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60% de oui, mais le non gagne dans 4 des 9 départements
Bolivie : l'essentiel de la Constitution "plurinationale" d'Evo Morales
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Evo Morales lors de sa campagne pour le oui au référendum sur la nouvelle Constitution (Tarija, 20 janvier 2009 - Photo José Lirauze / ABI). |
LA PAZ, lundi 26 janvier 2009 (LatinReporters.com) - La "libre détermination" dans le cadre d'un "Etat unitaire plurinational", avec compétences tant politiques que territoriales, administratives
et judiciaires, est reconnue en Bolivie aux "peuples indigènes" par
la nouvelle Constitution qu'Evo Morales, premier président amérindien
du pays, a fait approuver au référendum du 25 janvier. Sur le
plan économique, la nouvelle Charte fondamentale instaure le rôle
dominant de l'Etat, dans le fil des réformes adoptées dans d'autres
pays, tels le Venezuela et l'Equateur, relevant comme la Bolivie de la gauche
dite radicale. Selon les sondages à la sortie des urnes, le oui a recueilli 60% des suffrages, mais les
40% restants permettent au non de l'emporter dans 4 des 9 départements. La Bolivie reste
divisée.
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La Constitution adoptée introduit le droit à briguer un second
mandat présidentiel consécutif. Evo Morales remportera-t-il
les élections présidentielle et législatives anticipées
déjà fixées au 6 décembre 2009? Si les pronostics
en sa faveur ne sont pas bousculés, notamment par la crise financière
et économique mondiale, qui menace de réduire de moitié
cette année les revenus d'exportation du gaz bolivien, le président
Morales pourrait conserver pour le quinquennat 2010-2015 un pouvoir qu'il
assume depuis janvier 2006 avec l'appui de son Mouvement vers le socialisme
(MAS). Et à propos de réélection, la victoire référendaire
d'Evo Morales, même avec un score de 60% de oui très au-dessous des 70% qu'il ambitionnait,
épaulera psychologiquement son allié vénézuélien Hugo Chavez.
Ce dernier est en campagne pour tenter d'obtenir, le 15 février prochain par
référendum, le droit constitutionnel de se présenter
indéfiniment à l'élection présidentielle.
Aux termes de la nouvelle Constitution, 37 langues, l'espagnol et 36 autres
d'un nombre égal de peuples autochtones, sont désormais officielles
en Bolivie. La représentation de tous les peuples originaires est assurée
à l'Assemblée législative plurinationale, qui remplacera
l'actuel Congrès national. Elle l'est aussi dans d'autres organismes
de l'Etat, dont le Tribunal constitutionnel.
Parmi les 10 millions de Boliviens, dont près de 4 millions étaient appelés
aux urnes, une proportion de 60% s'estimerait indigène si l'on considère
toujours comme pertinent ce pourcentage issu du recensement de 2001. La Bolivie
est ainsi l'unique pays d'Amérique latine où seraient majoritaires
les Amérindiens. Le recensement ne laissait toutefois aux métis
d'autre choix que de se définir soit comme blanc soit comme indigène.
Les évaluations médiatiques persistent d'autre part à
ne dénombrer en Bolivie qu'environ 3 millions d'Amérindiens
de pure souche, soit 1,5 million d'Aymaras, dont le président Evo Morales,
1,3 million de Quechuas et à peine 250.000 pour l'ensemble des 34
autres peuples originaires. La dernière enquête de la Fondation
Unir estime, elle, que la véritable majorité serait, avec 79,8%
de la population, celle des métis, qui n'ont jamais formé
un front politique comme celui que conduit Evo Morales au nom des Amérindiens.
Dans la nouvelle Charte fondamentale, l'Etat bolivien devient "l'acteur central" d'un modèle
dans lequel toutes les formes d'organisation économique ont l'obligation
de générer un "travail digne" et de contribuer à la réduction
des inégalités et de l'éradication de la pauvreté,
la plus élevée du sous-continent sud-américain. Propriété
et économie privées conservent un droit de cité encadré
au sommet par l'Etat et à la base par des organisations communautaires.
La limite maximale des latifundia a été établie à
5.000 hectares par les électeurs qui, dans une question annexe au référendum
constitutionnel, pouvaient choisir entre cette superficie et celle
de 10.000 hectares. Toute propriété
supérieure à la limite choisie sera expropriable. Mais cette
mesure ne sera pas rétroactive, ce qui désamorce son caractère
explosif initial. Elle ne s'imposera qu'aux propriétés acquises
après l'entrée en vigueur de la Constitution.
Les ressources naturelles, dont les hydrocarbures (pétrole et gaz),
sont consacrées comme "propriété du peuple bolivien"
et l'Etat les administrera "en fonction de l'intérêt collectif",
assumant le contrôle et la direction de la prospection, de l'exploitation,
de l'industrialisation, du transport et de la commercialisation des ressources
stratégiques.
Reconnue même par nombre de détracteurs de la nouvelle Constitution,
l'une de ses vertus théoriques est l'ampleur qu'elle accorde aux droits
fondamentaux, civils, politiques, sociaux et économiques. On notera
dans ce chapitre les droits concernant la santé, l'éducation,
la salubrité de l'environnement et l'accès universel aux services
de base tels que, entre autres, l'eau, l'électricité, le gaz
et les télécommunications.
Outre celle des peuples indigènes, l'autonomie départementale
est elle aussi théoriquement reconnue. La religion catholique perd
son caractère officiel. La feuille de coca est protégée
en qualité de "patrimoine culturel" et de "facteur de cohésion
sociale" dans un article constitutionnel qui rappelle qu'elle "n'est pas un
stupéfiant dans son état naturel".
Arguments de ceux qui ont voté non
Les opposants à cette Constitution la critiquent pour quatre raisons
essentielles: la discrimination qu'elle établit au bénéfice
des populations amérindiennes, l'insuffisance supposée de l'autonomie
départementale, le traitement de questions touchant aux croyances religieuses
et l'absence apparente de recours ou d'institutions permettant de garantir
ou d'exercer réellement les droits généreusement énoncés.
Des personnalités aussi diverses que l'ex-président centriste
et métis Carlos Mesa ou l'ex-guérillera Loyola Guzman, membre
de l'Assemblée constituante dans les rangs du MAS d'Evo Morales et
compagne de combat de "Che" Guevara dans les années 60, ont voté
non après avoir dénoncé la division de la société
que constitutionnalise à leurs yeux l'octroi aux peuples originaires
de droits supérieurs à ceux des autres Boliviens, notamment
quant à l'autonomie territoriale et judiciaire.
"Sous la tromperie du discours ethnique" estime Carlos Mesa, "on a consacré
la discrimination comme élément central" d'un texte qui constitutionnalise
une société "de citoyens de première et de seconde
catégories, en fonction de l'origine et de la couleur de la peau".
L'ex-président, autrefois journaliste indépendant et analyste
de télévision très populaire, va jusqu'à accuser
une partie de la communauté internationale de pratiquer "une forme
de racisme inacceptable" en donnant "le feu vert" à la Constitution
d'Evo Morales essentiellement parce que ce dernier est indigène, sans
se préoccuper de sa bonne ou mauvaise gestion.
Quant à l'autonomie départementale, sans ressources financières
claires et largement soumise au bon vouloir gouvernemental, elle est jugée
insignifiante dans les départements conservateurs de l'est, -Pando, Beni, Santa
Cruz et Tarija- qui avaient plébiscité par référendum
en 2008 une autonomie plus large non reconnue par Evo Morales. Des heurts
violents faisant plusieurs dizaines de morts ont opposé l'an dernier
partisans du président et défenseurs de l'autonomie de ces
départements accusés de sécession et où le non
à la Constitution vient de triompher. Evo Morales, qui a lancé dimanche un appel à
l'unité après la diffusion des estimations de résultats, ne doit à nouveau
sa victoire qu'aux quatre départements andins, les plus peuplés et les plus pauvres,
à l'ouest du pays. Il estime néanmoins que la Bolivie vient d'être "refondée".
Santa Cruz et Tarija abritent l'essentiel du secteur agroalimentaire et la
quasi totalité du pétrole et du gaz boliviens. Les gouverneurs
de ces deux départements, respectivement Ruben Costas et Mario Cossio,
ont invité au soir du scrutin le président Morales à
conclure un "pacte national" pour déjà réviser la toute
fraîche Constitution. Ce qui laisse supposer qu'ils tenteront peut-être d'empêcher
son application sur leur territoire. Au total, quatre ou cinq des neuf départements
du pays, car dans celui de Chuquisaca (centre) le oui ne l'a emporté que de justesse, pourraient
participer à cette nouvelle fronde. Si c'était le cas, le référendum
constitutionnel n'aurait en rien contribué à pacifier la Bolivie. A cet égard, Ruben
Costas affirme que l'est bolivien "continuera à résister au socialisme de Hugo Chavez"
[le président vénézuélien, qui inspire et soutient Evo Morales; ndlr].
Côté religion, la Conférence épiscopale bolivienne
a vivement critiqué la nouvelle Constitution, qui prive le catholicisme
de son statut de religion d'Etat et qui, selon les évêques, ouvrirait
la voie au mariage homosexuel, même si l'article 63 considère
que le mariage sera constituée par l'union "entre une femme et un homme",
condition qui s'étend aussi aux "unions libres".
Enfin, au chapitre de l'insuffisance supposée de la protection des
droits établis dans la Constitution, le politologue Jorge Lazarte,
ex-membre lui aussi de l'Assemblée constituante (d'abord dans les rangs
des conservateurs de l'Unité nationale, puis à titre d'indépendant),
estime notamment que "le Tribunal constitutionnel ne pourra pas jouer
son rôle de garant des droits des gens" en fonction de la politisation
que suppose l'élection de ses membres au suffrage universel et selon
des critères de "plurinationalité".
Même son de cloche du professeur Willman Duran, président
du Tribunal constitutionnel de 2004 à 2006. Selon lui, "la Constitution
n'articule aucun mécanisme permettant aux citoyens de recourir devant
des organismes indépendants s'ils sont agressés dans leurs droits".
Et cela parce que "les juges et magistrats émaneront de coupoles élues
au suffrage universel tant pour le Tribunal constitutionnel que pour le Tribunal
suprême, le Conseil de la magistrature ou le Tribunal agro-environnemental.
Cela pourrait être fonctionnel dans un pays à parti unique,
comme l'ancienne URSS, mais dans un régime démocratique, il
est indispensable qu'existent des organes judiciaires indépendants
garantissant l'impartialité. Ils ne le seront pas ici, car ils seront
l'objet d'une lutte électorale et partisane".
Plus prosaïquement, toujours à propos de droits énoncés
qui risquent de ne pas être appliqués, un journaliste de La Paz
rappelle que l'article premier de la Constitution cubaine consacre textuellement "la liberté
politique". "Et comme les frères Castro, ajoute-t-il, Evo Morales estime
que son régime est irréversible et établi pour toujours.
Il l'a dit pendant la campagne référendaire".
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Résultat final du référendum
61,49% DE OUI À LA CONSTITUTION INDIGÉNISTE
LA PAZ, 29 janvier 2009 (LatinReporters) - Diffusé le 29 janvier par
la Cour nationale
électorale (CNE) de Bolivie après dépouillement
de 99,63% des bulletins de vote, le résultat pratiquement définitif
du référendum du 25 janvier sur la nouvelle Constitution indigéniste
proposée par le président amérindien de gauche Evo Morales
confirme la victoire du oui avec 2.059.811 suffrages (61,49%), contre 1.290.095
(38,51%) pour le non.
La participation au scrutin -90,25%- est exceptionnelle malgré le
caractère obligatoire du vote.
Parmi les 9 départements que compte le pays, 5 ont voté majoritairement pour le oui
et 4 pour le non. La division à la fois régionale, socio-politique et ethnique
de la Bolivie s'en trouve consolidée.
Comme prévu, le oui a triomphé à l'ouest, dans les 4
départements andins (La Paz, Cochabamba, Oruro et Potosi), les plus
pauvres et les plus peuplés, habités par une majorité
d'Amérindiens soutenant pour la plupart le gouvernement de gauche.
Le département central de Chuquisaca s'est finalement décanté
aussi en faveur du oui, mais avec une faible marge.
Comme prévu aussi, le non a été largement plébiscité
dans les 4 départements de l'est (Pando, Beni, Santa Cruz et Tarija).
Ils aspirent à un degré d'autonomie régionale qu'à
leurs yeux la nouvelle Constitution ne satisfait pas.
Les partis conservateurs sont majoritaires dans ces départements où la proportion
d'Amérindiens est nettement moins importante qu'à l'Ouest. L'essentiel de l'industrie
agroalimentaire de la Bolivie et la quasi totalité des ses réserves
de gaz et de pétrole se situent dans les départements de Santa
Cruz et de Tarija.
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