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L'ancien ministre de la Défense accusé de corruption
Venezuela: inculpation du général Baduel, ex-ministre de Chavez devenu opposant
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Le général Raul Isaias Baduel en 2006, année de sa nomination comme ministre de la Défense (Venezuela - Photo Presidencia de la República) |
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CARACAS, dimanche 5 octobre 2008 (LatinReporters) - La justice militaire du Venezuela a inculpé de corruption le général
retraité Raul Isaias Baduel. L'opposition parle de "persécution"
politique. Ex-ministre de la Défense du président Hugo Chavez,
qui lui doit d'avoir surmonté le putsch d'avril 2002, Baduel est actuellement
un opposant notoire au chef de l'Etat.
Intercepté brutalement sur la voie publique, vendredi à Maracay
(110 km à l'ouest de Caracas) en présence de sa femme et de
ses deux jeunes enfants, Baduel a été conduit par un commando
de la Direction du renseignement militaire (DIM) à Fuerte Tiuna, important
complexe militaire qui abrite à Caracas le ministère de la Défense.
L'ex-ministre en est ressorti le soir même, après avoir été
inculpé.
Le juge militaire Nelson Morales a imposé à Baduel "l'interdiction
de sortir du pays, la présentation devant le tribunal tous les 15 jours
et l'impossibilité de parler de cette affaire devant les médias"
a déclaré aux journalistes Rafael Tosta, défenseur du
général retraité.
L'interpellation mouvementée de Baduel a eu un retentissement national
immédiat, car au moment où elle se produisait l'ex-ministre
réussissait à parler par téléphone avec la chaîne
privée de télévision Globovision. "J'assume cet outrage
avec dignité, car je n'ai rien à craindre ni rien dont je puisse
avoir honte" déclarait alors Baduel.
Le général Ernesto José Cedeño, procureur militaire
général du Venezuela, a expliqué lors d'une conférence
de presse que Baduel est accusé de "soustraction de fonds" de l'armée
pour "plus de 31 millions de bolivars" (14,4 millions de dollars) lorsqu'il
était ministre de la Défense. Nommé à ce poste
par le président Chavez, Baduel l'occupa de juin 2006 à juillet
2007 après avoir été commandant en chef de de l'armée
de terre.
Selon le procureur Cedeño, l'ordre d'interpellation fut donné
au vu de la "réticence obstinée" de Baduel à se présenter
devant la justice, qui le convoqua "au moins quatre fois" au cours des six
derniers mois, sans obtenir de réponse. Quant à l'usage de la
force lors de l'interpellation, le procureur l'a estimée nécessaire,
car l'ex-ministre "ne voulait pas venir volontairement".
Précisant qu'un lieutenant-colonel et un vice-amiral sont impliqués
dans la même affaire de corruption, le procureur Cedeño a nié
que Baduel soit l'objet de "représailles".
Des représentants de l'opposition au président Hugo Chavez
attribuent néanmoins l'inculpation de Baduel à la "persécution"
dont serait victime la dissidence au Venezuela. Le député Ismael
Garcia, du parti Podemos, qualifie la "détention" de l'ex-ministre
"d'acte de provocation" commis contre quelqu'un dont "le délit fondamental
est de penser autrement" que le gouvernement. Divers observateurs soulignent la prétention gouvernementale de discréditer toute opposition avant les élections
régionales et municipales de novembre.
En 2002, l'intervention de Raul Isaias Baduel précipita l'échec
du putsch d'avril contre Chavez. A la tête alors de la brigade de parachutistes,
il coordonna l'opération "Récupération de la dignité"
qui ramena dans la nuit du 14 au 15 avril Hugo Chavez au palais présidentiel,
dont il avait été évincé 48 heures plus tôt.
Baduel fut en outre avec Chavez l'un des quatre jeunes officiers fondateurs,
en 1982, du Mouvement bolivarien révolutionnaire 200 (MBR-200), creuset
de la révolution dite bolivarienne menée depuis dix ans au Venezuela.
Le divorce entre les deux compagnons d'armes découle du virage radical
de Hugo Chavez vers un "socialisme du 21 siècle" après sa réélection
triomphale de décembre 2006. Un an plus tard, Baduel contribuait à
la première défaite électorale du président Chavez,
au référendum du 2 décembre 2007, par lequel le chef
de l'Etat espérait faire du Venezuela un Etat constitutionnellement
socialiste. L'ex-ministre de la Défense fut l'un des protagonistes
de la campagne victorieuse contre ce projet de réforme constitutionnelle,
qu'il qualifia de tentative de "coup d'Etat" visant à enterrer le pluralisme.
Relativement jeune, 53 ans, Raul Isaias Baduel cherche sa place sur l'échiquier
politique du Venezuela. Des médias lui ont prêté l'ambition
de succéder à Chavez, mais la prochaine élection présidentielle
n'aura lieu en principe que fin 2012. Dans l'immédiat, le militaire
retraité se revendique d'une "démocratie à haut contenu
social". Il reconnaît des contacts avec Podemos, parti social-démocrate
qui a rompu son alliance avec la majorité présidentielle et
qui cherche une troisième voie entre le radicalisme de Hugo Chavez
et une opposition jugée stérile.
Selon Baduel, "l'unique prétention du président Chavez est
de se perpétuer au pouvoir et manier arbitrairement les revenus publics
et pétroliers". Le Venezuela, affirme-t-il, vivrait dans "une fiction
de démocratie" au sein de laquelle n'existerait plus la division des
pouvoirs, soumis au "personnalisme totalitaire et dictatorial" de Hugo Chavez.
Pratiquement dix ans après la première élection de
Chavez à la présidence, le 6 décembre 1998, les élections
régionales et municipales du 23 novembre prochain mesureront les chances
de longévité du chavisme face à l'usure du pouvoir, naturelle
en démocratie.
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