Las protestas contra los recortes toman las ciudades españolas
L'Espagne a manifesté massivement le 19 juillet 2012 contre la rigueur et l'austérité.
Cette vidéo de la manifestation de Madrid, qui
s'est clôturée la nuit sur la Puerta del Sol, a été
diffusée par la télévision publique TVE.
MADRID, vendredi 20 juillet 2012 (LatinReporters.com) - Quelques heures après l'entérinement par la majorité
parlementaire de droite de la plus forte dose de rigueur jamais administrée
dans l'Espagne démocratique, 65 milliards € de nouvelles coupes budgétaires
et hausses fiscales d'ici fin 2014, des centaines de milliers d'Espagnols
ont manifesté le 19 juillet contre ces mesures dans quelque 80 villes
à l'appel notamment des syndicats, qui réclament du gouvernement
de Mariano Rajoy un référendum sur l'ensemble des mesures d'austérité.
Pour justifier cette requête, le secrétaire général
des Commissions ouvrières (CCOO), Ignacio
Fernandez Toxo, a accusé M. Rajoy de commettre une "fraude démocratique"
en exécutant un programme totalement différent de celui avec
lequel son Parti Populaire (PP, droite) s'était présenté
aux législatives du 20 novembre dernier, remportant alors la majorité
absolue du Congrès des députés et du Sénat.
Coup d'État à petit feu ?
En campagne électorale, Mariano Rajoy avait affirmé qu'il ne
réduirait pas le budget de l'éducation et de la santé.
Il s'était aussi déclaré contraire à une hausse
de la TVA et de l'impôt sur les revenus. Mais à peine investi,
fin décembre, le Dr Jekill se transformait en Mr Hyde. En moins
de sept mois de pouvoir, Mariano Rajoy a en effet transgressé ses
promesses préélectorales explicites et implicites, estimant
"devoir faire pour l'Espagne ce qui est nécessaire, même ce
que j'ai dit que je ne ferais pas"...
Dans la foulée, les fonctionnaires viennent d'être privés
de leur double paye de Noël (7% de leur revenu annuel) et les nouveaux
chômeurs verront, à partir du septième mois d'inactivité,
leurs indemnités réduites à 50% du salaire, au lieu de
60%. Rappelons qu'à la fin du 24e mois, les indemnités s'évanouissent.
Un tiers des 5,6 millions de chômeurs espagnols (24,4% de la population
active) sont ainsi abandonnés par l'État. Cela signifie que
pour près de 2 millions d'ex-travailleurs, les bouées de secours
sont désormais en Espagne la solidarité familiale, les petits
boulots au noir, la mendicité, la délinquance ou l'émigration.
Dans la manifestation de Madrid, cette caricature sur calicot peut-être significative de
l'humeur des Espagnols : le IVe Reich d'Angela Merkel domine l'euro et manipule
comme une marionnette le président du gouvernement espagnol, Mariano
Rajoy. Celui-ci a en main des ciseaux pour faire des coupes dans le budget
de la santé et de l'éducation. (Photo acanorea / eskup / elpais.com)
Au nom de la défense de l'euro et de l'équilibre budgétaire,
l'Espagne serait donc victime d'une fraude électorale et subirait
en somme un coup d'État à petit feu débouchant
sur l'omnipotence du patronat et l'émiettement progressif de conquêtes
sociales dont certaines sont théoriquement garanties par la Constitution.
De là, aux yeux des syndicats, la nécessité d'un référendum
permettant aux Espagnols de se prononcer sur le virage postélectoral
à 180 degrés de Mariano Rajoy.
Le chef du gouvernement et son PP expliquent leur retournement en disant
avoir été "surpris" par l'ampleur de l'héritage négatif
laissé par l'ingénu socialiste José Luis Rodriguez Zapatero.
La "surprise" de la droite s'apparente toutefois au prétexte lorsqu'on sait
que les deux tiers du dérapage par rapport aux prévisions
du déficit de 2011 sont attribuables aux régions, en majorité
aux mains du PP. En outre, le nouveau coup de massue sur les contribuables
espagnols est lié à la déconfiture de Bankia, qui débouche
aujourd'hui sur le sauvetage européen conditionné de l'ensemble
du secteur bancaire dans une Espagne désormais sous tutelle. Fédération
de caisses d'épargne régionales érigée en banque,
Bankia doit son besoin actuel de recapitalisation de 23,5 milliards €
à l'effondrement de l'immobilier, mais aussi et probablement autant
à sa gestion politisée par Madrid et Valence, deux régions
régentées depuis des lustres par le PP de Mariano Rajoy.
"Gouvernement démission !"
Ainsi, c'est en soupçonnant la droite de déshumanisation ultralibérale
préméditée (et planifiée avec l'Union européenne
et le Fonds monétaire international) que les Espagnols sont à
nouveau descendus jeudi dans la rue, concrétisant une première
grande communion entre le mouvement des indignés et l'ensemble des
syndicats, y compris ceux des fonctionnaires, des pompiers et de la police.
La nuit précédant la journée de manifestation, les pneus
de 98 fourgonnettes d'unités antiémeutes avaient été
crevés dans une dépendance policière de la banlieue
de Madrid. Début de rébellion des gardiens de l'ordre? Certains
qui n'étaient pas de service ont, comme des pompiers, défilé
aussi contre la rigueur .
Plus neutres que celles des organisateurs ou des préfectures, les
évaluations de journalistes portent à quelque 100.00 le nombre
des manifestants à Madrid, au moins 50.000 à Barcelone, 50.000
aussi à Séville et autant à Valence, 20.000 tant à
Bilbao qu'à Palma, 15.000 à Pampelune et un long etc. dans
des dizaines d'autres villes qui ont accueilli chacune plusieurs milliers
de protestataires. Chiffrer leur nombre total à au moins un demi-million
serait une évaluation prudente.
Les cris et slogans majoritaires de cette marée humaine étaient "Les mains en l'air, ceci
[la rigueur] est un hold-up !", "Gouvernement démission !", "Oui on peut"
[trouver une alternative à l'austérité] ou encore le
fameux "Que se jodan !" [à traduire par "Qu'ils se fassent chier !"
ou "Qu'ils aillent se faire foutre !"]. Fameux, car lancé au Congrès
des députés le 11 juillet par une parlementaire du PP,
Andrea Fabra,
au moment où M. Rajoy désignait les chômeurs parmi
les victimes de la énième vague d'austérité.
Cette insulte aux chômeurs, retournée depuis contre le gouvernement
et le PP, ainsi que les étonnants applaudissements de la droite parlementaire
à l'annonce par Mariano Rajoy d'une rigueur sans précédent
et la suppression du double mois de salaire de Noël pour les fonctionnaires
semblent avoir été des détonateurs puissants du succès
des manifestations du 19 juillet. Tard dans la nuit, des incidents entre
une minorité de protestataires et la police ont fait à Madrid
39 blessés et débouché sur 15 arrestations.
Les syndicats annoncent de nouvelles mobilisations pour forcer un référendum.
Titre à la une, ce 20 juillet, du quotidien de centre droit El Mundo
: "Le gouvernement coincé entre l'épée des marchés
et le mur de la rue". ("Entre le marteau des marchés et l'enclume
de la rue" dirait-on en France, où l'on a peut-être historiquement
moins manié l'épée).