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Réaction aux déclarations du président français Nicolas Sarkozy
Affaire Cassez - Mexico se retire de l'Année du Mexique en France (communiqué intégral)
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Sourires relativement proches dans le temps, mais diplomatiquement déjà
très lointains : le président français Nicolas Sarkozy
et son homologue mexicain Felipe Calderon, accompagnés de leurs épouses
respectives, Carla Bruni et Margarita Zavala, le 9 mars 2009 à Mexico. (Photo Presidencia de la
República) |
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MEXICO, mercredi 16 février 2011 (LatinReporters.com) - "Au vu
des déclarations du président Nicolas Sarkozy, le gouvernement
du Mexique considère que les conditions pour que l'Année du
Mexique en France ait lieu de façon appropriée (...) ne sont
pas réunies" affirme le ministère mexicain des Affaires
étrangères, annonçant cette annulation ou peut-être seulement
suspension dans un communiqué daté du lundi 14 février.
Ce jour-là, le président français Nicolas Sarkozy avait
décidé de maintenir l'Année du Mexique en France, mais
en la dédiant à la Française Florence Cassez, emprisonnée
au Mexique depuis décembre 2005.
La justice mexicaine a rejeté le 10 février le pourvoi en cassation
de Florence Cassez, âgée de 36 ans, et confirmé sa condamnation
à 60 ans de prison pour enlèvements, port d'armes et participation
à des actes de délinquance organisée. Ce verdict a fait
éclater une crise diplomatique, la ministre française des Affaires
étrangères, Michèle Alliot-Marie, dénonçant
un "déni de justice", qui "va peser sur nos relations bilatérales",
et le président Sarkozy stigmatisant "certains dirigeants"
mexicains.
Le chef de l'État français et la ministre Alliot-Marie estiment
que de graves irrégularités ont entouré la condamnation
de Florence Cassez et ils réclament à nouveau son transfèrement
en France en invoquant la Convention
de Strasbourg sur le transfèrement des personnes condamnées. L'application
de cette convention, dont le Mexique est signataire, permettrait théoriquement que Florence
Cassez puisse purger en France sa peine, dont la durée serait nécessairement
réduite par son adaptation à la législation française,
une éventuelle grâce présidentielle n'étant en
outre pas exclue.
Contradictions de Nicolas Sarkozy
Dans son communiqué, le ministère mexicain des Affaires étrangères
rappelle que la Convention de Strasbourg, qui repose sur le consensus
des États concernés [selon son article 3.1.f. - NDLR] "n'oblige en aucune façon l'État
requis de consentir à une demande de transfèrement".
Lundi, Nicolas Sarkozy prétendait, en contradiction avec le texte de la convention,
que "quelqu'un qui est condamné définitivement doit être
transféré". En outre, en rappelant la condition de condamnation définitive,
le président français s'enfonçait davantage dans la contradiction, puisqu'il
réclamait déjà le transfèrement de Florence Cassez en mars
2009, soit quasi deux ans avant le rejet de son pourvoi en cassation, le 10 février dernier.
Le communiqué officiel mexicain ajoute que "les conditions permettant d'autoriser
un transfèrement de Florence Cassez en France, comme prévu par
la Convention de Strasbourg, n'existent pas, en raison d'importants différends
entre les systèmes juridiques des deux pays".
[NDLR - En déposant en juillet 2007 l'instrument de son adhésion
à la Convention de Strasbourg,
le
Mexique consignait 4 déclarations interprétatives
dans cet instrument. La 3e dit que "L'article 9, paragraphe 1, alinéa
b, ne sera pas applicable si c'est le gouvernement mexicain qui est l'État
répondant favorablement à une demande".
Cela signifie que le Mexique refuse qu'un condamné dont il accepterait
le transfèrement vers son pays d'origine (la France dans le cas de
Florence Cassez) puisse jouir de l'adaptation de sa peine à la législation
de ce pays d'origine.
Le Mexique veut ainsi s'assurer que, conformément à ses lois, la peine
prononcée pour les délits les plus graves (y compris ceux pour lesquels a
été condamnée Florence Cassez) ne soit pas réduite, en l'occurrence
par l'application d'une législation moins sévère.
Sur ce point, Mexico n'a effectivement reçu aucune assurance de la France, ouvertement
décidée, au contraire, à adapter à sa législation la peine de
Mademoiselle Cassez si elle était transférée. Sa peine de 60 ans de prison est
atypique en démocratie, quoique le Mexique en soit une.]
Une phrase du communiqué officiel mexicain est particulièrement
cinglante : "Il est réellement surprenant qu'un chef d'État
prenne une décision de politique étrangère qui affecte
les relations entre deux peuples et gouvernements en consultation avec une
personne condamnée par la justice mexicaine pour des délits
de nature particulièrement grave."
Le 14 février, Nicolas
Sarkozy avait affirmé avoir parlé "longuement" au téléphone
avec Florence Cassez [qui jouit largement de cette facilité dans sa prison mexicaine - NDLR]
avant de décider de maintenir l'Année du Mexique en France, dont les parents de la
détenue réclamaient l'annulation, mais en la dédiant donc à la
prisonnière française.
L'Année du Mexique devait être célébrée
jusqu'à fin 2011 à travers plus de 360 manifestations, dont
plusieurs grandes expositions et événements culturels, scientifiques
et économiques. L'ambassadeur du Mexique à Paris, Carlos de
Icaza, laisse la porte très légèrement entrouverte.
Selon lui, son pays pourrait revenir sur sa décision, à condition
que les autorités françaises renoncent à lier l'Année
du Mexique à l'affaire Cassez.
Texte intégral du communiqué diffusé en espagnol
et en français par le Ministère mexicain des Affaires étrangères
(dont l'appellation officielle est Secrétariat aux Relations extérieures) :
Source : http://www.sre.gob.mx/csocial/contenido/comunicados/2011/feb/cp_043.html
POSITION DU GOUVERNEMENT MEXICAIN SUR LES DÉCLARATIONS FORMULÉES
PAR LE CHEF DE L'ÉTAT FRANÇAIS, NICOLAS SARKOZY
Lundi 14 février 2011 | Communiqué # 043 | Mexico, D.F.
Le ministère des Affaires étrangères du Mexique a bien
pris note des déclarations formulées par le chef de l'État
français sur le verdict de la justice mexicaine confirmant la condamnation
de la citoyenne française Florence Cassez, ainsi que de la tenue de
l'Année du Mexique en France.
La position du gouvernement du Mexique par rapport au procès de Florence
Cassez est notoire. L'affaire a été jugée : il existe
une sentence définitive prononcée par un pouvoir autonome qui
a toujours procédé conformément au droit.
Le Mexique a travaillé de façon constante, et continuera à
le faire, pour consolider l'état de droit dans le pays et n'est pas
disposé à négocier sa validité, quel que soit
le dossier.
L'enlèvement est un délit violent. Ceux qui le commettent
non seulement privent leurs victimes d'un droit fondamental, comme celui
de la liberté, mais ils ont également recours à la torture
physique et psychologique pour atteindre leurs objectifs.
Les séquelles de ce crime accompagnent pendant de nombreuses années
ceux qui se sont trouvés entre les mains de ravisseurs. Il s'agit d'un
délit qui s'est propagé ces dernières années et
qui offense profondément la société mexicaine, raison
pour laquelle il a été et sera combattu avec force.
Lors du procès de Florence Cassez, il a été démontré
sa culpabilité. Son dossier comporte des déclarations des victimes
et des témoins, ainsi que des pièces judiciaires qui ont prouvé
sa responsabilité pénale.
Le juge de première instance et le tribunal unitaire qui a jugé
le recours en appel ont examiné les preuves qui figurent dans son dossier.
La légalité du procès a été confirmée
à l'unanimité par le Septième tribunal collégial
en matière pénale du premier circuit lors du jugement du recours
en cassation (« amparo ») prononcé le 10 février
dernier.
En 2009, le gouvernement du Mexique a annoncé que les conditions
permettant d'autoriser un transfèrement de Florence Cassez en France,
comme prévu par la Convention de Strasbourg, n'existaient pas, en
raison d'importants différends entre les systèmes juridiques
des deux pays.
La Convention de Strasbourg n'oblige en aucune façon l'État
requis de consentir à une demande de transfèrement.
Le gouvernement du Mexique déplore profondément qu'un cas
d'ordre strictement pénal soit lié aux relations entre deux
nations qui ont maintenu une longue histoire d'amitié et une profonde
affinité de valeurs.
Il est réellement surprenant qu'un chef d'État prenne une
décision de politique étrangère qui affecte les relations
entre deux peuples et gouvernements en consultation avec une personne condamnée
par la justice mexicaine pour des délits de nature particulièrement
grave.
L'organisation de l'Année du Mexique en France a été
une expression de l'amitié et de l'affinité entre les deux pays
et a été mise en place sur invitation du Président de
la République française.
Il s'agit d'un vaste programme d'activités qui a été
planifié et qui devrait être réalisé conjointement
par les deux gouvernements, avec la participation de nombreuses organisations
et de personnalités tant mexicaines que françaises.
Ce grand projet a eu, dès sa conception, pour objectif de rapprocher
les peuples du Mexique et de la France, et il ne serait pas possible de le
mener à bien sans une étroite collaboration entre les autorités
des deux pays.
Utiliser l'Année du Mexique en France pour que dans chacune de ses
activités soit mentionné le cas de Florence Cassez, comme l'a
indiqué le président Nicolas Sarkozy, va à l'encontre
de la Déclaration conjointe Mexique-France souscrite en septembre 2010.
Dans cette Déclaration, les deux gouvernements sont convenus de réaliser
l'Année du Mexique en France pour « permettre au public français
de connaître la diversité et la richesse du patrimoine culturel
du Mexique et son dynamisme créatif ».
Une fin différente de celle établie à l'origine
éloigne la France de l'objectif sur lequel les deux gouvernements
ont décidé de coopérer dans l'intérêt de
leurs peuples.
Le gouvernement du Mexique ne permettra pas que les artistes et créateurs,
ainsi que les chefs d'entreprise et autres participants à ce programme,
soient exposés à des manifestations contraires à la finalité
pour laquelle ils ont été convoqués au départ
et qui empêcheraient la bonne appréciation de leurs oeuvres
et de leurs contributions.
Au vu des déclarations du président Nicolas Sarkozy, le gouvernement
du Mexique considère que les conditions pour que l'Année du
Mexique en France ait lieu de façon appropriée et selon les
modalités fixées lors de sa mise en place ne sont pas réunies.
Le gouvernement du Mexique regrette profondément que soit dénaturé
un projet qui permettrait à un peuple, dont l'énorme tradition
culturelle et artistique est reconnue tout comme l'intérêt qu'il
porte aux manifestations créatives dans le monde, de se rapprocher
de la richesse et de la diversité du Mexique.
Tant que les conditions indispensables au déroulement de l'Année
du Mexique en France, conformément aux termes accordés pour
sa réalisation, ne seront pas réunies, le gouvernement du Mexique
sera malheureusement dans l'impossibilité de participer aux activités.
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SARKOZY vu par la presse française :
"ÉLÉPHANT DANS UN MAGASIN DE PORCELAINE"
PARIS, mercredi 16 février 2011 -
Cités par l'AFP, les éditorialistes français critiquent
mercredi avec un bel ensemble les "cafouillages" et "bredouillements"
contre-productifs de la diplomatie française dans l'affaire Cassez,
allant jusqu'à accuser Nicolas Sarkozy de s'être comporté
"comme un éléphant dans un magasin de porcelaine".
"En dédiant cette manifestation à Mme Cassez, M. Sarkozy ne
pouvait ignorer qu'il allait provoquer le retrait du Mexique", selon l'éditorialiste
du Monde qui se demande si M. Sarkozy, "plus justicier que diplomate", a
eu "raison de transformer, lui aussi, une affaire particulière en
affaire d'État ?"
Pour Jean-Marcel Bouguereau, l'éditorialiste de La République
des Pyrénées, "Sarkozy a agi comme un éléphant
dans un magasin de porcelaine". "En 24 heures, il s'est mis à dos
tout un pays!"
Daniel Ruiz, dans le Journal La Montagne, déplore lui aussi que "décidément
les tenants de notre politique extérieure n'en finissent plus de se
prendre les pieds dans le tapis." "Cette affaire du Mexique dans laquelle,
une fois encore, la France a réagi à l'émotion, ne fait
qu'enchaîner avec nos bredouillements dans les révolutions arabes,
notre brouille avec les Chinois, ou la vente ratée du Rafale à
notre ami Lula", estime l'éditorialiste.
"Une politique de l'émotion est-elle viable?" s'interroge Gérard
Noël dans Vosges Matin. "La diplomatie à la hussarde avec menaces
de représailles n'aboutit jamais aux résultats escomptés",
juge l'éditorialiste lorrain.
"S'adresser au président mexicain comme s'il s'agissait d'un vulgaire
préfet français ne pouvait être que contre-productif,
surtout dans un pays qui garde encore le souvenir de l'expédition
lancée par Napoléon III pour installer un prince autrichien
sur le trône du Mexique", estime pour sa part Bruno Dive dans Sud-Ouest,
tandis que Gilles Debernardi (Dauphiné Libéré) ironise:
"On dirait l'histoire du "pavé de l'ours, à la sauce chili
con carne." "Au lieu d'une attaque frontale, l'Élysée aurait quand
même pu réagir par les voies diplomatiques. La finesse et l'humilité
ne nuisent pas, parfois", assène l'éditorialiste.
Michel Vagner (L'Est Républicain) critique lui aussi "une infructueuse
stratégie du bulldozer" du président Sarkozy contre son homologue
Felipe Calderon, tandis que Philippe Waucampt, dans Le Républicain
Lorrain, stigmatise "la diplomatie d'opérette de ces dernières
années". "Il est évident qu'on ne traite pas un pays comme
le Mexique avec une désinvolture de garçons de bain", juge-t-il.
Seul Laurent Joffrin, dans Libération, trouve quelques excuses à
la diplomatie française, vu les "graves irrégularités"
de la procédure: "On peut difficilement reprocher au président
Sarkozy de s'intéresser de près au sort d'une de ses compatriotes
condamnée dans des conditions contestables dans un pays étranger"
juge-t-il, même si "on peut ensuite discuter à perte de vue
sur la meilleure manière de le faire."
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