Dernière photo : Hugo Chavez et deux de ses filles, Rosa Virginia
(à droite) et Maria Gabriela, le 15 février 2013 dans un hôpital
de La Havane. Cette photo et trois autres prises à la même date
et au même endroit sont les dernières d'Hugo Chavez diffusées
avant sa mort, annoncée le 5 mars. (Photo Prensa Presidencial)
CARACAS, mercredi 6 mars 2013 (LatinReporters.com) - Terrassé par
un cancer diagnostiqué en juin 2011, le président du Venezuela,
Hugo Chavez, est mort à 58 ans dans l'après-midi du 5 mars
à l'hôpital militaire de Caracas. Bien qu'attendu après
quatorze ans de pouvoir sans partage, ce décès
est un événement planétaire. La une des médias
mondiaux en fait foi, rendant soudain minuscules et dérisoires, au
moins provisoirement, les ennemis du caudillo bolivarien.
Chapelle ardente à l'académie
militaire, funérailles nationales vendredi, 7 jours de deuil et élection
présidentielle dans les 30 jours : l'après-Chavez s'ouvre dans un pays
dont les réserves prouvées de pétrole sont les premières au monde.
Le vice-président Nicolas Maduro, dauphin du défunt, est le favori du prochain scrutin anticipé, signe
encore fragile que l'adieu de Chavez ne serait pas la fin du chavisme.
Unité de l'opposition plus fragile que celle du chavisme
"Certains pensent qu'avec la mort de Chavez, le régime et le parti
qu'il a construits s'affaibliront et se diviseront et qu'une crise économique
fera finalement tomber le gouvernement. Néanmoins, il semble que la
réalité ira en sens contraire. La mort du caudillo renforcera
le mouvement et le régime" écrivait le 25 février, huit
jours avant le décès du leader bolivarien, le Salvadorien Joaquin
Villalobos.
Considéré comme l'un des principaux stratèges militaires
du Front Farabundo Marti de libération nationale (FMLN) pendant la
guerre civile du Salvador (1980-1992), reconverti en consultant apprécié
pour la résolution de conflits internationaux et en chroniqueur de
divers médias de référence, Joaquin Villalobos, aujourd'hui
critique désabusé des gauches radicales latino-américaines,
n'en croit pas moins que "Chavez entrera dans la mythologie des autels de
rue, probablement avec autant de force que le Che Guevara". Car, argumente-t-il,
"il n'existe pas au sein de la gauche un saint ayant réparti autant
de chèques entre tant de gens. Sa mort précoce le fera survivre
aux conséquences de son inefficacité gouvernementale".
"C'est une erreur de surévaluer les conflits de pouvoir que la transition
provoquera au sein du Parti socialiste unifié du Venezuela [le PSUV créé
par Chavez ; ndlr]. L'unité des opposants sans pouvoir est plus fragile
que celle des chavistes disposant du pouvoir" avertit Villalobos.
Il rappelle que malgré sa "maladie, l'inflation, les pénuries,
l'inefficacité et les milliers d'homicides", soit "des problèmes
dont la gravité aurait mené à la déroute électorale
n'importe quelle coalition gouvernementale dans des conditions normales",
Hugo Chavez remporta à nouveau l'élection présidentielle
en octobre dernier. Cela découlerait du fait, poursuit Villalobos, que le régime
chaviste "changea l'orientation des bénéfices de la rente pétrolière.
Avant, elle se distribuait plus vers le haut que vers le bas. Chavez
ouvrit des espaces d'inclusion sociale aux plus pauvres, offrit des opportunités
d'enrichissement à de nouvelles élites et proportionna à
ces secteurs une identité politique et un pouvoir. Cela a changé
le Venezuela pour toujours".
Malgré "la manipulation des lois et des institutions" par le régime
chaviste, que les erreurs de l'opposition renforcèrent au sein de
l'armée, de l'industrie pétrolière, de la justice et
du pouvoir législatif, l'effet de "centaines de millions de
dollars investis en politiques sociales est que le peuple suit plus massivement
le chavisme que l'opposition" insiste Joaquin Villalobos.
Le vice-président vénézuélien Nicolas Maduro
annonce le 5 mars 2013 à la télévision la mort du président
Hugo Chavez.
Chavisme comparé au péronisme
En octobre dernier, Daniel Zovatto, directeur régional pour l'Amérique
latine et les Caraïbes de l'organisation intergouvernementale International
IDEA (International Institute for Democracy and Electoral Assistance), estimait
que si, contrairement aux probabilités, le chavisme perdait le pouvoir,
il n'en survivrait pas moins comme mouvement politique. Dans ce contexte,
des analystes ont déjà comparé le chavisme au péronisme,
au pouvoir aujourd'hui en Argentine, près de 39 ans après la
mort du général Juan Domingo Peron.
Mais, sur le plan international, la générosité pétrolière
du chavisme, cruciale pour Cuba, se maintiendra-t-elle au profit de ses alliés ? Sans la
forte personnalité de Chavez, Caracas sera-t-elle encore la capitale
virtuelle des huit pays de l'ALBA (Alliance bolivarienne pour les peuples
de notre Amérique) et des seize de Petrocaribe? Et quid des relations
privilégiées avec la Russie, la Chine et l'Iran? Trop tôt
sans doute pour répondre déjà à ces questions,
auxquelles on pourrait ajouter les spéculations sur un éventuel
réchauffement entre le Venezuela et les États-Unis, dont Hugo
Chavez était l'une des "bêtes noires".
Le ministre des Affaires étrangères vénézuélien,
Elias Jaua, a confirmé mardi soir que Nicolas Maduro serait président
pendant l'intérim et qu'un scrutin présidentiel serait organisé
dans les 30 jours. Sur la transition, les interprétations de la
Constitution divergent entre le gouvernement et certains opposants qui réclament
un intérim du président de l'Assemblée nationale, Diosdado
Cabello, et non du vice-président.
"Si le gouvernement a la capacité d'organiser les élections
même avant un mois, il le fera", a estimé l'observateur politique
Luis Vicente Leon, cité par l'AFP. "Le plus tôt sera le mieux,
ils vont profiter électoralement de l'émotion provoquée
par la mort du président", a encore prédit l'analyste.
Duel probable Maduro-Capriles pour l'élection présidentielle
Pour la présidentielle anticipée, Nicolas Maduro, favori de sondages effectués avant la
mort attendue du président, sera probablement
opposé au gouverneur Henrique Capriles, 40 ans, honorablement battu
par Hugo Chavez en octobre. Sur son compte Twitter, Capriles a appelé
les Vénézuéliens à "l'unité" et transmis
sa "solidarité" à la famille du président.
Le vice-président Maduro, qui annonça en larmes à
la télévision le décès du leader du socialisme
dit du 21e siècle, était apparemment déjà entré
en campagne électorale en accusant peu auparavant "les ennemis historiques
de la patrie" d'avoir provoqué le cancer de Chavez, comme le démontrera
"sans aucun doute" un jour une "commission scientifique". Outre cette accusation surprenante d'assassinat
impérialiste, Caracas a annoncé mardi l'expulsion de deux attachés militaires américains
pour "espionnage" et "proposition de projets déstabilisateurs" à
des militaires vénézuéliens.
Après l'annonce de la mort de Chavez, de nombreux commerces et l'ensemble
des transports publics ont immédiatement
cessé de fonctionner dans la capitale. Devant l'hôpital militaire
de Caracas où il était soigné, plusieurs centaines
de personnes ont improvisé une manifestation, brandissant des portraits
du président et chantant des slogans à sa gloire. "Chavez
au panthéon!", "Nous sommes tous Chavez!", scandaient certains.
La nouvelle de sa mort a été rapidement commentée
à l'extérieur du pays. Brasilia a évoqué "la
perte d'un ami", le président bolivien Evo Morales s'est dit "anéanti",
alors que le président Barack Obama a exprimé son soutien
aux Vénézuéliens et espéré des "relations
constructives" à l'avenir.
Nicolas Maduro a lancé plusieurs appels au calme et annoncé
que l'armée et la police avaient été déployées
dans le pays "pour accompagner et protéger notre peuple et garantir
la paix". Peu après, le ministre de la Défense Diego Molero,
accompagné de plusieurs hauts-gradés, a assuré que
les forces armées restaient "unies pour respecter et faire respecter
la Constitution". Selon Joaquin Villalobos, "le plus probable est que les
militaires évolueront entre l'indifférence et la défense
d'un régime dont ils bénéficient".