Colombie: l'ONU offre sa médiation à la guérilla et au nouveau président Alvaro Uribe
Le nouveau président colombien, Alvaro Uribe, a déclaré en avoir reçu la confirmation lors d'une conversation téléphonique tenue jeudi avec le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan. La veille, lors de l'investiture d'Alvaro Uribe à Bogota, plusieurs explosions attribuées aux FARC firent dans la capitale 20 tués et plus de 60 blessés, selon le bilan diffusé vendredi. Tous les morts, dont 3 fillettes et 14 déshérités d'un quartier pauvre, ainsi que la quasi totalité des blessés étant à nouveau des civils, frappés "par erreur" par des projectiles explosant relativement loin des objectifs supposés de la guérilla (le palais présidentiel et d'autres bâtiments officiels), les FARC ont été qualifiées de terroristes même par des agences de presse internationales utilisant d'ordinaire une terminologie prudente. Tant l'Union européenne que les Etats-Unis considèrent officiellement les FARC comme une organisation terroriste dont les avoirs doivent être gelés.
Avant le triomphe électoral d'Alvaro Uribe, dissident libéral élu le 26 mai dernier au premier tour avec 53% des suffrages, les FARC avaient conditionné la reprise d'un dialogue avec les autorités à la cession à la guérilla de l'administration d'une "zone démilitarisée" de 160.000 km2, soit plus de 15% du territoire national, dans le sud colombien. Une mesure similaire plus réduite, portant sur 40.000 km2 pendant plus de trois ans, avait considérablement renforcé les FARC et fait du conservateur Andres Pastrana, le prédécesseur d'Alvaro Uribe, le président le plus impopulaire de l'histoire de la Colombie. A New York, le secrétariat de l'ONU a indiqué jeudi que, comme à l'époque du gouvernement d'Andres Pastrana, Kofi Annan maintenait "sa disponibilité pour agir comme médiateur afin de tenter de trouver une solution au conflit", mais que "pour entamer des négociations, deux interlocuteurs sont nécessaires". Quelques heures plus tôt, Kofi Annan avait condamné les attentats terroristes perpétrés à Bogota le jour de l'investiture d'Alvaro Uribe. La nouvelle tuerie de civils fut également vivement critiquée par de nombreux organismes internationaux et gouvernements, dont celui des Etats-Unis. Le président américain George W. Bush exprima ses condoléances pour les victimes de ces "actes atroces de terrorisme" et affirma que son pays continuera à coopérer avec la démocratie colombienne. Depuis le début du mois d'août, le gouvernement de Bogota est autorisé à utiliser directement contre la guérilla l'importante aide militaire, dont plusieurs dizaines d'hélicoptères de combat, octroyée par Washington à la Colombie pour lutter contre le narcotrafic. Quant à l'Union européenne, elle a félicité le nouveau président Uribe, soulignant son "engagement" à chercher une solution négociée au conflit colombien. Plébiscité par les électeurs colombiens pour sa fermeté à l'égard de la guérilla et en particulier pour son refus de toute concession sans cessez-le-feu préalable, Alvaro Uribe a averti lors de son discours d'investiture que le conflit intérieur colombien pourrait "déstabiliser la région". Aussi le nouveau président a-t-il sollicité des pays voisins qu'ils ferment leurs frontières aux groupes illégaux. Depuis le début de 2002, la présence et les exactions de groupes armés irréguliers colombiens se sont intensifiées dans des zones frontalières en Equateur, au Panama, au Venezuela, au Pérou et au Brésil. La presse brésilienne affirmait le mois dernier qu'une force armée d'intervention serait bientôt constituée par plusieurs pays d'Amérique latine pour attaquer la guérilla et les paramilitaires d'extrême droite colombiens au début de 2003. Cette information a été officiellement démentie par plusieurs gouvernements latino-américains, dont ceux du Chili, du Brésil, de l'Equateur et du Pérou. Principale guérilla de Colombie, les FARC comptent entre 15.000 et 17.000 combattants. Le conflit intérieur colombien a fait depuis 1964 plus de 200.000 morts et déplacé plus de deux millions de personnes, essentiellement des travailleurs agricoles venus grossir les banlieues pauvres de Bogota, Medellin et Cali. Alimenté originellement par la violence gouvernementale et des injustices sociales criantes, ce conflit est aujourd'hui attisé par le narcotrafic, largement contrôlé par la guérilla et les paramilitaires. Les massacres répétés de civils expliquent l'effondrement de la popularité des rebelles et l'appui manifesté par un nombre croissant de Colombiens aux paramilitaires, pourtant aussi cruels et meurtriers que la guérilla qu'ils combattent en utilisant les mêmes méthodes qu'elle. "Avec le taux d'homicides de l'Angleterre, nous aurions 200 morts chaque année. Un seul, c'est déjà très grave, 200 aussi, mais nous en souffrons 34.000. En plus, les 3.000 à 3.600 enlèvements dénoncés (chaque année en Colombie) constituent 60% de ce type de délit dans le monde" constatait Alvaro Uribe dans son discours d'investiture. Vous pouvez réagir à cet article sur notre forum
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