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France - Mexique: transfèrement de Florence Cassez compliqué par des réserves à la Convention de Strasbourg
par Christian GALLOY
MEXICO / MADRID, mardi 10 mars 2009 (LatinReporters.com) - La Convention de Strasbourg de 1983 sur le transfèrement vers leur pays des personnes condamnées, dont le président français Nicolas Sarkozy a réclamé le 9 mars à Mexico l'application
au profit de sa compatriote Florence Cassez, est assortie de déclarations d'interprétation
ou réserves annexes. Elles compliquent le transfèrement de la
Française, condamnée à 60 ans de prison par la justice
mexicaine pour complicité d'enlèvements qu'elle nie.
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Florence Cassez lors de son arrestation au Mexique, en décembre 2005. (Photo d'archives - El Universal) |
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Ces déclarations annexes à la Convention, qui pourraient notamment
empêcher la France de convertir la condamnation de Florence Cassez
en une peine moins lourde adaptée à la législation française,
sont peut-être le principal casse-tête juridique posé à
la commission binationale de juristes français et mexicains qui doit
répondre dans un délai de trois semaines à la
demande de transfèrement exprimée par Nicolas Sarkozy.
Devant la presse, le président Sarkozy et son homologue mexicain,
le conservateur Felipe Calderon, ont promis lundi à Mexico de se soumettre
à la décision de cette commission. Laisser la France codécider
dans une affaire ne relevant en principe que de la justice mexicaine est
une concession étonnante. Elle a pour contrepartie des contrats élargissant
la coopération et les investissements français, mais elle vaut
au président mexicain un tollé de son opinion publique. En
témoignent, sous le titre "Honte nationale", ces premières
lignes de l'éditorial publié le 10 mars par l'influent quotidien
de gauche La Jornada: "En installant une commission binationale pour réviser le cas de la ravisseuse française Florence Cassez, le gouvernement mexicain s'est plié
à la logique raciste et discriminatoire imposée par le président
français, Nicolas Sarkozy, et a établi un statut privilégié
absolument inacceptable dans le cadre légal de notre pays au détriment
des citoyens mexicains".
A moins de 4 mois d'élections législatives qui renouvelleront
le 5 juillet au Mexique la totalité des députés (le
sort des sénateurs se jouera en 2012) et alors que le pays est traumatisé
par la violence meurtrière des cartels de la drogue et par une vague
de quelque 8.000 enlèvements par an, Felipe Calderon n'a pu dissimuler
entièrement l'embarras dans lequel le plonge la perspective, qu'il ne rejette pourtant pas,
d'un transfèrement de Florence Cassez vers la France.
Lors de la conférence de presse commune avec Nicolas Sarkozy,
le président mexicain s'est déclaré "préoccupé"
par une réserve annexe de la France à la Convention de Strasbourg.
Paris, a noté Felipe Calderon, s'y octroie le droit de "révoquer,
modifier, réduire ou même annuler les sentences" qui pourraient
avoir été prononcées par des tribunaux étrangers
contre des Français ensuite rapatriés.
Le président Calderon se référait probablement à
cette déclaration d'interprétation annexée par la France à son instrument
d'adhésion à la Convention de Strasbourg: "La France interprète
le paragraphe 3 de l'article 9 et le paragraphe 1 de l'article 10 comme signifiant
que l'Etat d'exécution [l'Etat d'origine du détenu rapatrié,
dans lequel se poursuivra l'exécution de la peine prononcée
à l'étranger; ndlr] est seul compétent pour prendre
à l'égard du condamné détenu les décisions
de suspension et de réduction de peine, et pour déterminer
toutes les autres modalités d'exécution de la peine, sans que
soient remises en cause, dans leur principe, la nature juridique et la durée
de la sanction prononcée par la juridiction de l'Etat de condamnation."
(1)
Ce droit que se réserve la France, elle semble le dénier au moins partiellement aux
autres par cette déclaration qui suit la précédente:
"Par ailleurs la France indique que conformément à l'article
3, 3, de la convention, elle entend exclure l'application de la procédure
prévue à l'article 9, 1, b, dans ses relations avec les autres
parties". (2) Cela signifie que s'il revenait à
la France de transférer un étranger condamné par la
justice française afin qu'il purge sa peine dans son pays d'origine,
ce pays ne pourrait pas appliquer sa propre législation pour "convertir
la condamnation".
Mais la même réserve vise le même article 9, 1, b dans
l'instrument d'adhésion du Mexique à la Convention de Strasbourg.
"Il ne sera pas applicable si c'est le gouvernement mexicain qui est l'Etat
répondant favorablement à une demande" indique en effet
une déclaration annexe mexicaine. (3) Réduire
à 20 ans ou moins encore, comme l'ont envisagé des médias
français, la peine de 60 ans de Florence Cassez après
son éventuel transfèrement en France contredirait donc l'interprétation
mexicaine de la Convention de Strasbourg. La France est mal placée
pour s'en plaindre, son interprétation de l'article 9, 1, b étant comme on l'a vu
similaire à celle du Mexique.
Curieusement, ni Paris ni Mexico n'ont limité la portée de
l'article 12 de la Convention de Strasbourg. Il est pourtant spectaculaire:
"Chaque partie [l'Etat qui transfère le détenu et son
Etat d'origine où devrait se poursuivre l'exécution de la peine;
ndlr] peut accorder la grâce, l'amnistie ou la commutation de la
peine conformément à sa Constitution ou à ses autres
règles juridiques". (4)
On est tenté d'en déduire que si les privilèges des magistrats semblent
endigués, ceux du Prince sont par contre maintenus entiers. Un juge
de Paris ou de Lille serait peut être empêché de réduire
la peine de Florence Cassez si elle était transférée.
Par contre, le président Sarkozy pourrait la gracier. Il s'est sagement
gardé de le rappeler en assurant lundi les Mexicains de sa solidarité
contre l'impunité et en les priant de "faire confiance à la
justice française"...
Bref, du beau grain à moudre pour la commission binationale de juristes, tout en prenant
garde au sang chaud mexicain. Pour l'heure, face aux remous de l'opinion de leurs administrés
respectifs, mieux vaut être Sarkozy que Calderon.
[1] Voir dernière page du Décret portant publication de la Convention sur le transfèrement des personnes condamnées au Journal officiel de la République française.
[2] Voir dernière page du Décret portant publication de la Convention sur le transfèrement des personnes condamnées au Journal officiel de la République française.
[3] Voir Notification d'adhésion du Mexique à la Convention sur le transfèrement des personnes condamnées.
[4] Voir Convention sur le transfèrement des personnes condamnées, Strasbourg 21 mars 1983- Texte officiel.
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