Argentine en crise: depuis janvier, le peso s'est dévalué de 75%
L'inflation galopante, la chute continue de l'activité économique et le peu d'empressement du Fonds monétaire international (FMI) à secourir l'Argentine hypothèquent la longévité d'Eduardo Duhalde, cinquième président du pays depuis décembre 2001.
Aujourd'hui, les argentins se bousculent pour acheter le billet vert à 4 dollars. Nombre d'entre eux ont auparavant obtenu de la justice de pouvoir soustraire leurs avoirs bancaires du "corralito" ("petit enclos"), le fameux gel des comptes décrété à la mi-décembre. Plus de cent mille plaintes en justice ont été introduites par des épargnants contre le "corralito". La Cour suprême ayant déclaré cette mesure anticonstitutionnelle, les restitutions journalières en liquide se chiffrent désormais en dizaines de millions de pesos, rapidement transformés en dollars, malgré diverses restrictions imposées aux bureaux de change. La "pesification" de l'économie imposée par Eduardo Duhalde
apparaît aujourd'hui comme une erreur non seulement économique,
mais surtout politique. Un peuple qui a vécu et pensé en
dollars pendant dix ans accepte en effet mal de palper un peso qui ne lui
permet même plus de voyager, car nul ne l'accepte hors d'Argentine. L'exemple de l'Equateur, dollarisé à 100% en septembre 2000 après un crash bancaire généralisé et champion de la croissance l'an dernier en Amérique latine avec un taux de 5,4% tend à convaincre un nombre croissant d'économistes que l'Argentine aurait mieux résisté à la crise avec une dollarisation totale lui interdisant tout relâchement monétaire. Aujourd'hui, même les provinces argentines émettent leur propre monnaie, sous forme de bons du Trésor locaux, brisant la confiance des institutions monétaires internationales. "Ils ne nous croient absolument plus. Si je leur dis que je m'appelle Eduardo Duhalde, ils en doutent et me demandent mes papiers d'identité" reconnaît avec un humour noir le président argentin, à peine revenu de la Conférence de l'ONU sur le financement du développement, dans la ville mexicaine de Monterrey, où il s'entretint avec les dirigeants du FMI et de la Banque mondiale. Avant ce voyage, il promettait que l'Argentine fêterait la fin de la récession le 9 juillet, jour de l'indépendance nationale. Aujourd'hui, Eduardo Duhalde proclame que "des temps plus difficiles" encore s'annoncent. En février, la production industrielle argentine a chuté de 15% par rapport à février 2001. L'effondrement est de 52% pour les textiles et l'industrie métallurgique, de 48% pour l'industrie automobile. En un peu plus de deux mois, les salaires et autres revenus des Argentins ont chuté en moyenne de 60 pour cent en dollars suite à l'effondrement du peso. En outre, le revenu moyen par personne en Argentine a reculé au sixième rang des pays latino-américains. Alors qu'en 1997 le revenu moyen individuel des Argentins était, avec 8.950 dollars par an, le plus élevé d'Amérique latine, il n'est plus aujourd'hui que de 3.197 dollars, soit une baisse de 64,8 pour cent. L'Argentine est désormais dépassée par l'Uruguay, le Chili, le Brésil, le Mexique et le Venezuela. Ces données publiées par le quotidien Clarin ont été établies par la société Equis sur la base de statistiques officielles argentines et du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD). Quant à l'inflation, elle galope. Même le secrétaire argentin à la Défense de la concurrence, Pablo Challu, calcule qu'elle dépassera 42 pour cent en 2002 si se poursuivent les hausses de prix au détail des deux derniers mois. "Je crois que l'inflation sera maintenue au niveau de février, autour d'un 3 pour cent mensuel pendant toute l'année", estime Pablo Challu dans une entrevue publiée par le journal Ambito Financiero. Il précise que la projection de ces indices aboutit à une inflation annuelle "supérieure à 42 pour cent", près de trois fois plus que le taux de 15 pour cent inscrit dans le budget national de cette année. La société de consultants SEL est plus pessimiste encore. Elle évalue à 27% la hausse réelle du coût de la vie au cours des dix premières semaines de 2002. A ce rythme, une explosion sociale d'une dimension inégalée jusqu'à présent devient une menace à court terme.
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