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Le recours à l'armée contre la police rompt une tradition

Bolivie

Nouveau gouvernement après les affrontements qui ont fait 33 morts
Le président Gonzalo Sanchez de Lozada
Photo Presidencia de la Republica

LA PAZ, jeudi 20 février 2003 (latinreporters.com) - Après une semaine d'affrontements qui ont fait 33 morts, le président bolivien Gonzalo Sanchez de Lozada a annoncé mercredi la formation d'un nouveau gouvernement de 13 ministres au lieu de 18. L'austérité est le mot d'ordre du nouvel exécutif.

C'est l'annonce, à la requête du Fonds monétaire international (FMI), d'un impôt de 12,5% sur les salaires de 750.000 fonctionnaires, dont les policiers, qui déclencha les violences. L'armée a réprimé durement les manifestations de policiers mutinés et de civils. Pour favoriser le retour au calme, le président Sanchez de Lozada a dû renoncer au nouvel impôt.

Néanmoins, Javier Comboni, responsable du plan économique rejeté par la population, demeure ministre des Finances.

Mis en cause après les échanges de tirs entre policiers et militaires, le ministre de l'Intérieur -Alberto Gasser- et celui de la Défense -Freddy Teodovic- ne subissent pas le même sort. Le premier est écarté du gouvernement, tandis que le second conserve son portefeuille. Ce dénouement confirme l'impression que le président Sanchez de Lozada renforce le rôle politique de l'armée, brisant une tradition de son propre parti, le Mouvement nationaliste révolutionnaire, MNR. (Voir aussi article ci-contre).

La politique extérieure reste aux mains de Carlos Saavedra Bruno, du Mouvement de la gauche révolutionnaire (MIR).

Une des nouveautés est la nomination comme ministre du Travail de Carlos Subirana, militant de l'Union civique solidarité (UCS), troisième parti de la coalition gouvernementale.

L'hostilité de l'opposition, des syndicats et des mouvements sociaux nourrit les doutes sur la continuité de Sanchez de Lozada sept mois seulement après le début de son mandat de quatre ans.

La Bolivie affronte une grave crise de gouvernabilité politique

par Julio Burdman

LA PAZ, vendredi 14 février 2003 (NuevaMayoria.com) - Les affrontements de La Paz lors d'une bataille rangée entre militaires et policiers -on dénombre déjà 27 morts, en majorité des manifestants civils- se produisent dans le contexte d'une crise sérieuse de gouvernabilité politique, aggravée par la crise économique. Recourir aux militaires pour contrôler la police bouleverse une tradition qui tendait à contrebalancer l'influence de l'armée.

Les élections présidentielle et législatives du 30 juin dernier, caractérisées par la division entre partis "systémiques" et "asystémiques", ont transformé le trépied politique des dernières décennies. L'existence de plusieurs partis dont aucun n'est majoritaire est un phénomène de longue date dans la politique bolivienne, mais la formule de "démocratie pactisée", caractérisée par les coalitions parlementaires, avait fonctionné de manière satisfaisante.

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Les "systémiques" sont les partis de gouvernement: le Mouvement nationaliste révolutionnaire (Movimiento Nacionalista Revolucionario, MNR) du président Sanchez de Lozada, le Mouvement de la gauche révolutionnaire (Movimiento de Izquierda Revolucionaria, MIR) de l'ex-président Jaime Paz Zamora et l'Action démocratique nationaliste (Acción Democrática Nacionalista, ADN) de feu le général Banzer. Ce sont les trois partis qui, moyennant différentes alliances, ont gouverné le pays depuis les années 80. Malgré leurs dénominations pompeuses et quelque peu démodées, les trois partis tendent à la modération et au consensus. L'Union civique solidarité (Unión Cívica Solidaridad, UCS) est le quatrième membre de ce groupe.

Quant aux partis "asystémiques", il s'agit de ceux définis par leur opposition aux précédents et au système de coalitions parlementaires. Les partis les plus notoires de ce courant sont le Mouvement vers le socialisme (Movimiento al Socialismo, MAS) d'Evo Morales et le Mouvement indigène Pachakuti (Movimiento Indigena Pachakuti, MIP) -deux partis indigénistes qui défendent les cocaleros (cultivateurs de coca)- auxquels il faut ajouter la Nouvelle force républicaine (Nueva Fuerza Republicana, NFR) du capitaine Manfred Reyes Vila

Aux dernières élections, le MNR (22,5%) et le MIR (16,5%) ont récolté un volume de voix inférieur à leur moyenne historique, totalisant ensemble 39% des suffrages. Mais c'est l'ADN, pratiquement disparue après la mort de Banzer, qui a subi le coup le plus dur, n'obtenant que 3,4% des voix. Parallèlement, la forte croissance du MAS d'Evo Morales, en deuxième place avec 21%, et du NFR de Reyes Vila, troisième avec 20,9%, transforme le rapport de forces qui soutint pendant plus de 15 ans la gouvernabilité. Les nouvelles forces politiques, les "asystémiques", ne sont pas si compatibles avec le modèle politique bolivien.

Le MNR de Sanchez de Lozada a réussi de justesse à former un gouvernement grâce à l'apport, au Congrès, des voix du MIR, de l'UCS, de ce qui subsistait de l'ADN et de quelques députés régionaux. Mais depuis son entrée en fonction, ce gouvernement affronte une situation de faiblesse politique exceptionnelle.

L'opposition politique et le conflit social se superposent et cette superposition est le facteur qui aggrave la fragile situation de Sanchez de Lozada. Evo Morales, chef de l'opposition, est en même temps la tête visible de la contestation sociale qui réclame la démission du gouvernement depuis le quatrième mois de sa formation. La violence éclate à La Paz peu de jours après les affrontements, qui firent trois morts, entre cultivateurs de coca et la police dans la zone du Chapare et au moment où la mission du Fonds monétaire international (FMI) est dans la capitale.

Morales, qui tente d'afficher une image de capacité administrative, mène également une opposition radicalisée et antigouvernementale, récoltant ainsi des appuis de secteurs sociaux et politiques au-delà de son propre mouvement.

Aussi la crise qu'affronte Sanchez de Lozada l'empêche-t-elle non seulement de gouverner, mais elle met aussi en péril sa continuité. Sa faiblesse ne lui a pas permis de reprendre la politique d'éradication de la coca dans le Cochabamba, qui est un axe de sa relation avec Washington, et lui complique l'application de l'accord avec le FMI sur la réduction de 3 points du déficit fiscal. Ses alliés du MIR de Paz Zamora - parti dont l'espace se réduit dans la société bolivienne- commencent à prendre leurs distances et le NFR, d'autre part, exerce également une opposition active.

Dans le cas éventuel d'une chute précipitée du chef de l'Etat, le système semi-parlementaire bolivien prévoit l'élection d'un nouveau président de la République au sein du Congrès. En réclamant la démission du président Sanchez de Lozada -Morales est député et pourrait être élu- l'opposition n'écarte pas la probabilité d'une crise institutionnelle

Dans ce contexte, s'appuyer sur les militaires pour surpasser la crise produite par la mutinerie policière acquiert une signification politique. Avoir soumis les policiers aussi à l'impôt salarial de 12,5% - ce qui impliquait une réduction immédiate de leurs revenus au moment où le syndicat de la police s'efforçait d'obtenir une augmentation de salaires congelés- fut une démonstration de force annonciatrice de l'irruption des militaires sur une scène fragile.

La gestion intransigeante de la crise renforce cette hypothèse. En appelant les militaires pour contrôler la police - ouvrant ainsi la possibilité de leur participation à l'endiguement du conflit avec les paysans et les cultivateurs de coca- on bouleverse une tradition du MNR. En effet, une particularité de la Bolivie, depuis la décade des années 50, est que la police était un facteur de pouvoir proche des partis politiques, facteur utilisé en période d'instabilité institutionnelle pour contrebalancer le pouvoir militaire.

Se durcir et s'appuyer sur les militaires est le chemin que le gouvernement choisit pour faire face aux risques d'ingouvernabilité sociale et politique qui menacent sa continuité. Les attitudes radicales se renforcent et augmentent leurs appuis dans des secteurs de plus en plus larges. Ce virage garantit la stabilité gouvernementale dans l'immédiat et isole Evo Morales, mais sans résoudre pour l'instant le problème de fond de la crise de gouvernabilité.

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