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A six semaines des législatives nationales du 14 mars

Espagne - élections : la crise en Catalogne pénalise la gauche

Carod-Rovira (avec lunettes et moustache) sablant le cava au soir des élections catalanes du 16 novembre 2003
Photo LatinReporters.com
MADRID, jeudi 29 janvier 2004 (LatinReporters.com) - Se dire Catalan, mais surtout pas Espagnol et revendiquer l'indépendance de la Catalogne, soit. Mais ouvrir en plus des pourparlers personnels, sans couverture gouvernementale ni parlementaire, avec les indépendantistes basques de l'ETA, catalogués comme terroristes par l'Union européenne, cela fait désordre lorsqu'on est, comme Josep-Lluis Carod-Rovira, premier ministre du gouvernement régional catalan en alliance avec les socialistes. Le scandale déclenché par Carod-Rovira pénalise la gauche à six semaines des élections législatives espagnoles du 14 mars.

Utilisation partisane
des services secrets?

Dans son édition de jeudi, l'influent quotidien pro-socialiste El Pais écrit que le Centre National d'Intelligence (CNI, services secrets) avait envoyé à la présidence du gouvernement espagnol un rapport sur l'entrevue, le 4 janvier à Perpignan (France), de Carod-Rovira avec des dirigeants de l'organisation séparatiste basque ETA.

"Selon le rapport du CNI, précise le journal, l'entrevue n'a été connue qu'après coup au travers de l'entourage du parti interdit Batasuna (ndlr.: considéré comme la vitrine politique de l'ETA). Lors de la réunion, qui dura six heures, les dirigeants de l'ETA et Carod-Rovira ont, toujours selon le rapport, envisagé une certaine trêve de l'organisation terroriste, limitée au territoire de la Catalogne, en échange de la diffusion d'une déclaration d'appui à l'autodétermination du peuple basque de la part d'Esquerra". (ndlr.:Esquerra Republicana de Catalunya, Gauche républicaine de Catalogne, le parti de Carod-Rovira).

"La filtration du rapport de la CNI  a provoqué un malaise parmi les membres du service d'Intelligence, non seulement parce que ce rapport a été utilisé ainsi à des fins partisanes, mais aussi parce des sources de la lutte antiterroriste s'en trouvent exposées à des risques" affirme El Pais.

L'essentiel du rapport de la CNI avait été révélé lundi par le journal conservateur ABC, proche du gouvernement de José Maria Aznar.

Néanmoins, mercredi dans le journal El Periodico de Catalunya, Carod-Rovira lui-même n'excluait pas que "certains secteurs de l'ETA soient intéressés aussi à la diffusion de cette information".

Le Parti socialiste ouvrier espagnol prie le gouvernement de s'expliquer devant la commission permanente du Congrès.

Peut-être piégé par les services secrets espagnols, Carod-Rovira a reconnu lundi ses contacts avec l'ETA, début janvier, au nom d'une hypothétique recherche de la paix. Le problème est que ce premier ministre régional issu de la gauche républicaine et indépendantiste est l'allié des socialistes avec lesquels il a formé en décembre le premier gouvernement de gauche en Catalogne depuis la guerre civile espagnole de 1936-1939.

Après huit ans d'opposition au niveau national, les socialistes voudraient à nouveau gouverner l'Espagne au lendemain des élections législatives du 14 mars et empêcher donc le Parti Populaire (PP, conservateur) de José Maria Aznar -qui passe le relais à son ex-ministre Mariano Rajoy- de dominer une troisième législature consécutive.

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du 14 mars 2004

Espagne-Socialisme
fissuré par l'alliance avec
les indépendantistes
catalans

Catalogne arbitrée
par la gauche républicaine
indépendantiste (ERC)

Dossier Espagne

Mais pour gouverner l'Espagne, largement "espagnoliste", sauf bien sûr au Pays basque et en Catalogne, ce n'est pas un atout d'avoir un allié qui, comme Carod-Rovira, sympathise avec une ETA qui a assassiné plus de 800 Espagnols, y compris de nombreux socialistes, depuis le rétablissement de la démocratie et l'octroi de larges autonomies régionales en Espagne. La lutte contre le terrorisme est en principe une politique d'Etat assumée tant par le pouvoir que par l'opposition.

Aussi, à la requête de José Luis Rodriguez Zapatero, secrétaire général du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) et candidat à la présidence du gouvernement espagnol, le président régional de la Catalogne, Pasqual Maragall (il préside aussi le Parti socialiste catalan) a relevé mardi Carod-Rovira de ses fonctions de "Conseller en Cap" (équivalent de premier ministre régional), lui laissant un portefeuille "sans attributions" mais rémunéré. Les socialistes maintiennent néanmoins en Catalogne leur alliance avec le parti de la Gauche républicaine catalane (ERC) de Carod-Rovira, qui compte plusieurs autres ministres régionaux. Cette coalition comprend aussi des communistes et des écologistes.

Carod-Rovira avait obtenu 16% des suffrages aux élections régionales catalanes du 16 novembre dernier. Il a décidé de mener à Barcelone la liste de son parti aux législatives du 14 mars. Il devra en conséquence abandonner totalement l'exécutif catalan avant le 9 février. Mais il n'exclut pas, surtout s'il était plébiscité en mars, de revendiquer à nouveau un rôle de premier plan en Catalogne. L'Association espagnole des victimes du terrorisme a décidé mercredi de le poursuivre en justice pour "collaboration" avec les terroristes de l'ETA.

Scénario catastrophe

"No pasaran!" ("Ils ne passeront pas!") lançait mardi Carod-Rovira au Parti populaire, reprenant le cri des républicains qui luttaient contre les franquistes pendant la guerre civile. A ce cri surgi du tunnel du temps, le président du gouvernement espagnol, José Maria Aznar, répliquait que "la Catalogne de l'avenir n'est pas celle du no pasaran, de pactes avec l'ETA et des entreprises qui s'en vont". (Plusieurs multinationales ont annoncé ce mois de janvier leur prochain départ de la Catalogne, sans relier explicitement leurs désinvestissements à l'avènement d'un exécutif régional de gauche).

Cette crise et ses rebondissements constituent un scénario catastrophe pour le Parti socialiste ouvrier espagnol de José Luis Rodriguez Zapatero. En retrait dans les sondages qui prédisent au PP une quasi majorité absolue, le PSOE de Zapatero était déjà fissuré par la grogne de plusieurs de ses grands barons hostiles aux indépendantistes catalans.

Le pire, pour le PSOE, est que le PP de José Maria Aznar et Mariano Rajoy a réussi à centrer la campagne électorale sur le choix du modèle territorial: ou le maintien des 17 autonomies régionales telles que définies par la Constitution démocratique de 1978 ou "l'aventure" que représenterait l'approfondissement des autonomies prônée par le PSOE depuis l'automne dernier, à la veille du scrutin régional catalan.

Le calcul du PP est que l'alliance des socialistes avec des Catalans indépendantistes désignés comme proches des terroristes séparatistes basques associe l'image du socialiste Zapatero à un risque de dislocation de l'Espagne, risque que se refuserait à assumer la majorité des Espagnols. "Le PSOE n'est plus un parti national. Il a 17 programmes, un pour chaque région autonome" répètent en leitmotiv José Maria Aznar et les candidats du PP.

Le patriotisme "espagnoliste", l'atlantisme militant, l'appui à la guerre en Irak, le libéralisme économique et la morale vaticane du Parti populaire, ainsi que son utilisation du terrorisme comme munition électorale ne font certes pas l'unanimité. Mais si entre deux maux on choisit d'ordinaire le moindre, les Espagnols pourraient être tentés, comme l'indiquent les sondages, de plébisciter le 14 mars la continuité du PP et d'un miracle économique envié en Europe.

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