaux organisateurs». Cela fleure bon la démagogie de la proximité du pouvoir : «Regardez, je suis comme tout le monde». Fidel, ce brave révolutionnaire qui se présente comme tant d’autres à de modestes élections, cela me rappelle Giscard d'Estaing et ses dîners chez l’habitant.

Vinales

Arriver à Vinales en haute saison n’est pas plus simple qu’arriver à Trinidad. Les hôtels sont pleins, il n’y a rien de libre et il faut se rabattre sur les particuliers. Nous atterrissons dans la maison du médecin du village où nous aurons le plaisir de bien manger. De la langouste avec plein de légumes et de fruits. Bien sûr, en contrepartie, nous ferons la causette. Ce sont les parents du toubib qui nous tiennent compagnie et, pour eux, tout va bien à Cuba. En effet, TOUS les besoins sont couverts, très correctement satisfaits par les cartes de distribution alimentaire où passeraient notamment les bœufs que nous ne mangeons pas dans les restaurants. L’éducation primaire bénéficierait d’ordinateurs dans les classes et ils nous expliquent tous les niveaux de la médecine, qui est gratuite sauf pour les médicaments. Pour le reste, le grand-père de la famille est un paysan qui en est fier et qui est féru de géographie. Il surprend par son éducation même si elle semble un peu scolaire. Il est sérieux et amoureux de son pays. Il est très propre. Comme le sont toutes les maisons que nous voyons. Mais, souvenir difficile sur lequel il ne s’attardera pas, il est sorti deux fois de Cuba. Une fois pour l’Angola et l’autre fois pour l’Ethiopie. « Ah, la guerre, gross malheur » aurait-il dit s’il venait d’outre-Rhin...

A côté de notre logement, il y a une école primaire de quartier. Les conditions matérielles y sont excellentes en comparaison de celles des écoles publiques équatoriennes ou péruviennes: moins de 20 élèves par classe de CP et, au maximum, 30 en CM2. De plus, une collation est servie en maternelle, une petite bibliothèque est ouverte aux enseignants et chaque salle est équipée d’un téléviseur récent. Cependant, il reste difficile de se prononcer sur le contenu... Cette petite école semble ne manquer de rien et ne peut être qu’un modèle pour les pays en voie de développement. Rien à redire. Le «top» est une petite salle dotée de cinq ordinateurs tout neufs. Là, le Petit Père Fidel bat tout le monde… bravo!

Pour le reste, on se ballade dans le bled où personne n’a l’air de travailler. Rien de rien. Bref, une école parfaite, un système de soins enviable, mais les gens tournent en rond. Curieux deal…Tant que Cuba était fermée aux étrangers, les populations, hors le peu qu’elles percevaient au travers d’une presse encadrée ou des récits toujours mirifiques des émigrés, pouvaient avoir l’idée que tout marchait bien, que la Révolution fonctionnait, qu’il y avait un progrès et sans doute le sentiment fondé sur la propagande et sur ce qui se voyait, que personne n’était riche puisque tout le monde était pauvre. Mais, maintenant, avec le tourisme, les Cubains peuvent-ils continuer à s’entasser à 300 dans un camion-bus quand un couple de touristes se déplace dans une Mercedes 230? Le moindre touriste a une capacité d’acheter incroyable pour la norme du pays; il a un sac ou une valise où s’entassent tant de vêtements, de produits ou de livres que le Cubain doit se sentir frustré. Il doit parfois se dire que, même si on vient du capitalisme décrié, il doit bien y avoir un truc qui colle pas... et il y a gros à parier que ce ne sont pas nos pays de surconsommation qui passent pour être des anomalies.


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