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Etonnant front commun patronat-syndicats

Venezuela: grève générale illimitée contre le président Chavez

Inquiétudes sur le marché mondial du pétrole, dont le Venezuela est le 4e fournisseur

Hugo Chavez
© Republica Bolivariana
de Venezuela
CARACAS, jeudi 11 avril 2002 (LatinReporters.com) - Au soir de deux journées d'une grève générale diversement suivie, l'étonnant front commun patronat-syndicats hostile au président populiste de gauche Hugo Chavez a décrété mercredi l'extension illimitée de la grève. Les patrons prétendent qu'ils paieront le salaire de leurs employés ou ouvriers qui se croiseront les bras.

Cette épreuve de force politique réduit les exportations de pétrole brut du Venezuela, 4e exportateur mondial et 3e fournisseur des Etats-Unis. Les milieux économiques internationaux s'en inquiètent au moment où l'Irak suspend ses exportations pétrolières pendant un mois en solidarité avec la lutte des Palestiniens contre Israël.

Le social-démocrate Carlos Ortega, président de la Confédération des travailleurs du Venezuela (CTV), première centrale syndicale du pays, et Pedro Carmona, président de Fedecamaras, la plus importante centrale patronale, ont proclamé le caractère illimité de la grève. Ils ont justifié leur décision par "l'attitude provocatrice" du président Chavez et son refus de négocier la solution d'un conflit paralysant progressivement l'industrie pétrolière, qui assure 80% des rentrées de devises du Venezuela et près de la moitié de son budget national.

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Alors que ses promoteurs assurent que la grève générale est suivie à plus de 80%, le président Chavez et ses ministres prétendent que l'activité demeure normale et dénoncent le "caractère insurrectionnel" d'une protestation qui viserait à "liquider la révolution bolivarienne", Hugo Chavez ne cessant de se réclamer du légendaire libertador Simon Bolivar.

La quasi totalité des médias privés lui étant hostile, le président Chavez utilise la loi qui oblige toutes les télévisions et radios à diffuser simultanément des messages officiels au moment indiqué par le gouvernement. Lundi et mardi, plus de trente interventions de Hugo Chavez ou de ses ministres, chacune d'une durée de 15 à 20 minutes, ont été imposées aux médias audio-visuels. La Commission des droits de l'homme de l'Organisation des Etats américains estime que ces interventions "abusives" portent atteinte à la liberté d'expression.

Carlos Ortega et Pedro Carmona se déclarent solidaires de l'ancienne direction du géant pétrolier public PDVSA (Pétroles du Venezuela SA), remplacée il y a deux mois par des proches du président Chavez. La grève du personnel administratif de PDVSA pour s'opposer à la main-mise présidentielle réduit l'activité de diverses installations, dont celle du complexe pétrolier de Paraguama, l'un des plus grands du monde. L'embarquement du brut et, par contrecoup, l'extraction du pétrole en sont ralentis.

C'est la première fois que l'industrie vitale du pétrole devient une arme contre le président Chavez. Les analystes estiment qu'une éventuelle interruption des exportations de brut vénézuélien, jointe à celle décrétée pour un mois à parti de lundi dernier par l'Irak, signifierait le retrait de quatre à cinq millions de barils par jour du marché mondial, l'équivalent de la moitié des 8,8 millions de barils importés quotidiennement par les Etats-Unis pendant la première semaine d'avril. Il s'agirait de la plus importante réduction de l'approvisionnement international depuis la guerre du Golfe, en 1991.

La grève générale, la seconde au Venezuela depuis décembre, est manifestement politique. La "révolution bolivarienne" de Hugo Chavez, devenu le principal allié de Cuba, a dressé contre lui Eglise, presse, syndicats et patronat. La CTV, Fedecamaras et la Conférence épiscopale s'unissaient en mars au sein d'un "Accord démocratique " visant à obtenir "l'éloignement démocratique et constitutionnel" du président Chavez, dont des parlementaires d'opposition réclament la destitution judiciaire pour "incapacité mentale".

Cette mobilisation est une réaction à l'emprise croissante de l'Etat et de l'autoritarisme présidentiel sur la vie économique, sociale, financière et administrative du Venezuela.

Soutenus parfois par des milliers de manifestants, des officiers de l'armée -six jusqu'à hier, dont trois généraux- réclament publiquement la démission du chef de l'Etat.

Le vice-amiral Carlos Molina Tamayo accusait en février Hugo Chavez de "transformer l'armée en parti politique" et de mettre en place "un régime d'extrême gauche", appuyé sur des "cercles bolivariens" calqués sur les comités de citoyens cubains, risquant de provoquer "des affrontements sanglants" avec une opposition de plus en plus nombreuse. Des heurts entre grévistes et "chavistes" ont effectivement fait 18 blessés mardi à Caracas.

Quant au général Nestor Gonzalez, il dénonçait hier l'existence au Venezuela de camps de la guérilla marxiste colombienne des FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie). La presse et l'armée colombiennes reprochent également à Hugo Chavez sa permissivité à l'égard des FARC, considérées comme narcoterroristes par les Etats-Unis.

Des décennies de misère et de corruption au Venezuela expliquent l'élection à la présidence en 1998, et la réélection en 2000, de l'ex-lieutenant-colonel putschiste Hugo Chavez. Il dispose encore d'un capital de sympathie parmi les plus déshérités dans un pays qui compte 70% de pauvres. Mais la tension politique, l'instabilité du prix pétrole et la fuite des capitaux l'ont contraint, en février, à réduire le budget national et à laisser flotter le bolivar, qui perdait près de 20% par rapport au dollar. La dépréciation de la monnaie nationale provoquait  une hausse immédiate des prix et des revendications salariales assorties par les syndicats de menaces de grèves qui se sont concrétisées.

La grève générale désormais illimitée décrétée par les adversaires du président Chavez est une mesure maximaliste qui débouchera soit sur une démission -improbable- du chef de l'Etat, soit sur un essoufflement de l'opposition et un renforcement du pouvoir de Hugo Chavez, soit encore sur des violences aux conséquences imprévisibles.


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