MADRID, samedi 28 janvier 2012 (LatinReporters.com) - L'Espagne est une grande puissance du chômage. Son
armée de 5.273.600 chômeurs, chiffre record historique révélé
vendredi par l'
Institut national de la statistique, est de loin la plus
imposante de l'Union européenne (UE), tant en nombre absolu qu'en pourcentage
de la population active (22,85%). Mobiliser cette mégaforce latente
assombrirait en Espagne et peut-être aussi en Europe la joyeuse fête du
démantèlement social célébrée en honneur ou sous
prétexte de la crise.
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Prise de la Bastille en 1789 (tableau de Jean-Pierre Houël). Quelles
bastilles résisteraient à une stratégie coordonnant les 23,6 millions
de chômeurs de l'Union européenne, dont 5,3 millions en Espagne ? |
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Tant au sud qu'au nord des Pyrénées, les syndicats défendent
ceux qui ont un boulot, mais non ou moins ceux qui n'en ont pas. La plus formidable
armée jamais vue en Espagne, quasi 5,3 millions d'hommes et de femmes,
n'a donc ni chef ni stratège. Fin 2012, au terme d'une année
entière de nouvelle récession prévue par les Bas-Fonds
monétaires internationaux, les chômeurs du royaume ibérique
seront sans doute six millions. Ceux qui les rassembleraient pour submerger
pacifiquement l'une ou l'autre Bastille s'érigeraient en interlocuteurs
redoutés de Madrid et du patronat, voire de l'UE et d'autres cabarets supranationaux.
Chimère? Peut-être, mais comme Spartacus et les esclaves, comme
Nicolas Sarkozy après la prochaine présidentielle, des légions d'Espagnols
n'ont déjà que peu ou plus rien
à perdre. Dans leur pays, le nombre de foyers dont tous les membres
sont au chômage atteint 1,575 million. Pour impossibilité de
paiement de loyer ou d'hypothèque, plus de 300.000 familles ont été
délogées ces trois dernières années et 1,5 million
d'ordres d'expulsion sont en attente d'exécution. Parmi les jeunes de moins
de 25 ans, le taux de chômage explose à près de 50%. Et sur les 5,3
millions de sans-emploi, au moins 1,5 million ne sont pas indemnisés.
Plus d'un million d'autres ne perçoivent qu'une obole temporaire de
survie de 450 euros mensuels.
La Banque d'Espagne, l'Union européenne, le FMI, la walkyrie Angela
Merkel et les agences de notation financière pressent l'Espagne de
réformer son marché du travail, jugé trop
rigide, afin de freiner le chômage galopant. En clair, il faudrait faciliter
davantage les licenciements et réduire à nouveau les salaires
pour favoriser l'embauche. Le tout sur fond de hausses d'impôts et
de rigueur budgétaire qui dépriment davantage l'économie
et débouchent en conséquence, dans un parfait cercle vicieux, sur un nouvel alourdissement
de la fiscalité et de l'austérité.
"C'est comme soumettre un malade anémique à une cure d'amaigrissement" note le socialiste
Alfredo Perez Rubalcaba. Il appuya pourtant la même politique lorsqu'il
était vice-président du gouvernement de José Luis Rodriguez
Zapatero.
Comme M. Zapatero, son successeur conservateur Mariano Rajoy, vainqueur
à la majorité absolue des législatives du 20 novembre
dernier, vide les poches de la classe moyenne sans exposer jusqu'à
présent la moindre mesure de relance. De quoi donner raison au Mouvement
des Indignés, qui accuse tant les socialistes que le Parti Populaire
(PP) de M. Rajoy de considérer les Espagnols comme "des marchandises
aux mains de politiciens et de banquiers".
Quoique suivi du triomphe électoral du PP, un sondage estimait en
octobre dernier à 73% la proportion d'Espagnols soutenant les idées
des Indignés. Les plus éclairés d'entre eux, dont plusieurs
professeurs d'université, tenteront-ils de mener pacifiquement, par
la résistance et la désobéissance civiles, l'irrésistible
armée des chômeurs contre les bastilles des ogres Picsou?
Peut-être est-ce rêver, mais après
tout, en Espagne et dans le reste de l'Europe, ni Angela ni Nicolas et moins
encore Mariano n'ont réussi jusqu'à présent à
nous faire croire, même en allumant des cierges à l'euro, que
le père Noël n'existe plus.