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Prochain référendum sur la réélection présidentielle illimitée
Venezuela - Uh! Ah! Chavez no se va, n'en déplaise à Bolivar
CARACAS, mardi 9 décembre 2008 (LatinReporters.com) - "Uh! Ah!
Chavez no se va" (Ouh! Ah! Chavez ne s'en va pas). Ce cri -et aussi
chanson- de ralliement chaviste domine une nouvelle précampagne électorale.
En février ou mars 2009, le Venezuela retournera aux urnes pour dire
oui ou non par référendum à un amendement constitutionnel qui permettrait à
Hugo Chavez, au pouvoir depuis dix ans, de briguer la présidence autant
de fois qu'il le voudra. Et, si les urnes lui sourient, de rester au pouvoir
"jusqu'en 2021" suggère-t-il, n'en déplaise peut-être
à son mentor historique, le libertador Simon Bolivar.
Elu pour la première fois à la présidence le 6 décembre
1998, l'ex-officier putschiste Hugo Chavez, lui-même brièvement
victime d'un putsch en 2002, ambitionne ce que les Vénézuéliens
appellent la réélection illimitée, qualifiée aussi d'indéfinie
ou continue. Aussi veut-il amender l'article 230 de sa propre Constitution bolivarienne, article qui lui
interdit de briguer un troisième mandat consécutif en décembre
2012 et donc de se succéder à lui-même en janvier 2013.
(Chavez a remporté depuis 1998 trois élections présidentielles,
mais la première n'était pas régie par la Charte suprême
actuelle).
La révision de l'article 230 afin de permettre la réélection
illimitée faisait déjà partie du vaste projet de réforme
de la Constitution, portant sur 69 de ses 350 articles, que les Vénézuéliens
rejetèrent par 51% de non lors du référendum de décembre
2007. Par cette réforme frustrée, Chavez visait à faire
de son socialisme dit bolivarien l'option constitutionnelle et partisane
irréversible du Venezuela.
Convaincue que la principale ambition de Hugo Chavez serait désormais
de se perpétuer au pouvoir comme l'a fait son allié cubain
Fidel Castro pendant près d'un demi-siècle, l'opposition qualifie
le prochain référendum d'illégal, arguant de l'interdiction
constitutionnelle de soumettre deux fois au verdict des urnes une même
réforme de la Charte suprême lors du même mandat présidentiel.
Le droit, qui n'épouse pas toujours la légitimité morale,
conforte toutefois le président Chavez. L'amendement du seul article
230 ne peut pas être confondu avec la réforme qui portait sur
69 articles de la Constitution. Cette dernière distingue d'ailleurs
clairement l'un de l'autre amendement et réforme. En outre, dans l'unique amendement
qui sera soumis à référendum au premier trimestre 2009,
la durée du mandat présidentiel restera de six ans. Il serait
passé à sept ans si la tentative de réforme de 2007
avait abouti.
En résumé, la question que devront trancher bientôt les
Vénézuéliens est inédite, même si elle
s'apparente à l'un des 69 amendements rejetés en bloc il y
a un an. Si le oui l'emporte, l'article 230 de la Constitution sera rédigé
comme suit: "La période présidentielle est de six ans. Le Président
ou la Présidente de la République peut être réélu
ou réélue". Les mots "immédiatement et pour une seule
fois pour une nouvelle période" qui clôturent la rédaction
actuelle du même article seront supprimés.
L'effondrement du prix du pétrole explique l'urgence. Obama
aussi?
L'accusation de soif de pouvoir absolu et perpétuel portée
contre Chavez par ses opposants doit être tempérée par
le respect, observé jusqu'à présent, d'une condition
logique: pour être réélu, le président Chavez
devra à nouveau remporter l'élection présidentielle
et ce chaque fois qu'il briguera la charge suprême.
Le problème ou la chance, selon qu'on soit anti ou prochaviste, est
que Hugo Chavez, déjà élu trois fois à la majorité
absolue, pourrait continuer à cumuler les victoires avec une majorité
seulement relative, jugée suffisante par la Constitution pour sortir
vainqueur de l'élection présidentielle vénézuélienne
à tour unique. Comme le conservateur mexicain Felipe Calderon, élu
président en 2006 avec 35,8% des suffrages contre 35,3% à son
adversaire de gauche Lopez Obrador, comme encore le sandiniste Daniel Ortega,
revenu en 2006 aussi à la présidence du Nicaragua avec 38%
des voix, Hugo Chavez pourrait sortir vainqueur de futurs scrutins présidentiels
même avec un score inférieur à 40%. Les 62,8% qu'il récolta
en décembre 2006 lui confèrent théoriquement une marge
confortable pour gérer dans la durée l'effritement lié
à l'usure du pouvoir.
Mais pourquoi l'empressement de Chavez à s'assurer un droit constitutionnel
continu à briguer la présidence, alors que la prochaine élection
présidentielle n'aura lieu que dans quatre ans, en décembre
2012? Il y a peu, Chavez lui-même ne comptait rouvrir ce dossier qu'en
2010.
L'effondrement soudain de la manne pétrolière dû à
la crise financière et économique mondiale est l'explication
principale. Le baril de brut vénézuélien vaut actuellement environ
35 dollars, contre près de 140 dollars en juillet dernier. L'aggravation de la crise
planétaire l'an prochain est prévue par tous les analystes.
Or, le Venezuela, 5e exportateur mondial de pétrole, a planifié
son budget 2009 sur la base déjà irréelle d'un baril
à 60 dollars. De prochaines coupes sombres dans les programmes sociaux
sont inévitables. Elles saperont la popularité de Chavez. Il
lui faut arracher le oui référendaire à son droit à
la réélection continue avant que la crise n'impose le non.
Par ailleurs, l'entrée de Barack Obama à la Maison blanche,
le 20 janvier prochain, et les espoirs suscités par le premier président
noir des Etats-Unis servent peu l'antiaméricanisme primaire du populisme
chaviste. Le risque de déphasage rapide de son discours antiyankee
contribue peut-être aussi à l'urgence référendaire
de Chavez.
Enfin, tant sa première défaite électorale au référendum
de décembre 2007 que les progrès de l'opposition aux élections
régionales et municipales du 23 novembre dernier incitent également
Chavez à sauvegarder ses ambitions sans plus tarder.
Bolivar avait deux visages. Lequel inspire Chavez?
Si le principe de la nouvelle démarche référendaire
de Chavez s'inscrit, quoiqu'en dise l'opposition, dans la légalité
vénézuélienne, il n'en va pas de même quant à
la course à l'autoritarisme qui accompagne cette démarche.
Ses menaces de "guerre", de "prison", de "lancer les chars d'assaut dans
la rue" et de suppression de deniers publics visant les administrations locales
et les candidats ou élus "ennemis" avaient déjà rendu
plus nets, pendant la campagne des récentes élections municipales
et régionales, les penchants despotiques du chef de l'Etat. Le glissement
vers l'intransigeance s'accentue aujourd'hui par les actions de la justice,
à la simple demande de Hugo Chavez, contre des élus de l'opposition,
des propriétaires de médias, des représentants du patronat,
des militaires et un ex-diplomate accusés de complot contre le chef
de l'Etat ou de corruption sans autres indices que les déclarations
de Chavez lui-même.
Retransmis de manière obligatoire par tous les médias audio-visuels
publics et privés, les appels quasi militaires de Chavez à
des foules vêtues de rouge qu'il prétend organiser en "bataillons"
pour que "cette révolution ne s'en aille jamais" alourdissent un climat
de haine et d'intimidation. "Je serai ici jusqu'à ce que Dieu le veuille
et le peuple l'ordonne ... Nous allons célébrer ce Noël
en campagne pour l'amendement [constitutionnel] et avec la consigne Ouh!
Ah! Joyeux Noël, Ouh! Ah! Chavez ne s'en va pas" clamait le président
le 6 décembre à Caracas lors d'un meeting marquant le
10e anniversaire de sa première élection.
Chavez qualifiant sa révolution de "bolivarienne" par référence
au libertador historique Simon Bolivar, qui unifia temporairement au 19e
siècle une partie considérable de l'Amérique du Sud
après y avoir défait les armées espagnoles, l'opposition
ne cesse ces derniers jours de rappeler au chef de l'Etat ces phrases du
célèbre discours prononcé par Bolivar le 15 février
1819 à Angostura: "L'autorité continue d'un même
individu a fréquemment mis fin aux gouvernements démocratiques...
Rien n'est aussi dangereux que de laisser longtemps le pouvoir aux mains
d'un même citoyen. Le peuple s'accoutume à lui obéir et
lui s'accoutume à le commander; en découlent l'usurpation et
la tyrannie".
Néanmoins, en 1828, deux ans avant sa mort, Simon Bolivar s'autoproclama
dictateur de la Grande Colombie, qui englobait l'actuel Venezuela. Bolivar
avait donc deux visages. Quel est celui dont s'inspire aujourd'hui Chavez?
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