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Essoufflement de la gauche modérée en Amérique latine?
Panama: l'anti-Chavez Martinelli favori de l'élection présidentielle
PANAMA, dimanche 3 mai 2009 (LatinReporters.com) - "Il ne m'inspire
pas du tout" dit le milliardaire panaméen Ricardo Martinelli à propos du président
vénézuélien Hugo Chavez, chef de file de la gauche radicale en Amérique
latine. Par contre, le président conservateur de la Colombie voisine, Alvaro
Uribe, est à ses yeux "un grand type". Ricardo Martinelli étant
le net favori de l'élection présidentielle, le Panama social-démocrate
pourrait mettre sans complexe ce dimanche le cap à droite.
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La sociale-démocrate Balbina Herrera et
le milliardaire Ricardo Martinelli, favori de l'élection présidentielle,
se saluent avant un débat télévisé. (Panama,
mars 2009, photo Jean Carlos Espino) |
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A noter qu'au Chili, pays symbolique s'il en est de la nouvelle gauche latino-américaine,
les sondages actuels, peut-être prématurés, pronostiquent
pour l'élection présidentielle du 11 décembre la victoire
d'un autre milliardaire, Sebastian Piñera. Et au Brésil du
socialiste Luiz Inacio Lula da Silva, la droite a également le vent
en poupe, du moins provisoirement, pour la présidentielle
de 2010. Premiers signes d'essoufflement dans l'ample course à gauche entamée par
l'Amérique latine il y a une décennie?
Si c'était le cas, il faudrait aussitôt préciser que
le Panama, le Chili et le Brésil relèvent de ce qu'il est convenu
d'appeler la gauche modérée et que la gauche radicale, elle,
maintient le rythme. Les présidents Evo Morales (Bolivie), Hugo Chavez
(Venezuela) et Rafael Correa (Equateur) ont en effet largement dominé
en ce début 2009 leurs derniers rendez-vous avec les urnes.
Aux correspondants de la presse étrangère, Ricardo Martinelli,
57 ans, disait le 1er mai "Je ne suis ni de gauche ni de droite", mais plutôt
partisan de "politiques concrètes" pour en finir avec la pauvreté
et la corruption. Néanmoins, la carte de visite du milliardaire n'est
pas neutre. Il préside les Supermarchés 99, la Centrale sucrière
La Victoria, la fabrique de plastiques Plastigol et la société
d'importations Ricamar. Il dirige aussi Gold Mills de Panama, Global Bank,
Panasal S.A., Televisora Nacional de Panama, Direct TV, Desarrollo Norte
S.A., etc. Certains l'appellent le Berlusconi panaméen.
Maintenir "les excellentes relations" avec les deux principaux investisseurs
étrangers au Panama, "la mère patrie" (l'Espagne) et les Etats-Unis,
domine la vision internationale du favori de la présidentielle et
de sa coalition Alliance pour le changement (AC).
Ricardo Martinelli est crédité dans le dernier sondage de 55%
des intentions de votes, contre 41% à la sociale-démocrate Balbina
Herrera et 4% à l'ex-président conservateur Guillermo Endara.
Outre leur président, les 2,2 millions d'électeurs panaméens,
sur un total de 3,4 millions d'habitants, éliront aussi les 71 députés
de l'Assemblée nationale, ainsi que leurs maires et conseillers municipaux.
Le mandat de tous les élus sera de cinq ans.
Métisse née dans un quartier marginal, fille d'une femme de
ménage, poussée vers la politique par un nationalisme teinté
d'antiaméricanisme, ex-ministre du Logement du président sortant
Martin Torrijos
(fils du défunt général dictateur Omar
Torrijos) et présidente du Parti révolutionnaire démocratique
(PRD) actuellement au pouvoir, Balbina Herrera, ingénieur agronome
de 54 ans, est théoriquement l'antithèse de Ricardo Martinelli.
D'autant qu'elle représente la gauche de ce PRD affilié à
l'Internationale socialiste.
Mais elle défend le libre marché, ne s'oppose pas à
l'accord de libre-échange avec les Etats-Unis et s'accommode de la
prédominance du dollar, aussi légal au Panama que la monnaie
officielle, le balboa. Malgré la pauvreté qui frappe encore
30% de la population, une réalité qui favorise le changement prôné par
Ricardo Martinelli, la politique semble en fait avoir du mal à s'ancrer
résolument à gauche dans un pays dont les trois quarts
du PIB (produit intérieur brut) sont assurés par les services
bancaires, commerciaux, touristiques et maritimes.
Grâce surtout à son célèbre
canal
qui relie stratégiquement les océans Atlantique et Pacifique, canal en plein travaux d'élargissement,
le Panama est la plus puissante économie et le plus important centre
financier d'Amérique centrale. Son taux de croissance moyen au cours
des cinq ans de la législature sortante est proche de 9%. Malgré
la crise planétaire globale, il devrait surpasser 4% en 2009. Le PIB
par habitant, 6.406 dollars (estimation 2008), est le plus élevé
de la région. Il n'empêche que lors du défilé
du 1er mai, à Panama City, des pancartes portées par les travailleurs
clamaient "Le pays se porte bien, mais nous allons mal".
Pourquoi Balbina Herrera est-elle dominée dans les sondages par le
milliardaire Ricardo Martinelli? Pour ses "péchés du passé"
répond, interrogé par l'agence espagnole EFE, le cardiologue
et chroniqueur politique Daniel Pichel. Selon lui, la candidate du PRD est
"un visage du gouvernement de la dictature et le Panama ne l'a pas oublié".
Contrairement au président sortant Martin Torrijos, héritier
de la popularité de son père qui négocia avec le président
américain Jimmy Carter la restitution du canal de Panama, Balbina
Herrera serait en effet identifiée au secteur "noriéguiste"
du PRD. Elle soutint le général Manuel Noriega, homme fort
du pays après la mort de Torrijos-père. Sans être constitutionnellement
chef de l'Etat, Noriega exerça de facto un pouvoir dictatorial. Allié
des Etats-Unis pendant la guerre froide, il tomba en disgrâce à
Washington pour son implication dans le trafic de stupéfiants.
Expulsé du pouvoir en 1989 par l'armée américaine, l'ex-général
fut condamné et emprisonné aux Etats-Unis. Sa peine s'est achevée
le 9 septembre 2008, mais Noriega, âgé de 73 ans, est maintenu
en détention en Floride dans l'attente de l'octroi ou non de son extradition
en France. Il est accusé d'avoir déposé dans les
années 1980, sur des comptes de banques françaises, environ
3,15 millions de dollars issus du trafic de cocaïne.
Il y a un an, "il était impensable de croire que le PRD pourrait perdre
les élections, mais ce parti s'est tiré un coup de feu dans
la tempe en choisissant Balbina [comme candidate à la présidence
du Panama]" estime Roberto Eisenman, journaliste et fondateur du quotidien
panaméen La Prensa. Lui aussi croit que la candidate du PRD est victime
de son image "noriéguiste".
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LE PANAMA VIRE À DROITE
Ricardo Martinelli élu président
PANAMA, lundi 4 mai 2009 (LatinReporters) - La victoire du milliardaire Ricardo
Martinelli, candidat de l'Alliance pour le changement (droite) à l'élection
présidentielle du 3 mai au Panama, lui a été communiquée
officiellement dimanche soir par le Tribunal électoral.
Après cinq ans de présidence du social-démocrate Martin
Torrijos, le Panama ne devrait donc plus être considéré
comme relevant du camp de la gauche modérée latino-américaine.
C'est par un appel téléphonique, retransmis par la télévision
à l'ensemble du pays qu'un magistrat du Tribunal électoral,
Erasmo Pinilla, a annoncé son triomphe à Ricardo Martinelli.
"En fonction des données dont il dispose, le Tribunal électoral
vous considère comme le vainqueur des élections" a dit le magistrat.
"Je remercie le peuple panaméen et je l'assure que je formerai un
gouvernement d'unité nationale" a déclaré Ricardo Martinelli
lors de la brève conversation téléphonique.
Lundi à 01h15 GMT, après dépouillement de 79,60% des
bulletins de vote, Ricardo Martinelli était crédité
de 60,59% des suffrages, contre 36,99% à sa principale rivale, la
sociale-démocrate Balbina Herrera, présidente du Parti révolutionnaire
démocratique (PRD) du président sortant Martin Torrijos. Un
3e candidat, l'ex-président conservateur Guillermo Endara, n'obtenait
que 2,42% des voix. La participation au scrutin était de 73,65%.
Au vu de ces résultats, des analystes n'écartent pas l'hypothèse
d'un premier signe d'essoufflement de la gauche modérée en
Amérique latine. Au Chili, autre tenant de la social-démocratie,
des sondages pour l'élection présidentielle du 11 décembre
pronostiquent une autre victoire de la droite conduite par un autre milliardaire,
Sebastian Piñera. La gauche radicale, elle, ne fléchit pas.
Les présidents Evo Morales (Bolivie), Hugo Chavez (Venezuela) et Rafael
Correa (Equateur) ont en effet largement dominé en ce début
2009 leurs derniers rendez-vous avec les urnes.
Au cours de sa campagne électorale, Ricardo Martinelli avait promis
de baisser le prix des aliments de base, une retraite de 100 dollars mensuels
pour les plus de 70 ans qui n'ont pas d'assurance privée et la construction
d'un métro qui mettrait fin aux problèmes de circulation dans
la capitale. Il assurait aussi qu'il contrôlerait les dépenses
publiques et jetterait en prison les corrompus.
"Je ne suis ni de gauche ni de droite", mais plutôt partisan de "politiques
concrètes" pour en finir avec la pauvreté et la corruption
avait-il déclaré lors d'une réunion avec la presse étrangère.
Néanmoins, Ricardo Martinelli avait alors manifesté son dédain
pour le président Hugo Chavez du Venezuela, chef de file de la gauche
radicale en Amérique latine, et son admiration pour Alvaro Uribe,
président conservateur de la Colombie.
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