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Argentine - Kirchner: un caudillo administratif avec une vision technocratique de la politique

Le président Nestor Kirchner le 29 mai dernier, jour des Forces armées
Photo Presidencia de la Nación Argentina
Par Julio Burdman

BUENOS AIRES, samedi 28 juin 2003 (NuevaMayoria.com) - Arrivée au pouvoir dans un contexte inédit -et elle en a conscience- la nouvelle administration argentine du président Nestor Kirchner trace un chemin de construction politique peu orthodoxe si l'on s'en tient aux critères argentins. Au point que nul ne peut anticiper le résultat de cette expérience, appuyée sur un caudillisme (1) administratif dont la légitimité serait liée au succès de la gestion.

Si, depuis des décennies, la gouvernabilité en Argentine -comme dans presque tous les pays "normaux"- se construisait par le biais du parti politique qui obtenait les votes nécessaires et par les appuis obtenus -grâce au parti - parmi les législateurs et les gouverneurs, Nestor Kirchner, lui, s'est contenté de l'écharpe et du bâton présidentiels pour se sentir chef d'Etat et agir en tant que tel.

Beaucoup espéraient qu'il en appelle à un "gouvernement d'unité nationale" ou que son cabinet reflète une alliance parlementaire et régionale. D'autres candidats auraient probablement procédé plus ou moins ainsi s'ils avaient gagné les élections.

Le président Kirchner, par contre, forma un gouvernement de collaborateurs intimes, de ministres hérités de l'administration de transition et de fonctionnaires extrapartisans. Très peu d'entre eux avaient un poids politique il y a un mois. Le gouvernement de Nestor Kirchner, représentatif du score de 22% des votes qui l'a porté à la Casa Rosada (palais présidentiel), a commencé à diriger sans montrer cette faiblesse originelle.

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A Santa Cruz, Kirchner fut aussi un gouverneur particulier. Il arrive au pouvoir en 1991 dans cette province brisée et au bord de l'incendie. Ses prédécesseurs, Granero y Del Val, abandonnaient le gouvernement local avec une dette de plusieurs mois de salaires dus aux employés publics. Dans une province où domine précisément l'emploi public, l'effondrement fiscal est un problème particulièrement grave. Les Santacruceños choisirent Kirchner pour qu'il résolve ce problème fiscal.

Son style personnaliste, qui concentre le pouvoir, ne fut pas différent, dans ses résultats, de celui de la moyenne des gouverneurs du nord de l'Argentine. Mais le caudillisme de Kirchner, pour autant que le terme soit adéquat, le différenciait de ces derniers, car il ne se basait pas sur les éléments habituels du caudillisme: charisme, traditionalisme, poids de la famille. Celui de Kirchner est, en tout cas, un caudillisme administratif.

A propos de la culture politique propre à la Patagonie, il faut rappeler que Santa Cruz est une province nouvelle, où une bonne part des électeurs sont des Santacruceños de première génération ou nés en d'autres points du pays. L'histoire de nombreux Santacruceños, comme ceux de la Terre de Feu, est celle de migrants intérieurs à la recherche d'opportunités de travail. De fait, quasi tous les "Santacruceños influents" de la politique argentine depuis le 25 mai dernier, date de l'investiture du président Kirchner, naquirent en réalité dans d'autres provinces argentines (Cristina Fernández de Kirchner, Julio De Vido, Sergio Acevedo, etc.). Les frères Kirchner, Santacruceños de troisième génération, sont un cas exceptionnel et ils s'en enorgueillissent. C'est dire qu'il n'existe pas à Santa Cruz de tradition caudilliste d'autorité comme on en trouve dans les provinces historiques du Nord-Ouest. Du moins de manière directe.

Mais tandis que l'origine du caudillisme traditionnel, qu'exhibe une grande partie des chefs politiques provinciaux, est liée aux facteurs culturels déjà mentionnés, le caudillisme administratif de Kirchner vient de sa gestion, qui garantissait le paiement des salaires publics tous les mois. Les Santacruceños le définissent comme un "faiseur", tout en ayant conscience que son style "exécutif" mettait le cadre institutionnel au bord de ses limites.

Dès ses premiers pas dans l'administration (il fut intendant de Río Gallegos en 1987) et au gouvernement, Kirchner utilisa l'idée-force qui le caractérise aujourd'hui: la source de légitimité pour gouverner vient du succès de la gestion. Là réside la connexion directe avec l'approbation publique. C'est un schéma dans lequel la représentativité politique et le caractère institutionnel ne sont pas la clé. Le directeur général présidentiel est l'architecte des politiques par le biais des ministres, qui ressemblent plus à des chefs de service qu'à des responsables politiques. C'est pourquoi nous disons que cette vision, centrée sur la gestion, sur les résultats et sur l'approbation publique reflète un modèle technocratique de la politique.


(1)Note de latinreporters.com: le "caudillisme" (néologisme dérivé de "caudillo", dictateur militaire) désigne aujourd'hui habituellement, dans les pays hispanophones, un leadership personnaliste.

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