Argentine: état de siège contre l'explosion sociale et démission du ministre de l'Economie
Peu avant une heure du matin, radios et télévisions annonçaient ce jeudi la démission de ministre de l'Economie, Domingo Cavallo. L'Argentine échappera difficilement à une cessation de paiements qui pourrait être la plus grande, en valeur nominale, de l'histoire financière mondiale. L'état de siège limite les libertés individuelles. Il permet notamment arrestations et perquisitions sans mandat judiciaire. Il restreint aussi le droit de se réunir et de circuler. Il avait été décrété pour la dernière fois en 1989, également pour stopper le pillage de magasins, par le président Raul Alfonsin. Ce dernier, de la même famille politique (Parti radical) que Fernando De la Rua, avait alors écourté son mandat en faveur du péroniste Carlos Menem.
Dans la rue, les applaudissements succédèrent aux bruits de casseroles lorsque radios et télévisions annoncèrent la démission du ministre Cavallo, l'homme de l'austérité qui avait réduit salaires et pensions et gelé partiellement les comptes en banque des Argentins. Quelques heures plus tôt, les députés du Congrès, dominé par l'opposition péroniste depuis les élections législatives du 14 octobre dernier, avaient voté l'annulation des pouvoirs spéciaux octroyés au printemps à Domingo Cavallo. La situation en Argentine reste imprévisible. Elle semblait parfois, mercredi, prérévolutionnaire. En annonçant l'état de siège à la télévision, le président De la Rua a mis en garde contre "des groupes ennemis de l'ordre et de la République" qui se mêleraient aux manifestants et aux pilleurs pour "créer un chaos leur permettant de manoeuvrer afin d'obtenir des résultats inaccessibles par la voie électorale". Le chef de l'Etat a assumé sa part de responsabilités dans la crise, mais en l'élargissant à ses prédécesseurs. Il a appelé les partis politiques, les organisations syndicales et sociales et les médias à créer une "union patriotique". Un commentateur de télévision fut si peu convaincu par Fernando De la Rua qu'il l'appela "l'ex-président" aussitôt après son discours télévisé. L'explosion sociale actuelle s'explique en partie par l'austérité imposée par le Fonds monétaire international (FMI). L'orthodoxie financière et huit plans d'austérité en deux ans n'ont pas sorti l'Argentine de près de quatre années de récession. Le FMI lui-même estime que le produit intérieur brut du pays se réduira de 2,7% en 2001. En phase de restructuration, la dette publique argentine de 132 milliards de dollars pourrait faire bientôt l'objet de la plus importante (en valeur nominale) cessation de paiements de l'histoire. Non seulement les milieux financiers internationaux l'estiment inévitable d'ici le mois de février 2002, mais ils la jugent en outre désormais souhaitable, afin que l'Argentine et ses créanciers négocient enfin une solution durable qui stabilisera les marchés des pays émergents. La dévaluation du peso argentin compte à présent plus de partisans que la dollarisation totale de l'Argentine.
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