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Le gouvernement refuse que soit mis "un prix à la fin de la violence"
Espagne: l'ETA déçoit avec un "cessez-le-feu permanent, général et vérifiable" conditionné
 

Photogramme de la vidéo de l'ETA diffusée le 10 janvier 2011 sur le site Internet du journal basque Gara. Voir la vidéo (2'20" en espagnol).
par Christian GALLOY

MADRID, mardi 11 janvier 2011 (LatinReporters.com) - Déclarant un "cessez-le-feu permanent et de caractère général qui puisse être vérifié par la Communauté internationale", l'organisation séparatiste basque ETA l'a lié à un processus qui pourrait déboucher sur la "solution définitive" si étaient résolues les questions clefs de "la territorialité et du droit à l'autodétermination". "Nous n'accepterons aucune condition politique" a répliqué le président du gouvernement socialiste espagnol, José Luis Rodriguez Zapatero.

Lue par l'un des trois etarras encagoulés apparaissant le 10 janvier dans une vidéo sur le site Internet du quotidien basque Gara, la déclaration, dont la version écrite est datée du 8 janvier, était très attendue en Espagne. Au vu de 17 mois sans attentat et de l'efficacité de la coopération policière hispano-française, qui a décapité l'ETA au moins sept fois depuis 2008, le gouvernement de Madrid misait sur un adieu aux armes définitif des indépendantistes supposés exsangues.

A souligner que la pacification totale du Pays basque après 42 ans d'attentats qui ont fait 829 morts, des milliers de blessés et des milliards d'euros de pertes matérielles et financières serait un événement historique susceptible de restaurer la crédibilité de M. Zapatero. A l'approche des élections municipales et régionales de mai prochain et des législatives de mars 2012, le chef du gouvernement socialiste est en perdition dans tous les sondages pour sa gestion jugée catastrophique de la crise économique.

Le parti Batasuna, vitrine politique de l'ETA actuellement interdite, il espérait des pistoleros des concessions significatives qui faciliteraient sa réintégration par la justice dans le jeu politique légal afin de présenter des candidats aux élections de mai. Divers représentants de la gauche basque dite abertzale (patriote), à laquelle appartient Batasuna, qualifient "d'historique" la déclaration de l'ETA.

A Madrid, on n'est pas de cet avis. Nombre d'éditorialistes dénoncent un "piège" destiné à obtenir l'autorisation du retour de Batasuna dans le jeu électoral avec cette déclaration alambiquée dans laquelle, en fait, les terroristes (les etarras sont considérés comme tels par l'Union européenne) réclament à nouveau ce que M. Zapatero ne pourrait plus accepter sans perdre ce qui lui reste de popularité : une négociation politique centrée sur l'autodétermination des Basques et sur la "territorialité", soit, en clair, le rattachement de la Navarre au Pays basque.

En 2006 aussi, le cessez-le-feu était "permanent"

Le score le plus élevé d'un parti vitrine de l'ETA remonte aux élections municipales de 1999. Euskal Herritarrok, auquel succéda Batasuna, obtint alors dans sa région 19,63% des suffrages. Cela signifia le contrôle de 62 mairies basques et navarraises, sources estimables, pour les séparatistes, d'influence et de financement.

En prévenant dans sa déclaration qu'elle "ne renoncera pas à ses efforts et à sa lutte pour impulser et mener à terme le processus démocratique", l'ETA rappelle implicitement qu'un cessez-le-feu dit "permanent" ne l'est pas nécessairement, comme l'a prouvé la reprise des attentats après son précédent "cessez-le-feu permanent" décrété en mars 2006 dans le cadre d'une longue négociation frustrée avec le gouvernement de M. Zapatero. Le directeur du quotidien de centre droit El Mundo, Pedro J. Ramirez, note à ce propos que les mots "cessez-le-feu" et "permanent" sont par essence contradictoires.

Les deux nouveautés, par rapport à 2006, du cessez-le-feu actuel sont son "caractère général" (ce qui pourrait signifier la suspension de l'impôt dit révolutionnaire et de la violence urbaine des jeunes abertzales), ainsi que la revendication intéressée d'une "vérification par la Communauté internationale", dans le fil de la Déclaration de Bruxelles du 29 mars 2010. L'ETA a toujours considéré que l'internationalisation du dossier basque servirait ses intérêts.

Dans le nouveau message des etarras, le mot "indépendance" n'est pas oublié. La France non plus. Elle est priée, comme l'Espagne, "d'abandonner définitivement les mesures répressives et la négation de l'Euskal Herria". L'Euskal Herria (Patrie basque) désigne, tant aux yeux des nationalistes dits modérés que des indépendantistes radicaux, un territoire englobant le Pays basque espagnol, la Navarre et le Pays basque français. La "territorialité", c'est cela. Depuis des décennies, elle est, autant que l'autodétermination, la revendication la plus constante de l'ETA. Territorialité, au moins étendue à la Navarre, et autodétermination ont aussi été les causes de l'échec des négociations menées avec l'ETA par les trois derniers chefs successifs du gouvernement espagnol, Felipe Gonzalez, José Maria Aznar et José Luis Rodriguez Zapatero.

Texte intégral de la déclaration de l'ETA (traduction)

[L'ETA a diffusé la version originale en basque, en espagnol et en anglais]

L'ETA, organisation socialiste révolutionnaire basque de libération nationale, souhaite, par cette déclaration, faire connaître sa décision :

Ces derniers mois, de Bruxelles à Gernika, des personnalités de grande notoriété internationale et une multitude d'acteurs politiques et sociaux basques ont souligné la nécessité d'offrir une solution juste et démocratique au conflit politique séculaire.

L'ETA est d'accord avec cela. La solution viendra au moyen d'un processus démocratique, qui aura comme référence principale la volonté du Peuple basque et le dialogue et la négociation comme outils.
  • Le processus démocratique doit surmonter toute forme de négation et de préjudice et doit résoudre les questions clefs de la territorialité et du droit à l'autodétermination, qui sont le noyau du conflit politique.
  • Il appartient aux acteurs politiques et sociaux basques d'arriver à des accords pour obtenir un consensus autour de la formulation de la reconnaissance de l'Euskal Herria et de son droit à décider, en assurant la possibilité de développement de tous les projets politiques, y compris l'indépendance.
  • Comme résultat du processus, les citoyens basques doivent s'exprimer et décider de leur futur, sans aucune ingérence ni limitation.
  • Toutes les parties doivent s'engager à respecter les accords obtenus et les décisions adoptées par les citoyens basques, en offrant des garanties et des moyens pour sa mise en oeuvre.
En conséquence :

L'ETA a décidé de déclarer un cessez-le-feu permanent et de caractère général qui puisse être vérifié par la Communauté internationale. Ceci est l'engagement ferme de l'ETA pour un processus de solution définitive et pour la fin de la confrontation armée.

C'est le moment d'agir avec responsabilité historique. L'ETA lance un appel aux autorités de France et d'Espagne pour qu'elles abandonnent définitivement les mesures répressives et la négation de l'Euskal Herria.

L'ETA ne renoncera pas à ses efforts et à sa lutte pour impulser et mener à terme le processus démocratique, jusqu'à obtenir une véritable situation démocratique en Euskal Herria.

VIVE L'EUSKAL HERRIA LIBRE! VIVE L'EUSKAL HERRIA SOCIALISTE!
JO TA KE INDEPENDENTZIA ETA SOZIALISMOA LORTU ARTE!

Euskal Herria, 8 janvier 2011
Euskadi Ta Askatasuna
[Pays basque et liberté; ndlr]
E.T.A.

Réactions politiques

"C'est insuffisant ... Ceux qui ont vu des éléments d'espoir [dans la déclaration] doivent savoir que le chemin est encore long, car seule la fin définitive de la bande [l'ETA] est valable" a affirmé José Luis Rodriguez Zapatero, président du gouvernement socialiste espagnol, interviewé sur la chaîne de télévision Antena 3. "Nous n'accepterons aucune condition, aucune condition politique qui serve les buts de la bande" a-t-il souligné, ajoutant que "les forces de sécurité ne baisseront pas la garde" et que le gouvernement "maintiendra la politique antiterroriste".

La déclaration de l'ETA n'est "clairement pas" ce que "la société espagnole espérait", a estimé pour sa part Alfredo Perez Rubalcaba, vice-président du gouvernement et ministre de l'Intérieur. "Ce n'est pas une mauvaise nouvelle, mais ce n'est pas La nouvelle. [...] Le seul communiqué que nous voudrions lire est celui dans lequel l'ETA annoncerait la fin [de la lutte armée], de manière irréversible et définitive", a précisé le ministre lors d'une déclaration à la presse. Selon lui, le groupe indépendantiste conserve "la même arrogance, le même langage et la même mise en scène".

"L'ETA veut maintenir sa position de tutelle, de garant d'une supposée négociation ou, ce qui revient au même, l'ETA prétend toujours mettre un prix à la fin de la violence", a poursuivi M. Rubalcaba. Le ministre rejette aussi l'idée d'une "vérification internationale" du cessez-le-feu, comme indiqué par le groupe armé dans son communiqué. "Dans un Etat de droit, ce sont les forces de sécurité qui vérifient" un cessez-le-feu, a expliqué M. Rubalcaba.

La quasi totalité des réactions institutionnelles, notamment du Parti Populaire (PP, opposition conservatrice), de la Gauche Unie (IU, écolo-communiste), du Parti nationaliste basque (PNV) et du gouvernement régional basque, expriment une déception et une fin de non-recevoir proches ou semblables à celles de MM. Zapatero et Rubalcaba.

"La déclaration de l'ETA, quoiqu'insuffisante, nous rapproche de la fin du terrorisme" ajoute toutefois le président du gouvernement basque, le socialiste Patxi Lopez. Il veut croire que "l'ETA a commencé à assumer que sa fin est inévitable".

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