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Argentine : Kirchner président - Menem s'est retiré du second tour de l'élection présidentielle

Nestor Kirchner - Photo Frente para la Victoria
BUENOS AIRES, jeudi 15 mai 2003 (LatinReporters.com) - Gouverneur de la province de Santa Cruz, le péroniste de centre gauche Nestor Kirchner, 53 ans, sera proclamé président de la République argentine le 25 mai pour un mandat de quatre ans. Son adversaire néolibéral, l'ex-président péroniste Carlos Menem, a jeté l'éponge mercredi soir. Son retrait de la course à la présidence rend inutile le second tour de l'élection présidentielle prévu pour le 18 mai. L'annulation légale du second tour prive M. Kirchner d'un triomphe annoncé par les sondages et ternit d'emblée son autorité et sa présidence, à laquelle ne sera associée que son score de 22% obtenu au premier tour.

Pour un président, ce score est le plus bas de l'histoire de l'Argentine. Dix-sept mois après la démission dramatique du président radical Fernando De la Rua et alors que le président intérimaire Eduardo Duhalde (un péroniste désigné par le Parlement) doit passer le relais, le retour au suffrage universel ne semble donc pas garantir la gouvernabilité de la troisième puissance latino-américaine, toujours secouée par une grave crise économique et sociale.

Pour le second tour annulé, la plupart des sondages annonçaient, en moyenne, 70% des suffrages pour Nestor Kirchner contre 30% à l'ex-président Carlos Menem. Ce dernier, malgré ses 72 ans, avait remporté le 27 avril le premier tour avec 24,36 % des voix. Mais, toujours selon les sondages, le rejet que M. Menem soulève parmi la majorité des Argentins, qui associeraient sa gestion passée (1989-1999) à la corruption, aurait reporté au second tour sur Nestor Kirchner l'essentiel des voix obtenues par les candidats éliminés au premier tour.

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Annonçant son retrait dans un discours télévisé diffusé mercredi soir, Carlos Menem en a rejeté la faute sur le président intérimaire sortant, Eduardo Duhalde, qu'il a accusé d'avoir alimenté contre lui une campagne "systématique de diffamation et de calomnies, créant les conditions pour qu'une grande partie de l'opinion publique puisse se voir soumise à la violence morale de devoir choisir un candidat à la présidence (Nestor Kirchner) qu'elle connaît à peine et en qui elle n'a pas confiance".

Le président sortant, vieil ennemi et concurrent de Carlos Menem au sein du péronisme, soutenait ouvertement Nestor Kirchner. Reflétant des sentiments très répandus à Buenos Aires, l'éditorialiste du quotidien La Nacion qualifiait mercredi "d'attitude honteuse" la "renonciation irresponsable" de Carlos Menem, mais reprochait parallèlement à Eduardo Duhalde d'avoir "négligé son rôle (de chef d'Etat) au profit de celui de chef virtuel de campagne électorale, privilégiant les intérêts personnels ou partisans au détriment de l'intérêt général".

De l'Uruguay voisin, qu'il visitait officiellement mercredi, Eduardo Duhalde a accusé Carlos Menem d'avoir voulu provoquer "le pire des dommages" en renonçant au second tour de l'élection présidentielle. Quelques jours plus tôt, dans une interview à une télévision argentine, le président Duhalde affirmait que "le docteur Menem a deux possibilités, comme en boxe, ou perdre par abandon ou perdre par KO".

Quant à Nestor Kirchner, prochain président frustré d'un ultime combat qui s'annonçait glorieux, il traite Carlos Menem de "lâche" qui prive les Argentins de leur droit de vote après leur avoir "volé le droit à travailler, à manger, à étudier et à espérer".

Outre son influence imprévisible sur la gouvernabilité de l'Argentine, le jet d'éponge de Carlos Menem a des conséquences diverses. Il évite la matérialisation de la première défaite électorale qu'aurait probablement subie celui qui, en politique, n'a jamais voulu "être le second de personne". Il préserve aussi des retombées d'une défaite qui s'annonçait humiliante les parlementaires nationaux, les gouverneurs de province et les mandataires municipaux considérés comme "menemistes". A travers eux, Carlos Menem espère peut-être conserver quelque influence, d'autant plus que le score électoral historiquement bas qui restera associé à la prochaine présidence sera perçu comme la capacité de Menem, même acculé, à faire de l'ombre à ses adversaires politiques.

A cet égard, l'un des plus éminents analystes politiques argentins, Rosendo Fraga, estime que "Menem a cessé d'être une option de pouvoir. Il n'y aura plus de Menem en 2007 ou en 2011, quoique les ex-présidents puissent prolonger leur influence dans la politique argentine, comme l'a démontré (l'ex-président radical) Alfonsin pendant plus d'une décade".

La renonciation de Carlos Menem signifie aussi, comme l'indiquent les quotidiens Pagina/12 et La Nacion, le triomphe absolu des sondages. En prédisant la défaite de Carlos Menem au second tour, ils l'ont incité au retrait. Les sondages auraient donc été l'un des facteurs décisifs de l'accession d'un candidat- Nestor Kirchner- à la présidence d'un pays démocratique. C'est étonnant, voire inquiétant.

Se positionnant au centre gauche, Nestor Kirchner s'est élevé mercredi contre les groupes économiques qui ont "dévasté et extorqué" l'Argentine. Il a promis qu'il n'en serait pas la "proie".

Le semaine dernière, avec l'aide de l'administration d'Eduardo Duhalde, Nestor Kirchner avait été reçu à Brasilia par le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva et à Santiago du Chili par le président Ricardo Lagos. Les accolades avec ces deux principaux tenants de la gauche sociale-démocrate sud-américaine symbolisent les options économiques et de politique étrangère de Nestor Kirchner.

Pour l'instant, le patronat ne s'en émeut pas. Le président de Fiat-Argentine, Cristiano Rattazi, espère même que Kirchner "comprenne qu'il doit ressembler le plus possible à Lula ou à Ricardo Lagos et le moins possible à Hugo Chavez" (le président populiste pro-cubain du Venezuela).

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