Guatemala: droits de l'hommeCe texte d'Amnesty International n'engage que la responsabilité de cette organisation
En juin, trois membres des forces armées ont été condamnés à de lourdes peines de réclusion pour l'exécution extrajudiciaire de l'évêque Juan José Gerardi, commise en 1998. Les organisations non gouvernementales de défense des droits humains, les journalistes, les membres de l'appareil judiciaire, les témoins et les personnes qui tentaient de faire traduire en justice les responsables présumés de violences continuaient de se heurter à de nombreux obstacles et d'être la cible de menaces.
Des condamnations à mort ont été prononcées, mais aucune exécution n'a eu lieu. Contexte Lors de son entrée en fonction, au mois de janvier 2000, le président
Alfonso Portillo avait promis la mise en œuvre des accords de paix et le
démantèlement de la structure de pouvoir "parallèle"
qui empêche la protection des droits humains et la poursuite en justice
des personnes soupçonnées d'avoir porté atteinte à
ces droits. Il s'était aussi engagé à abolir le tristement
célèbre Estado Mayor Presidencial (État-major présidentiel),
qui a joué un rôle dans certaines des affaires les plus retentissantes.
Préoccupations internationales Les résolutions adoptées par les mécanismes de surveillance internationaux reflétaient les préoccupations concernant l'aggravation de la situation des droits humains au Guatemala. Des représentants de ces mécanismes se sont rendus dans le pays. Le rapporteur spécial des Nations unies sur l'indépendance des juges et des avocats est allé au Guatemala au mois de mai pour enquêter sur diverses menaces et agressions, dont les homicides commis sur sept avocats entre octobre 2000 et février 2001 et le lynchage d'un juge (voir plus loin). Il n'a constaté aucun progrès sur le front des droits humains et a regretté que le Guatemala n'ait tenu quasiment aucun compte des recommandations formulées après sa visite de 1999. Les défenseurs des droits humains assiégés Des défenseurs des droits humains, des représentants de l'appareil judiciaire, des témoins et des survivants qui intervenaient dans les procédures engagées contre des membres des forces de sécurité soupçonnés de violations des droits fondamentaux recevaient presque chaque jour des menaces de mort et faisaient l'objet de manœuvres d'intimidation. Des militants luttant contre l'impunité ont signalé que d'importantes données leur avaient été volées et ont affirmé avoir été mis sous surveillance électronique ; leurs ordinateurs auraient été piratés. Des sympathisants de l'Asociación Justicia y Reconciliación (AJR, Association justice et réconciliation) et du Centro para la Acción Legal en Derechos Humanos (CALDH, Centre pour la poursuite en justice des responsables de violations des droits fondamentaux) ont été menacés et agressés. En février, des soldats et d'anciens membres des patrouilles civiles qui secondaient les militaires pendant la guerre civile auraient menacé les communautés rassemblées au sein de l'AJR pour dissuader les survivants de témoigner dans le cadre d'une plainte - qui allait finalement être déposée en juin - contre plusieurs membres de l'ancien gouvernement du général Efraín Ríos Montt. Les menaces visaient le personnel du CALDH et les villageois réunissant des éléments de preuve. L'AJR regroupe des survivants de massacres perpétrés sous les gouvernements des généraux Romeo Lucas García (1978-1982) et Ríos Montt (1982-1983). En 2000, avec l'aide du CALDH, cette association avait déposé une première plainte pour génocide contre le général Romeo Lucas García et plusieurs membres de son gouvernement. Au mois d'avril 2001, des membres du CALDH ont été pris à partie par des sympathisants du gouvernement venus dans la capitale pour défier des manifestants qui demandaient que le général Efraín Ríos Montt soit jugé pour avoir illégalement modifié une loi sur la taxation de l'alcool. Au mois de juillet, un dirigeant associatif d'un village qui avait joué un rôle dans la première plainte déposée par l'AJR a été abattu. Au mois de mai, la directrice de l'Asociación Familiares de los Detenidos-Desaparecidos de Guatemala (FAMDEGUA, Association des parents des prisonniers "disparus" au Guatemala) et son chauffeur ont été enlevés pendant une courte durée par des hommes armés, en dépit de la présence de gardes de sécurité chargés d'assurer leur protection à la suite de précédentes agressions. Leurs ravisseurs les ont menacés et les ont interrogés sur les activités de l'association. La FAMDEGUA se bat activement pour que des exhumations soient effectuées et que les auteurs présumés de massacres soient poursuivis en justice. Condamnation dans l'affaire Gerardi En juin, après des pressions prolongées de la communauté internationale, trois militaires accusés du meurtre de Mgr Gerardi ont été reconnus coupables et condamnés à trente ans de réclusion. Le président Portillo avait promis que les responsables présumés seraient déférés à la justice. Cette affaire était considérée comme un test qui permettrait de juger de la capacité du système judiciaire à traiter d'affaires sensibles dans le domaine des droits humains et les verdicts et peines prononcés ont été largement salués. Cependant, les condamnés ont immédiatement interjeté appel et des doutes ont été émis quant à leur culpabilité. La procédure engagée contre d'autres militaires qui auraient également joué un rôle dans le meurtre était toujours en instance. La recherche de la justice a coûté très cher dans cette affaire : trois témoins ont été tués, de même que six témoins potentiels (des sans-abri qui dormaient près du domicile de l'évêque la nuit du meurtre). Les avocats, procureurs et juges ayant participé à la procédure ont été menacés et harcelés, ainsi que des dizaines d'autres personnes, dont le personnel de l'Oficina de Derechos Humanos del Arzobispado de Guatemala (ODHAG, Service des droits humains de l'archevêché du Guatemala). Ce Service, autrefois dirigé par Mgr Gerardi, est à l'origine du rapport exhaustif préparé par ce dernier sur les atteintes aux droits humains perpétrées pendant le conflit. Plusieurs personnes, y compris trois procureurs, ont dû quitter le pays. Requêtes auprès du système interaméricain de protection des droits humains Des organisations et des particuliers se sont adressés aux organes interaméricains de protection des droits humains pour obtenir réparation et pour que le gouvernement du Guatemala reconnaisse les violations commises. En 2000, dans le cadre de "règlements amiables" conclu sous l'égide de la Commission interaméricaine des droits de l'homme entre des requérants et les autorités guatémaltèques, ces dernières avaient admis la responsabilité généralisée de l'État dans ces violences. En mai, le gouvernement a démis de ses fonctions la personne qui avait négocié ces règlements auprès de la Commission; par la suite, il a également renvoyé son remplaçant. Ces deux limogeages semblaient montrer que l'armée désapprouvait ces règlements, bien qu'ils n'aient pas aidé, dans la plupart des cas, à déférer les responsables présumés aux tribunaux guatémaltèques ni à obtenir le versement en temps voulu des indemnisations prévues. LE MASSACRE DE LAS DOS ERRES
MYRNA MACK
Compétence universelle de l'Espagne En 2001, la Fondation Rigoberta Menchu attendait l'issue de son recours contre l'arrêt rendu en décembre 2000 par l'Audience nationale espagnole. Celle-ci s'était déclarée incompétente pour examiner la plainte pour génocide et autres crimes contre l'humanité déposée en 1999 par la Fondation contre huit anciens militaires guatémaltèques, dont le général Ríos Montt. Le Prix Nobel Rigoberta Menchú et ses collègues ont déclaré avoir fait l'objet de menaces de mort et d'autres manœuvres de harcèlement depuis le dépôt de cette plainte. Violences liées à des affaires de corruption Des journalistes qui couvraient des affaires de corruption ont été pris pour cible, de même que le personnel d'agences officielles de protection de l'environnement et des ressources naturelles. L'impunité généralisée a encouragé des collusions entre des hauts responsables, des hommes d'affaires, des membres des forces de sécurité et des criminels ordinaires souhaitant contrôler diverses industries légales et illégales: extraction et raffinage de pétrole, trafic d'armes et de stupéfiants, blanchiment d'argent, réseaux organisés de vol de voitures, adoptions illégales, enlèvements et demandes de rançon, exploitation forestière illégale et autres utilisations prohibées d'espaces nationaux protégés. Au mois de février, un employé de l'Institut national des forêts a été abattu dans le département d'Alta Verapaz, apparemment en représailles à ses efforts pour contrôler l'exploitation forestière illégale et la contrebande de bois précieux protégés. Lynchages Selon la Mission de vérification des Nations unies au Guatemala, 347 personnes auraient été lynchées entre 1996 et la mi-2001. Dans plus de 97 p. cent des cas, les auteurs présumés n'ont pas été poursuivis. L'inquiétude suscitée par la montée en flèche de la criminalité a souvent amené la population à se faire justice pour éliminer les délinquants présumés. Dans certains cas, cependant, des lynchages "spontanés" auraient pu être ordonnés et planifiés pour d'autres raisons. En mars, le juge Álvaro Hugo Martínez a été lynché à Alta Verapaz, apparemment parce qu'il enquêtait sur la corruption locale et tentait de prendre des mesures de répression contre des réseaux de voleurs de voiture contrôlés par de puissantes personnalités locales et nationales. Visites d'Amnesty International Des délégués d'Amnesty International se sont rendus au Guatemala aux mois de mai et de juin pour y recueillir des informations relatives aux droits humains, faire part de leurs préoccupations aux représentants de l'État et manifester leur soutien à tous ceux qui s'efforcent de lutter contre l'impunité, envers et contre tout. Dans le cadre de son projet d'observation des procès au Guatemala, Amnesty International a suivi la procédure judiciaire relative au meurtre de Mgr Gerardi. Vous pouvez réagir à cet article sur notre forum
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