Guatemala: le conservateur Oscar Berger élu présidentUn défi en suspens: l'application des accords de paix qui ont clôturé la guerre civile
Plus de la moitié des électeurs inscrits ont ignoré les urnes. La convocation du second tour de la présidentielle en pleines fêtes de fin d'année explique partiellement une abstention de 53%. Elle est due aussi à l'obtention dès le premier tour, le 9 novembre avec une participation de 58%, d'un résultat essentiel souhaité par la majorité des Guatémaltèques: l'élimination de l'ex-dictateur et général Efrain Rios Montt, accusé de massacres après un coup d'Etat en 1982 et qui tentait un come-back en s'appuyant sur le gouvernement sortant dominé par le parti populiste qu'il a fondé, le Front républicain guatémaltèque (FRG). Oscar Berger sera investi le 14 janvier prochain pour un mandat de quatre ans. Il succédera à Alfonso Portillo, élu en 1996 comme candidat du FRG de Rios Montt. Ovationné au soir de son triomphe par des milliers de partisans devant le siège électoral de la GANA, Oscar Berger a lancé un appel à l'unité de tous les secteurs pour combattre la pauvreté, la corruption et l'insécurité et faire progresser le Guatemala. Il a même invité son adversaire Alvaro Colom à se joindre à l'équipe gouvernementale. Représentant de l'oligarchie industrielle et terrienne qui a financé sa campagne électorale, Oscar Berger, 57 ans, facilitera la mise en oeuvre de l'accord de libre-échange que le Guatemala, le Salvador, le Nicaragua et le Honduras ont conclu le 17 décembre dernier avec les Etats-Unis. Le Costa Rica pourrait rejoindre cet accord, le CAFTA (Central American Free Trade Agreement), qui sera soumis au Congrès de Washington au début de 2004. Malmenée sous la présidence sortante d'Alfonso Portillo, l'application des accords de paix qui mirent fin en 1996 à la longue guerre civile guatémaltèque est l'un des principaux défis à relever par Oscar Berger. Signés par le gouvernement et l'ex-guérilla, ces accords prévoient des mesures politiques, sociales, économiques, juridiques et culturelles pour surmonter les causes originelles du conflit. Il s'agit de l'unique projet, théoriquement toujours en vigueur, ayant fait l'objet d'un consensus national. Au cours de la campagne électorale, tant Oscar Berger qu'Alvaro Colom affirmèrent que les accords de paix seraient l'axe de leur gestion, sans préciser toutefois quelles mesures concrètes faciliteraient leur application. Selon Adrian Zapata, leader de l'ex-guérilla Union révolutionnaire nationale guatémaltèque (URNG), le principal obstacle serait l'obtention de ressources économiques et financières. Des observateurs notent à ce propos que les milieux patronaux qui soutiennent Oscar Berger sont hostiles à toute réforme fiscale qui les pénaliserait. Par ailleurs, faire approuver de nouvelles lois devrait être pour Oscar Berger une barrière souvent difficile à franchir, aucune formation ne disposant de la majorité absolue au Parlement guatémaltèque issu des élections nationales du 9 novembre. La GANA de Berger ne compte que 47 députés sur 158 et l'UNE de Colom 32. Compliquant l'échiquier politique, le FRG de Rios Montt a réussi, avec 43 élus, à être la deuxième force parlementaire. L'ex-dictateur pourrait donc jouer un rôle d'arbitre, l'utilisant éventuellement pour tenter d'échapper à des poursuites judiciaires pour "génocide" lorsqu'il perdra, en janvier, l'immunité associée à son statut de président (sortant) du Congrès. "Aucun Guatémaltèque n'a grand espoir en une amélioration des choses avec le prochain gouvernement, quel que soit le vainqueur" estimait en votant dimanche l'Amérindienne Rigoberta Menchu, prix Nobel de la Paix 1992. En ce lundi 29 décembre, jour du 7e anniversaire des accords de paix, la pauvreté et la discrimination frappant les autochtones, deux des principales causes de la guerre civile, demeurent une réalité. La fin des affrontements armés et l'ouverture, y compris à l'ancienne guérilla, de la participation politique sont des acquis importants, mais le dernier rapport de la Mission des Nations unies au Guatemala (MINUGUA) regrette qu'ils soient "éclipsés" par "l'insécurité, la corruption, l'impunité, l'ingérence de l'armée, l'ambiance d'intimidation, la détérioration des droits humains et la discrimination des indigènes". Vous pouvez réagir à cet article sur notre forum
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