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Décision la fois idéologique, politique et économique
Equateur: le président Correa ne paie plus la dette "illégitime" (40% de la dette extérieure)

QUITO, dimanche 14 décembre 2008 (LatinReporters.com) - L'Equateur entre en défaut de paiement pour la 3e fois en 14 ans. La nouveauté est que cela découle aujourd'hui non d'une faillite constatée, mais de la décision idéologique, politique et économique du président de l'Equateur, le socialiste Rafael Correa. Espérant l'appui d'autres nations d'Amérique latine, il oppose un refus de principe, apparemment plus radical qu'une suspension temporaire, au paiement de près de 40% de la dette extérieure du pays, soit la portion qu'il considère "illégitime".

Rafael Correa (à gauche) et Hugo Chavez
Archives, Prensa Presidencial, Venezuela
"J'ai donné l'ordre de ne pas payer les intérêts. Le pays est donc en défaut sur sa dette extérieure. Nous savons qui nous affrontons, de véritables monstres qui n'hésiteront pas à tenter d'écraser le pays, mais je ne pouvais pas permettre qu'on continue à payer une dette immorale et illégitime. En tant que président de la République, j'en assume toute la responsabilité" déclarait à la presse Rafael Correa le 12 décembre dans la ville équatorienne de Guayaquil.

Arrivés à échéance le même jour, 30,6 millions de dollars d'intérêts dus sur des bons à échéance 2012 n'ont pas été réglés. Ce n'est que le premier pas du défaut. Il devrait être suivi du refus d'assumer le service de la dette formulée en bons à échéance 2015 et 2030. Les créances bancaires contestées totalisent 3,8 milliards de dollars, soit près de 40% de la dette publique extérieure de l'Equateur, d'un montant global de 9,9 milliards de dollars.

Docteur en économie et ex-ministre de l'Economie et des Finances, le président Correa justifie sa décision par les conclusions d'un audit gouvernemental des emprunts publics des trente dernières années. Selon cet audit, les emprunts "illégitimes" seraient entachés notamment d'altérations de dates, parfois d'inexistence d'autorisation présidentielle, d'expertises insuffisantes, d'exemptions excessives de responsabilité de créanciers et même d'un renoncement unilatéral par l'Equateur de droits à la prescription de certaines dettes. La justice tente de déterminer la responsabilité éventuelle d'anciens présidents.

C'est pourtant dans un quotidien contrôlé par l'Etat équatorien, El Telégrafo, qu'un autre docteur en économie, Leopoldo Avellan, critiquait samedi "l'erreur" d'avoir fait élaborer un audit par une commission ne relevant que du gouvernement. "On a déclaré la dette illégale sans rechercher un arbitre qui le confirme, c'est-à-dire que le débiteur [le gouvernement] a lui-même déclaré sa dette illégale" note Leopoldo Avellan.

Ce reproche semble d'autant plus fondé que le président Correa admettait vendredi, en annonçant le défaut, que "nous étudions encore avec des avocats nationaux et internationaux les stratégies juridiques et légales pour contester une dette qui, j'insiste, est immorale et illégitime, mais nous devons encore démontrer au niveau international qu'elle est illégale".

"Nous présenterons dans les prochains jours un plan de restructuration qui permette aux créanciers de récupérer une partie de leurs papiers, mais sans exiger leur montant nominal" ajoutait Rafael Correa, sans préciser si cette offre de restructuration porterait sur la dette "illégitime" ou sur la "légitime" ou sur les deux à la fois. Des observateurs en déduisent que par son défaut, l'Equateur chercherait en fait à forcer une négociation qui réduirait sa dette extérieure.

Décision populaire avant les élections d'avril 2009

Très critique à l'égard du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, dont il expulsa le représentant à Quito, partisan comme son homologue et allié vénézuélien Hugo Chavez d'un "socialisme du 21e siècle" caractérisé par un pouvoir présidentiel musclé et la prépondérance de l'Etat dans un système économique qui conditionne la propriété à sa fonction sociale, Rafael Correa prônait la gestion souveraine de la dette extérieure dès la campagne électorale qui le mena en 2006 à la présidence de l'Equateur. La dette ne sera payée que si "elle n'affecte pas les priorités du développement national" proclamait-il alors. Le refus apparent, aujourd'hui, d'honorer une dette extérieure présumée "illégitime" s'inscrit dans la même idéologie nationaliste et antilibérale.

Politiquement, le défaut annoncé mise sur la fibre nationaliste et semble viser à renforcer la déjà grande popularité intérieure de Rafael Correa et de son mouvement Alianza Pais avant les élections présidentielle, législatives et municipales convoquées pour le 26 avril 2009 après l'approbation par référendum, en septembre dernier, de la nouvelle Constitution. Cette dernière contribue théoriquement à remplacer l'économie de marché par un "système économique social et solidaire". Avant la confirmation du défaut, quelque 60% des Equatoriens l'approuvaient déjà selon les sondages. Une contestation d'extrême gauche renaissante parmi les Amérindiens, les étudiants et les écologistes est momentanément désamorcée par le refus présidentiel d'assumer le service de la dette "illégitime".

Sur le plan économique, le défaut évitera à l'Equateur de débourser 400 millions de dollars en 2009, lorsque les effets de la crise financière et économique mondiale auront peut-être fait chuter davantage non seulement le prix du pétrole, dont l'extraction et l'exportation alimente actuellement 40% du budget de l'Etat équatorien, mais aussi les envois de devises de millions d'émigrés appauvris par l'accroissement du chômage en Europe et aux Etats-Unis. Colmater momentanément les effets financiers de la crise avant les élections du 29 avril prochain est l'un des objectifs probables du défaut sur la dette.

Représailles et recherche d'appuis


Mais selon plusieurs sociétés internationales de qualification financière, les conséquences prévisibles du défaut -procès, embargos, pénalités, blocage d'avoirs extérieurs, explosion du risque pays, annulation d'investissements, fuite de capitaux et fermeture de lignes de crédit- surpasseraient à moyen terme l'avantage immédiat que l'Equateur pourrait retirer de son coup de force sur la dette.

Conscient des risques de représailles, le président Rafael Correa, qu'une autre dette bancaire oppose déjà au proche et puissant Brésil, recherchait avant même d'annoncer le défaut des financements alternatifs dans des pays alliés tels que l'Iran et le Venezuela. Ce dernier lui a offert un appui souscrit à Caracas par les présidents ou représentants des pays de l'Alternative bolivarienne pour les Amériques (ALBA, qui regroupe le Venezuela, Cuba, la Bolivie, le Nicaragua, le Honduras et la Dominique). L'effondrement des prix pétroliers menace toutefois aussi la stabilité du Venezuela. Le prix de son baril exporté avoisine désormais les 30 dollars, contre près de 140 dollars en juillet dernier, alors que le budget 2009 de l'Etat vénézuélien est établi sur la base d'un baril à 60 dollars.

Le ministre équatorien de l'Intérieur, Fernando Bustamente, indique que son gouvernement mise aussi sur l'Organisation des Nations unies (ONU). L'Equateur y a proposé la recherche d'une régulation mondiale de la dette, avec requête, si nécessaire, de l'avis consultatif de la Cour internationale de justice de la Haye.

Plusieurs mois s'écouleront avant que l'on sache si en boycottant une dette déclarée unilatéralement "illégitime" l'Equateur a fait un pas vers l'insignifiance ou si, au contraire, le président Rafael Correa a ouvert la voie de l'examen universel de la légitimité des dettes publiques extérieures.


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LE PRÉSIDENT CORREA
RÉCLAMERA UNE FORTE
RÉDUCTION DE LA DETTE


QUITO, dimanche 14 décembre 2008 - Le président équatorien Rafael Correa a annoncé samedi qu'il réclamerait une réduction "très forte" de la dette internationale de son pays dont il avait annoncé la veille la suspension partielle du paiement rapporte l'AFP. (Voir article ci-contre)

"Nous souhaitons présenter une proposition où l'on reconnaîtra la valeur de la dette, mais pour un montant très inférieur à ces 3,8 milliards de dollars que l'on est censé devoir alors que nous avons payé bien plus que cela", a déclaré M. Correa dans son allocution radio-télévisée hebdomadaire.

Les créances bancaires contestées par le président Correa représentent 3,8 milliards de dollars, soit 40% de la dette publique extérieure de l'Equateur, qui s'élève au total à 9,9 milliards de dollars.

M. Correa s'est dit prêt à affronter une "très rude bataille" avec, à la clé, d'éventuels "plaintes, procès et embargos". "J'en assume personnellement la responsabilité. Si cela coûte trop au pays, il décidera s'il souhaite me garder ou non comme président", a-t-il affirmé.
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