Incertaine, surtout après l'avènement d'une nouvelle droite
démocratique à la présidence d'un pays aussi symbolique
que le Chili, la consolidation de l'ample virage à gauche latino-américain
dépend désormais de l'élection présidentielle
du 30 mai en Colombie et bien plus encore de celle du 3 octobre au Brésil.
Parallèlement, les 33 pays de l'ALC, du Rio Bravo à la Terre
de Feu et y compris Cuba, rêvent de concrétiser une union continentale,
sans les Etats-Unis ni le Canada, ébauchée en février
dernier près de Cancun (Mexique).
C'est une Europe en crise qui s'assied à Madrid aux côtés
de cette Amérique latine mouvante et ambitieuse qui résiste
jusqu'à présent relativement bien à l'actuelle dépression
économique globale. Sa popularité en chute libre après
la réduction ou le gel de salaires et de retraites annoncés
la semaine dernière, le président du gouvernement socialiste
espagnol, José Luis Rodriguez Zapatero, doit remiser le paternalisme
lorsque, par exemple, la présidente
argentine Cristina Fernandez de Kirchner compare l'effondrement financier
de la Grèce, qui menace l'Espagne et l'euro, aux heures noires vécues
par les Argentins au début de cette décennie.
Qualifié lors de chaque sommet de "stratégique", le partenariat
UE-ALC doit aussi désormais tenir compte du concept de "puissance
émergente" qu'incarne le Brésil aux côtés de la
Chine et de l'Inde. Brasilia réclame un siège permanent
au Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations unies
(ONU). Venant de Téhéran, le président brésilien
Luiz Inacio Lula da Silva débarque à Madrid avec son auréole
grandie par un compromis, aux effets encore incertains, qu'il a obtenu sur
l'uranium iranien décrié par la communauté internationale.
A en croire leurs discours récents, non suivis jusqu'à présent
de résultats, nombre de pays européens, dont la France et l'Espagne,
soutiennent la revendication latino-américaine d'une refonte des grands
organismes internationaux, ONU et Fonds monétaire international (FMI)
en tête.
Convoqué tous les deux ans, la dernière fois en 2008 à
Lima, le sommet UE-ALC est placé cette année sous le thème
"Innovation et technologie pour le développement durable et l'inclusion".
L'actualité impose toutefois le traitement prioritaire des dossiers
de la crise économique et financière, du changement climatique
et de la lutte contre la criminalité organisée.
En marge du sommet général des chefs d'Etat ou de gouvernement,
le 18 mai, six autres sommets bilatéraux ont été programmés,
du 16 au 19 mai, entre l'UE et, successivement, le Mexique, le Chili, le
Mercosur, les pays des Caraïbes, la Communauté andine et l'Amérique
centrale. A chacune de ces rencontres, les institutions de l'Europe communautaire
devraient être représentées par l'Espagnol José Luis Rodriguez
Zapatero, président de l'UE ce premier semestre, le Belge Herman Van Rompuy,
président stable du Conseil européen, le Portugais José
Manuel Durao Barroso, président de la Commission européenne, et la
Britannique Catherine Ashton, haute représentante de l'UE pour
les Affaires étrangères.
La Chine concurrence progressivement en Amérique latine les intérêts
économiques de l'Europe et cette dernière a besoin de développer
ses marchés extérieurs pour combattre la crise. Ce sont deux
des raisons pour lesquelles, sous l'impulsion de la présidence espagnole de l'UE,
la
Commission européenne décidait début mai de relancer
une négociation interrompue depuis 2004, celle d'un accord d'association
avec le Mercosur, zone économique regroupant le Brésil, l'Argentine,
l'Uruguay, le Paraguay et, en phase de préadhésion, le Venezuela.
Les espoirs d'une confirmation de cette relance sont toutefois obscurcis
par la France, représentée à Madrid par le président
Nicolas Sarkozy (seulement le 18 mai) et le ministre des Affaires étrangères, Bernard
Kouchner.
Deux semaines avant l'ouverture du VIe sommet UE-ALC, le gouvernement français
faisait savoir que dans l'attente de la conclusion des négociations
au sein de l'Organisation mondiale du commerce (cycle dit de Doha), "l'Union
européenne ne peut mener [en l'occurrence avec le Mercosur; ndlr] des
négociations qui risquent de remettre en cause l'agriculture française
et européenne". Cette crainte a été partagée ce 17 mai à
Bruxelles par les ministres de l'Agriculture de neuf autres pays de l'UE, l'Autriche, la Finlande, la
Grèce, la Hongrie, l'Irlande, la Pologne, le Luxembourg, la Roumanie et Chypre.
En ce qui concerne la
Communauté andine, seuls le Pérou et
la Colombie pourraient signer à Madrid avec l'UE un accord de libre-échange
qui resterait toutefois ouvert aux deux autres membres de cette communauté,
la Bolivie et l'Equateur, opposés jusqu'à présent à
l'ouverture de secteurs de leur économie, voire même à
la philosophie de l'économie de marché.
Quant à la possibilité de signer enfin un accord d'association
entre l'UE et l'
Amérique centrale, elle dépend d'ultimes négociations
de dernière heure.
Les grands absents au sommet de Madrid, quoique les 60 pays du duo UE-ALC y soient
représentés, sont les présidents Hugo Chavez
(Venezuela), Raul Castro (Cuba), José Mujica (Uruguay) et Porfirio
Lobo (Honduras). Ce dernier participera toutefois à la rencontre UE-Amérique
centrale. Le Brésil, le Venezuela, la Bolivie et l'Equateur, qui ne
reconnaissent pas la légitimité de l'élection présidentielle
hondurienne de novembre 2009, avaient menacé de boycotter le sommet
de Madrid si Porfirio Lobo siégeait à la réunion générale
des chefs d'Etat ou de gouvernement. Côté européen, on
a annoncé l'absence du Premier ministre britannique, David Cameron,
et du président du Conseil des ministres italien, Silvio Berlusconi.
Aucune animosité politique n'a été manifestée
publiquement par ces personnalités pour justifier leur absence. La
plupart ont souligné leurs impératifs de politique intérieure
ou de santé dans le cas de l'Uruguayen José Mujica. Le forfait
de la star médiatique Hugo Chavez est déploré par les médias
audio-visuels, mais pas nécessairement par les chefs d'Etat.
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