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LÉGISLATIVES ET MUNICIPALES AVANT LA PRÉSIDENTIELLE
Salvador - élections : l'ex-guérilla du FMLN aux portes du pouvoir
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Candidat de l'ancienne guérilla du FMLN à l'élection présidentielle du 15 mars 2009 au Salvador, l'ex-journaliste de télévision Mauricio Funes a mis sa popularité au service des candidats du FMLN aux élections législatives et municipales du 18 janvier. (Photo fmln.org.sv). |
SAN SALVADOR, vendredi 16 janvier 2009 (LatinReporters.com) - Pour la première
fois depuis la fin, en 1992, de la guerre civile du Salvador, le Front Farabundo
Marti pour la libération nationale (FMLN), parti issu de l'ex-guérilla
d'extrême gauche du même nom, est le favori tant des élections
législatives et municipales (le 18 janvier) que de la présidentielle
(15 mars). La confirmation par les urnes de ce double pronostic mettrait fin à
20 ans de pouvoir de l'Alliance républicaine nationaliste (ARENA, droite).
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Cet éventuel renversement historique, qui dépendra essentiellement de l'élection
présidentielle, devrait beaucoup à la popularité
du candidat du FMLN à la présidence, l'ancien journaliste de
télévision Mauricio Funes, converti officiellement à
la politique voici à peine moins de deux ans. Son auréole a
épaulé la campagne des candidats de son parti à l'Assemblée
législative (Parlement monocaméral de 84 députés)
et aux 262 mairies du pays. Les 20 représentants du Salvador au Parlement
centraméricain seront élus simultanément. Le résultat
de ces scrutins auxquels sont convoqués ce dimanche 4,2 millions
des 6,8 millions de Salvadoriens sera considéré comme
un sondage grandeur nature avant l'élection, en mars, du président
du plus petit Etat d'Amérique centrale.
Douze ans de guerre civile, de 1980 à 1992, firent aux Salvador
75.000 morts, 8.000 disparus et 12.000 invalides. La paix fut signée
le 16 janvier 1992 au Mexique par le FMLN et le gouvernement salvadorien
dominé par l'ARENA, parti lié originellement à des groupes
armés clandestins d'extrême droite (escadrons de la mort
de Roberto d'Aubuisson) formés pour combattre la guérilla.
L'objectif de réconciliation proclamé alors n'empêche
pas le Salvador d'être aujourd'hui l'une des nations les plus violentes
d'Amérique latine avec un taux annuel d'homicides, 55 par tranche
de 100.000 habitants, nourri par les maras (bandes de délinquants),
l'abondance d'armes, l'impunité judiciaire et surtout une pauvreté
frappant 48% de la population.
La diffusion des résultats de sondages est interdite au Salvador
durant les 15 jours précédant une élection. Le dernier
sondage, publié le 29 décembre 2008 et élaboré
par l'Universidad Tecnológica (UTEC), octroyait au FMLN 40,6% des intentions
de vote aux législatives et 38,4% aux municipales, contre respectivement
26,2% et 26,7% à l'ARENA.
Les autres partis en lice sont crédités de moins de 5% des
voix. Il s'agit de deux partis de centre droit, Parti de conciliation nationale
(PCN) et Parti démocrate chrétien (PDC), et de deux sociaux-démocrates,
Changement démocratique (CD) et Front démocratique révolutionnaire
(FDR).
L'ARENA contrôle actuellement 147 mairies et le FMLN 58, dont celle
très convoitée de la capitale, San Salvador. L'Assemblée
législative compte 34 députés de l'ARENA, 32 du FMLN,
10 du PCN, 6 du PDC et 2 du CD.
Quant aux sondages concernant l'élection présidentielle de
mars, celui diffusé le 15 décembre dernier par l'Université
centraméricaine donnait à Mauricio Funes 44,2% des intentions
de vote, soit une avance de 16,2 points sur son concurrent de l'ARENA,
l'ex-directeur général de la Police nationale civile, Rodrigo
Avila (28%). Les analystes n'excluent pas une victoire du candidat du FMLN
à la majorité absolue dès le premier tour de la présidentielle.
Modération du FMLN : réelle ou tactique?
Outre la popularité liée à ses 20 années de
journalisme télévisé, Mauricio Funes utilise comme arme
électorale une modération idéologique, réelle
ou tactique, qui gomme l'image communiste du FMLN. Ponctué du slogan
"Le changement au Salvador pour vivre mieux", le "Programme de gouvernement
2009-2014" présenté par l'ex-guérilla et son candidat
à la présidence ignore totalement, au long de ses 106 pages,
non seulement le mot "communisme", mais aussi ceux de "socialisme", "nationalisation",
"bolivarien", "révolution", "lutte des classes", etc.
Comme n'importe quel candidat présidentiel latino-américain,
de gauche ou de droite, Mauricio Funes promet la lutte contre la pauvreté,
la corruption, l'inflation et la délinquance, l'amélioration
des services de santé et d'éducation, ainsi que le respect de
l'écologie et des droits fondamentaux. Face à la crise financière
mondiale, il offre sa collaboration aux institutions monétaires internationales
vilipendées au Venezuela et dans d'autres pays de la région
gouvernés par la gauche radicale.
Mais l'un des commandants historiques de la guérilla salvadorienne,
Joaquin Villalobos, qui abandonna le FMLN en 1995 au profit de la social-démocratie,
affirme dans un article d'opinion publié le 15 janvier par le quotidien
nicaraguayen La Prensa que l'élection à la présidence
du Salvador de Mauricio Funes signifierait l'avènement d'un gouvernement
contrôlé par le Parti communiste, qui dominerait plus que jamais
le FMLN. "Le pire serait d'aboutir à la situation du Nicaragua" prétend
Villalobos.
Sur le même registre, une campagne audio-visuelle orchestrée
par l'antenne salvadorienne de Fuerza Solidaria (Force Solidaire), organisation vénézuélienne hostile au socialisme du président
Chavez, a mis en garde les Salvadoriens contre ce qu'elle appelle la tactique
de fausse modération de Mauricio Funes et du FMLN. Avec l'aide de
militants de l'ARENA, cette campagne a souligné les liens entre le FMLN
et Hugo Chavez et a rappelé que le président vénézuélien
et ses homologues de la gauche dite bolivarienne au pouvoir actuellement
en Bolivie (Evo Morales), en Equateur (Rafael Correa) et au Nicaragua (Daniel
Ortega) avaient tous affiché, selon Fuerza Solidaria, une relative modération pour
se faire élire, instaurant ensuite progressivement un populisme autoritaire.
La tension politique propre à la campagne électorale s'est
exacerbée après l'assassinat, le 9 janvier dans le département
oriental de Morazan, de deux activistes du FMLN par des inconnus fortement
armés et vêtus de noir comme les forces spéciales de
police.
A la mi-décembre, des fonctionnaires du Conseil de sécurité
nationale dénonçaient, photos à l'appui, l'existence
d'au moins 40 groupes armés illégaux s'entraînant dans
5 régions du Salvador que contrôlaient le FMLN pendant la guerre
civile. Le chef de la mission d'observation électorale de l'Union
européenne, le socialiste espagnol Luis Yanez-Barnuevo, a assimilé
cette information à une manoeuvre électorale. [Autrement dit
à une tentative d'intoxication mettant en cause implicitement le FMLN et visant donc à
favoriser l'ARENA aux élections; ndlr]. Le FMLN, lui, prétend que les photos ne montreraient
que des armes en plastique. Le gouvernement salvadorien d'Elias Antonio Saca, l'actuel
chef de l'Etat, a toutefois annoncé qu'il enverra à l'Organisation des Etats
américains et aux Nations unies "des preuves" de l'existence de groupes armés clandestins.
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