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Premier accroc de Zapatero avec l'administration Obama
Du Kosovo comme d'Irak, l'Espagne est "un pays qui s'en va"
MADRID, mardi 24 mars 2009 (LatinReporters.com) - "Inconsistant, imprévisible,
déloyal". L'un au moins de ces mots est prononcé depuis
la semaine dernière au secrétariat général de
l'OTAN, au Conseil de l'Union européenne, au département d'Etat
américain et par des médias madrilènes de gauche ou de
droite pour qualifier le gouvernement socialiste espagnol de José Luis
Rodriguez Zapatero. En cause, la décision unilatérale de l'Espagne
de retirer son contingent militaire du Kosovo, l'ancienne province serbe
à majorité musulmane martyrisée à la fin des
années 90 par l'armée de Slobodan Milosevic.
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La ministre espagnole de la Défense, Carme Chacon, parmi des officiers
du contingent espagnol de la KFOR, le 19 mars 2009 à Istok (Kosovo),
jour et lieu de l'annonce d'un retrait qui a surpris les Etats-Unis, l'OTAN
et l'Union européenne. (Photo © mde.es). |
Un retrait similaire d'Irak effectué par M. Zapatero, dès
son avènement au pouvoir au printemps 2004, avait quasi gelé
les relations entre Madrid et Washington jusqu'à la fin du mandat
du président George W. Bush, auquel succéda Barack Obama le
20 janvier dernier.
L'espoir d'un réchauffement bilatéral dans le fil de cette
succession vient de prendre un premier coup de froid. Et au Kosovo comme en
Irak, c'est moins le retrait de militaires espagnols, politiquement logique
dans les deux cas, que sa précipitation, ainsi que l'absence de coordination
avec les alliés et le non respect de décisions antérieures
qui portent un coup sévère à la fiabilité internationale
du gouvernement Zapatero.
"Mission accomplie. L'heure est venue de rentrer à la maison" annonçait
le 19 mars à la base España de la localité kosovare d'Istok
la jeune (38 ans) ministre espagnole de la Défense, Carme Chacon. Elle
précisait que le retrait s'effectuerait "de manière échelonnée
et en coordination avec nos amis et alliés", mais "avant la fin de
l'été", ce qui laisserait peu de temps à ladite coordination.
Pour la résonance médiatique, la ministre socialiste, en qui des médias voient
"la dauphine" de M. Zapatero, se faisait photographier en kaki parmi les officiers
du contingent dépêché depuis dix ans par Madrid dans
la région. Ce contingent compte actuellement 620 militaires sur les
15.000 de la KFOR (Kosovo Force) conduite par l'OTAN.
Théoriquement, l'annonce de la ministre Chacon ne devait pas surprendre.
Ainsi que la Grèce, Chypre, la Slovaquie et la Roumanie, pour citer
des pays membres de l'Union européenne (UE), comme au total 138 des
192 Etats de la planète, l'Espagne, qui apprécie peu le précédent
kosovar prisé par les nationalistes basques et catalans, n'a en effet
pas reconnu l'indépendance du Kosovo proclamée unilatéralement
avec la bénédiction des Etats-Unis et de 22 des 27 pays de
l'UE. Un retrait est donc "logique" comme l'a précisé le 20
mars M. Zapatero.
Le problème est que le Kosovo proclama son indépendance voici
plus d'un an, le 17 février 2008, sans que dans cet intervalle l'Espagne
ne sollicite de négocier avec ses alliés les modalités
d'un départ. Qui plus est, le 5 mars dernier à Bruxelles, après
avoir participé à la réunion de la secrétaire
d'Etat américaine Hillary Clinton avec les ministres des Affaires étrangères
des alliés de l'OTAN, le ministre espagnol Miguel Angel Moratinos
affirmait en conférence de presse: "Ce n'est pas le moment d'une réduction
de troupes, mais plutôt celui de maintenir la présence [au Kosovo].
L'Espagne a expliqué que, sans reconnaître l'indépendance
du Kosovo, elle maintient et maintiendra une position constructive pour la
sécurité dans la région et au Kosovo".
En outre, lors de la réunion informelle des ministres de la Défense
de l'OTAN des 19 et 20 février derniers à Cracovie (Pologne),
réunion à laquelle participait la ministre espagnole Carme Chacon,
le sentiment majoritaire fut qu'il était prématuré de
réduire les effectifs de la KFOR.
Le retrait néanmoins annoncé le 19 mars, après avoir été décidé la veille par M. Zapatero et Carme Chacon, a pris à contre-pied le
ministre Moratinos. Quoiqu'il prétende aujourd'hui le contraire, le
chef de la diplomatie espagnole n'avait manifestement pas été
informé de la décision avant son annonce. Preuve en est que
tant l'ambassadeur d'Espagne à Washington que celui accrédité
auprès de l'OTAN ne purent répondre, reconnaissant leur manque
d'information, aux questions inquiètes du département d'Etat
américain et de chancelleries alliées aussitôt après
l'annonce du retrait.
"Nous sommes profondément déçus
par cette décision de l'Espagne", déclarait le 20 mars à
Washington un porte-parole du département d'Etat, Robert Wood. "En
1999, les alliés de l'Otan s'étaient mis d'accord sur le principe:
on entre tous ensemble, on sort tous ensemble. Nous avons donc été
surpris par cette décision" ajoutait M. Wood.
Le secrétaire général de l'OTAN, le Néerlandais
Jaap de Hoop Scheffer, critiquait lui aussi la décision espagnole,
estimant que "ne sont pas encore remplies les conditions" d'un retrait du
Kosovo. Selon lui, "si nous voulons modifier la KFOR, la dimension et la structure
de sa mission, nous devons le faire en fonction d'un décision adoptée
au sein de l'Alliance".
Karel Schwarzenberg, ministre des Affaires étrangères de la
République tchèque, pays qui préside ce semestre l'Union
européenne, dénonçait quant à lui "une décision
déplorable qui, je l'espère, ne servira pas d'exemple".
Son homologue polonais Radoslaw Sikorski, considéré comme
l'un des candidats à la succession de Jaap de Hoop Scheffer au secrétariat
général de l'OTAN, fut plus acide encore: "De la part de
l'Espagne, c'est normal. Elle a déjà fait cela en Irak, non?"
Selon un correspondant de la presse espagnole à Bruxelles, le ministre polonais serait
persuadé que l'Espagne pourrait se définir comme "un pays qui s'en va".
"Retrait cohérent, mais précipité"
En Espagne même, où la majorité des familles politiques, des communistes jusqu'à la droite, acceptent pourtant le principe d'un retrait du Kosovo pour ne pas contribuer
à la consolidation d'un Etat applaudi par les nationalistes basques
et catalans, ce sont les modalités cavalières et antidiplomatiques du gouvernement
Zapatero qui font débat.
Sous le titre "Un retrait cohérent, mais précipité",
l'éditorialiste du quotidien El Mundo (droite libérale) regrette
que "l'image de l'Espagne puisse être ternie aux yeux de nos alliés,
vu que, comme en Irak, on rompt de manière unilatérale l'engagement
et le calendrier établis". [NDLR - Le retrait militaire espagnol d'Irak,
dès avril 2004, s'était opéré sans coordination
satisfaisante avec les forces alliées, ainsi mises davantage en danger,
et sans attendre la date du 30 juin 2004, initialement annoncée par
M. Zapatero pour ordonner ou non ce retrait en fonction du rôle que
joueraient à cette échéance les Nations unies à
Bagdad. Prenant ainsi l'allure d'une débandade un mois seulement
après les attentats islamistes de Madrid (191 morts, 1.856 blessés),
le retrait espagnol d'Irak fut interprété par divers gouvernements
occidentaux et par les intégristes musulmans comme un encouragement
au terrorisme d'Al-Qaïda.].
Le journal de centre gauche El Pais, souvent jugé proche du gouvernement
socialiste de M. Zapatero, estime lui aussi que "la forme de gérer
le retrait [du Kosovo] détériore l'image d'allié fiable
de l'Espagne ... Le rôle auquel doit aspirer notre pays dans le monde
ne correspond pas à la manière d'agir suivie par la ministre
de la Défense, Carme Chacon, aggravant l'image de l'Espagne, vue comme
associée imprévisible ou ne répondant qu'aux impératifs
de politique intérieure".
Après la récente défaite des socialistes aux élections
régionales en Galice et leur déception relative aux élections
basques, deux scrutins tenus le 1er mars, M. Zapatero,
décontenancé aussi par la virulence de la crise économique
(1.280.300 chômeurs supplémentaires en 2008), cherchait-il un
quelconque bénéfice politique avant les élections européennes
de juin en faisant annoncer par Carme Chacon le retrait militaire du Kosovo?
Ce retrait permettrait-il de mieux justifier un éventuel accroissement,
qu'apprécierait Barack Obama, de l'engagement militaire espagnol
en Afghanistan?
Réservant ces questions et d'autres pour un prochain débat parlementaire,
le chef de l'opposition de droite et président du Parti Populaire,
Mariano Rajoy, clame que "l'affaire du Kosovo est un spectacle impropre d'un
gouvernement simplement normal".
Carme Chacon, d'autres ministres et des conseillers du gouvernement se multiplient
en déclarations explicatives souvent contradictoires, insinuant la
possibilité, fût-ce pour la démentir ensuite, que le retrait
du Kosovo s'échelonne malgré tout sur un an ou plus afin d'amadouer les alliés. L'insistance de l'opposition et de la presse sur l'absence de cohésion gouvernementale et les interpellations parlementaires maintiendront quelque temps
encore M. Zapatero et sa "dauphine" Carme Chacon sous le chapiteau de cet étonnant
cirque hispano-kosovar.
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ZAPATERO ACCUSÉ DE PRÉSIDENTIALISME ANTIDÉMOCRATIQUE PAR EL PAIS
MADRID, 26 mars 2009 (LatinReporters) - "Les conséquences de la décision
unilatérale de retirer les troupes espagnoles du Kosovo pèseront
sur l'agenda international du gouvernement au cours des prochains mois" affirme
le 26 mars l'éditorial du quotidien espagnol El Pais (centre gauche).
"Cette erreur met à découvert les limites d'une façon
de gouverner qui introduit des procédés présidentialistes
dans le système parlementaire espagnol, réduisant le rôle
des ministres à celui de simples assistants du chef de l'exécutif
et sacrifiant l'expérience et les usages démocratiques à
la tactique et à l'improvisation. La préoccupation pour l'image
et la prolifération de canaux informels, en marge des canaux institutionnels
et administratifs, se sont converties en signe distinctif du labeur
de Rodriguez Zapatero" poursuit l'éditorialiste d'El Pais.
Rarement depuis son accession à la présidence du gouvernement,
au printemps 2004, le socialiste José Luis Rodriguez Zapatero avait
été la cible d'un éditorial aussi dur dans l'un ou l'autre
média, toutes tendances confondues. Qu'il subisse aujourd'hui les
foudres d'El Pais est d'autant plus notable que ce journal, le premier payant
d'Espagne avec une diffusion quotidienne surpassant les 400.000 exemplaires,
est souvent considéré comme proche de l'exécutif socialiste.
Il avait notamment soutenu amplement le retrait militaire espagnol d'Irak
décidé par M. Zapatero dès sa première investiture,
en avril 2004.
Sur 4 colonnes à la une de son édition du même 26 mars
2009, El Pais titre "Zapatero subit une sanction sévère au
Congrès", soulignant dans l'article correspondant les vives critiques,
la veille au Congrès des députés, adressées par
toutes les formations politiques, tant de droite que de gauche à l'exception
des seuls socialistes, à la manière présidentialiste
et antidiplomatique avec laquelle M. Zapatero et sa ministre de la Défense,
Carme Chacon, prétendent gérer le retrait militaire du Kosovo.
C'est la manière qui fait débat, le principe même
du retrait jouissant d'un large consensus parlementaire cohérent
avec le consensus qui prévaut à Madrid sur la non reconnaissance
de l'indépendance du Kosovo.
"En d'autres domaines aussi délicats que la politique extérieure,
Zapatero a récolté des échecs semblables. La politique
des autonomies [régionales], l'immigration ou l'économie ont
souffert d'accrocs similaires dus à la même combinaison de négation
de la réalité et de volontarisme présidentialiste" assène
encore l'éditorial d'El Pais.
Une critique aussi globale dans le quotidien espagnol dit de référence
risque-t-elle d'asseoir un doute raisonnable sur la longévité
politique de M. Zapatero?
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