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Le péronisme, malgré sa division sans précédent, est le véritable vainqueur du scrutin

Argentine: duel péroniste Menem-Kirchner et choix apparent de société au 2d tour des élections présidentielles

Nestor Kirchner (à gauche - photo Frente para la Victoria) et Carlos Menem (photo Norma Domínguez)
BUENOS AIRES, mardi 29 avril 2003 (latinreporters.com) - Etonnant animal politique, l'ex-président péroniste et néolibéral Carlos Menem, 72 ans, a remporté dimanche le premier tour des élections présidentielles argentines avec 24,36% des voix. Le 18 mai, un péroniste de centre gauche, Nestor Kirchner, crédité avant-hier de 21,99% des suffrages, sera son adversaire lors d'un second tour inédit, car il n'y en a jamais eu dans l'histoire électorale argentine.

Entre le libéralisme pro-américain de Carlos Menem et l'apparent égalitarisme nationaliste de Nestor Kirchner, les Argentins pourront croire à un choix de société, même si le péronisme, considéré globalement, est déjà le grand vainqueur du scrutin présidentiel.

Compte tenu du score de 14,12% d'un troisième candidat péroniste, le populiste Adolfo Rodriguez Saa, 60% des électeurs ont en effet plébiscité le mouvement créé dans les années 1940 par le mythique Juan Domingo Peron, qui conciliait, à l'origine, mesures sociales, antiaméricanisme, catholicisme, nationalisations et répression.

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L'éclatement sans précédent, aujourd'hui, du péronisme en trois fronts électoraux lui a donc permis paradoxalement, dimanche, de faire un plein de voix historique et de maintenir dans l'ombre toute véritable alternative de gauche en Argentine. "Les péronistes, nous sommes comme les chats. Lorsque nous semblons nous disputer, en réalité nous nous reproduisons" avait prédit le rusé Juan Domingo Peron. Dans la même logique, nombre de péronistes estiment former un mouvement davantage qu'un parti. Il en résulte une élasticité idéologique ouverte, dans le passé, tant à des guérilleros de gauche qu'à des paramilitaires de droite.

Sans pouvoir encore évaluer l'effet de la campagne qui va précéder le second tour du 18 mai, les premières analyses des médias de Buenos Aires penchent en faveur d'une victoire de Nestor Kirchner. A 53 ans, ce gouverneur de la discrète province pétrolière de Santa Cruz n'a ni le charisme ni l'expérience de Carlos Menem. Mais il est appuyé par l'appareil du président intérimaire sortant, Eduardo Duhalde, vieil adversaire de Menem au sein du péronisme. Et le fief d'Eduardo Duhalde, c'est la province de Buenos Aires, véritable clef de la Casa Rosada présidentielle, car elle concentre le tiers des 36 millions d'Argentins et des 25,4 millions d'électeurs du pays.

Plus grave pour Carlos Menem: des sondages préélectoraux ont élevé son taux de rejet jusqu'à 57%. Ce qui veut dire qu'actuellement près de six Argentins sur dix ne voteraient jamais pour l'ex-président, associé à la corruption de sa décennie de pouvoir. Pour l'ex-chef de l'Etat, transformer en majorité absolue ses 24% du premier tour relèverait donc de l'impossible si Kirchner capitalisait les votes anti-Menem. Mais avant les élections présidentielles de 1989 et de 1995, les sondages avaient prédit la défaite de Carlos Menem, qui fut pourtant élu deux fois dès le premier tour.

L'âge de Carlos Menem, 72 ans, soit une génération de plus que son adversaire, pourrait aussi être un handicap électoral. Aussi certains commentateurs soulignent-ils aujourd'hui l'opportunité de son mariage, en 2001, avec la chilienne et ex-Miss Univers Cecilia Bolocco, de 35 ans sa cadette. Le couple annonce une naissance pour décembre. "Mon fils naîtra avec du pain sous le bras" clamait jeudi dernier Carlos Menem, devant 40.000 personnes qui l'écoutaient, à Buenos Aires, au stade du River Plate.

L'heure est désormais à la recherche d'alliances en vue du second tour. Carlos Menem et Nestor Kirchner vont courtiser les trois principaux candidats éliminés au premier tour: le néolibéral Ricardo Lopez Murphy (16,35% des voix), la pasionaria anticorruption Elisa Carrio (14,14%) et le péroniste Alfonso Rodriguez Saa (14,12%). Jusqu'à présent, aucun d'eux ne se déclare ouvert à la négociation d'un appui électoral.

Menem pourrait éventuellement convaincre une partie des partisans de Lopez Murphy et de ceux de Rodriguez Saa. Sera-ce suffisant pour conjurer le vote antimenemiste?

Visant le plus large électorat possible et notamment les 40% d'Argentins non péronistes qui n'ont plus de candidat pour le second tour, Nestor Kirchner en appelle au rassemblement des "péronistes, radicaux, socialistes et indépendants", pour éviter le retour du libéralisme (celui de Carlos Menem) qui a "rasé la classe ouvrière et ruiné la classe moyenne". Se plaçant de facto au centre gauche, Kirchner défend l'intervention de l'Etat dans l'économie. Il prône notamment "la production nationale", la "dignité" et la formation d'un "Front national et populaire progressiste", dans la ligne, dit-il, du mouvement fondé par Juan Domingo Peron.

Se prévalant tout autant de Peron, Carlos Menem, lui, promet une main dure contre la délinquance et les "piqueteros" (chômeurs qui protestent en coupant les routes). "Je vais saturer les rues de forces de sécurité et, si nécessaire, de soldats pour combattre la délinquance" clamait-il avant le premier tour. Comme lors de ses deux premiers mandats, il privatiserait "les entreprises publiques qui ne fonctionnent pas" et favoriserait la libre circulation des capitaux. Pro-américain et à ce titre partisan, comme George W. Bush, de la Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA), il travaillerait à l'union des Amériques "de l'Arctique à l'Antarctique".

Plus de 25 millions d'électeurs argentins, dont 57% de pauvres, pourront opter le 18 mai pour l'un ou l'autre de ces modèles de société, mais sans sortir du cadre péroniste.

"Je me considère déjà président" s'écriait dimanche soir Carlos Menem en se voyant en tête du premier tour. Nestor Kirchner répliquait aussitôt que le second tour définira "une Argentine de l'exclusion ou de l'égalité".

Lundi, la bourse de Buenos Aires s'est effondrée. Son indice Merval a chuté de 8,4%. Les opérateurs économiques redoutent donc une défaite de Carlos Menem. Ils souhaitaient que passent au second tour Menem et Lopez Murphy afin de s'assurer que la victoire finale se dispute entre deux néolibéraux.

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