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"Offensive finale" préparée lors de négociations dites de paix
Colombie-FARC: Fidel Castro révèle le double jeu de la guérilla
par Christian GALLOY, directeur de LatinReporters
MADRID, vendredi 14 novembre 2008 (LatinReporters.com) - Intentionnellement ou non et malgré son salut à "la fermeté
révolutionnaire" de Manuel Marulanda, fondateur et chef historique
de la guérilla colombienne des FARC décédé en
mars dernier, l'ex-président cubain Fidel Castro révèle
dans son livre "La Paz en Colombia" ("La paix en Colombie") le double jeu
-expression que n'utilise pas Castro- du leader guérillero. Marulanda
préparait en effet une "offensive finale" à l'ouverture même
des dernières négociations dites de paix entre les FARC et un président
colombien.
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Le livre de Fidel Castro "La paix en Colombie" peut être téléchargé (en espagnol) à partir du site CubaDebate |
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Diffusé depuis le 13 novembre et téléchargeable à
partir du site CubaDebate,
l'ouvrage de Fidel Castro donne une vision du conflit
colombien depuis ses antécédents, en 1948, jusqu'à la
fin, en 2002, de la présidence d'Andrés Pastrana, auquel a
succédé l'actuel président colombien Alvaro Uribe. Moins
que la plume et les opinions de Fidel Castro, ce sont de longues citations,
y compris de documents officiels inédits, qui confèrent un réel
intérêt à quelques dizaines des 265 pages d'un livre
destiné à valoriser les bons offices peu connus de Cuba dans le drame
colombien.
On s'attardera au chapitre VIII, intitulé "Los dos encuentros con
Marulanda" (Les deux rencontres avec Marulanda, pages 105 à 126). Fidel
Castro y publie les comptes rendus rédigés par José Arbesu
des deux entretiens de ce dernier avec le fondateur des FARC (Forces armées
révolutionnaires de Colombie; marxistes). Actuel vice-chef des Relations
internationales du Parti communiste de Cuba, dont Fidel Castro demeure le
premier secrétaire, José Arbesu est présenté par
Castro comme "le principal responsable des liens [de Cuba] avec la gauche
d'Amérique latine".
Nous sommes en 1999. Elu pour un mandat de quatre ans l'année précédente,
le président Andrés Pastrana, du Parti Conservateur, vient d'inaugurer,
le 7 janvier devant la presse nationale et internationale, un ambitieux dialogue
de paix avec les FARC à San Vicente del Caguan (sud), au centre d'une
zone de 42.000 km², la superficie de la Suisse. Le chef de l'Etat a
accepté de la démilitariser pour favoriser le dialogue. Militaires
et policiers en ont été retirés, conformément
aux exigences de la guérilla. Les insurgés seront l'unique
autorité dans cette vaste zone pendant trois ans, jusqu'en février
2002, date de l'échec définitif des négociations, de
l'enlèvement d'Ingrid Betancourt par les FARC et du début de
la dure reconquête de la zone, transformée par les rebelles
en place forte.
Chaise vide
Les négociations à peine ouvertes, le Cubain José Arbesu,
dépêché par Fidel Castro, rencontre Manuel Marulanda dans
la zone démilitarisée le 9 janvier et le 21 février 1999.
Dans son rapport sur le premier entretien, José Arbesu relate que Marulanda
justifia son absence à l'ouverture du dialogue entre le gouvernement
et les FARC [représentées à la cérémonie
par des commandants de leur secrétariat; NDLR] en invoquant la possibilité
d'un attentat, mais aussi en affirmant que sa présence aurait pu faire
croire aux médias que "la paix était scellée en Colombie",
interprétation qui, selon Marulanda, "ne correspondait pas à
la réalité et à laquelle il ne pouvait pas se prêter".
Le symbole d'une chaise vide très remarquée le 7 janvier 1999
à San Vicente del Caguan est ainsi enfin expliqué. Néanmoins,
"Marulanda a compris qu'il perdit une occasion historique de se présenter
au monde" écrit Arbesu.
Selon l'émissaire cubain, toujours cité par Castro, le chef
des FARC "ratifia que l'unique façon de faire pression sur le gouvernement
est de poursuivre la guerre, qui ne sera pas paralysée". Les guérilleros
"n'accepteront pas de cessez-le-feu. Bien au contraire, ils entameront sous
peu une forte offensive militaire qu'ils prétendent généraliser
à l'ensemble du pays" ajoute Arbesu en résumant les propos de
Manuel Marulanda. [NDLR - Le président Pastrana avait accepté,
au prix de fortes critiques de la classe politique, de négocier malgré
l'inexistence d'un cessez-le-feu, mais il ignorait l'ampleur des projets offensifs
de la guérilla].
Le 21 février, au cours de son second entretien avec l'émissaire
de Fidel Castro, le chef historique des FARC explicita davantage ses intentions,
parlant d'un "Plan stratégique militaire" et d'une "offensive finale"
de la guérilla pour prendre le pouvoir.
"Le Plan stratégique militaire prévoit la continuation de
la guerre et des combats loin des municipalités démilitarisées,
les fronts guérilleros se rapprochant des grandes villes, la propagande
armée [sic] s'activant dans les villes et une forte offensive militaire
étant préparée simultanément au cours de ces mois
pour continuer à frapper l'armée et créer les conditions
d'une offensive finale" note Arbesu dans son rapport à Fidel Castro.
Devant l'émissaire cubain, Marulanda détaille région
par région les grandes actions militaires qui devraient précéder
cette "offensive finale" conduisant à la "prise du pouvoir, qui s'exercera
en faisant des 80 fronts guérilleros la colonne vertébrale d'un
pouvoir populaire."
Marulanda, se méfiant certes de l'influence des Etats-Unis et de l'establishment entourant le
président Andrés Pastrana, confirme alors son double jeu. "Finalement, il [Marulanda]
nous a dit que nous pouvions transmettre à Pastrana tout le contenu de notre conversation,
sauf ce qui concerne le Plan stratégique politico-militaire" indique en effet à la
page 124 du livre de Fidel Castro la reproduction du compte rendu de son émissaire
José Arbesu.
"Gagner du temps"
Les pages 105 et 106 qui ouvrent le chapitre VIII dissiperont les doutes éventuels
sur la réalité du double jeu. Castro y présente le diagnostic
fait par José Arbesu en marge d'un rapport d'un porte-parole international
des FARC, Marcos Calarca, adressé à la Havane le 24 juillet
1998, près de six mois avant l'ouverture officielle des négociations
dites de paix à San Vicente del Caguan.
"Le commandant Marulanda a la conviction que les Etats-Unis interviendront
dans le conflit colombien et, en conséquence ... [les FARC] ont besoin
de gagner du temps, de disposer d'au moins deux ans pour avoir les ressources
et le dispositif tactique qui leur permettraient de résister à
l'impact de l'invasion" mentionne Arbesu. Et de poursuivre: "L'objectif des
FARC est de faire [avec le président Andrés Pastrana] 3 ou
4 tours de négociations et d'en sortir avec une bonne image et de
gagner le temps nécessaire à se préparer à faire face à une
éventuelle invasion [américaine]."
Il est légitime de déduire de ce diagnostic de l'émissaire
de Fidel Castro que Manuel Marulanda n'avait pas l'intention de tenir avec
le président Pastrana de véritables négociations de
paix. En ouvrant le dialogue à San Vicente del Caguan, le chef rebelle
n'aurait cherché qu'à gagner du temps pour accroître
la capacité de résistance et de frappe de ses guérilleros, objectif facilité
par la jouissance de 42.000 km² débarrassés candidement de militaires et policiers.
Cela n'empêche pas Fidel Castro de clore son chapitre VIII en écrivant,
apparemment sans ironie, que le président Pastrana "avait confiance
en la noblesse d'esprit ["caballerosidad"] de Manuel Marulanda, qu'il ne
mit jamais en doute. Il l'appelait mon vieil ami Manuel".
Une question
Après avoir fermé le livre de Castro, une question en domine
d'autres. Si les FARC abusèrent Andrés Pastrana, dernier président colombien ayant
ouvert de vaines négociations de paix, n'abusèrent-elles pas autant les
intervenants étrangers, en particulier français,
qui ne cessaient de réclamer ces dernières années l'octroi
à la guérilla d'une nouvelle zone démilitarisée
dans l'espoir de hâter la libération d'Ingrid Betancourt et
l'instauration de la paix? Après quasi six ans et demi de captivité
dans la jungle, la Franco-Colombienne fut délivrée par l'armée
le 2 juillet dernier en même temps que 14 autres otages des FARC, dont
trois Américains. Tant ce succès que l'impuissance de la guérilla
à lancer "l'offensive finale" prévue par Marulanda doivent peu aux
déclarations élyséennes et beaucoup à l'aide militaire et technologique
américaine, ainsi qu'à la politique dite de "sécurité démocratique"
de l'actuel président conservateur colombien Alvaro Uribe. Ce dernier n'apparaît pas
dans le livre de Fidel Castro.
Elu en 2002 et réélu en 2006 sur un message de fermeté
à l'égard de la guérilla, Alvaro Uribe, très
populaire, semble aujourd'hui, à juste titre ou non, menacé
plus par le dossier des droits de l'homme que par les FARC.
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FIDEL CASTRO CONTRE LA PRISE D'OTAGES
(LatinReporters) - A la fin de son livre "La paix en Colombie" (pages 264 et 265), Fidel Castro
critique en ces termes "les conceptions opérationnelles" de la guérilla
des FARC et sa politique de prises d'otages:
"J'étais en désaccord avec le chef des FARC [Manuel Marulanda,
décédé en mars 2008; NDLR] sur le rythme qu'il assignait
au processus révolutionnaire en Colombie, sur son idée d'une
guerre excessivement prolongée. Sa conception de créer d'abord
une armée de plus de 30.000 hommes [objectif jamais atteint; NDLR]
n'était, de mon point de vue, pas correcte pour vaincre des forces
terrestres adverses dans une guerre irrégulière...
...A cause de leurs conceptions opérationnelles, les FARC n'ont jamais encerclé
ni contraint à se rendre des bataillons complets appuyés par
l'artillerie, des blindés et l'aviation, expérience que nous
autres [les révolutionnaires cubains] avons vécue, vainquant
des unités plus grandes encore de troupes d'élite...
...On connaît mon opposition à prendre en charge les prisonniers
de guerre, à appliquer des politiques qui les humilient ou les soumettre
aux très dures conditions de la jungle. Ainsi, ils ne rendraient jamais
les armes, le combat fût-il perdu pour eux. Je n'étais pas non
plus d'accord sur la capture et la rétention de civils étrangers
à la guerre. Je tiens à ajouter que les prisonniers et les
otages réduisent la capacité de manoeuvre des combattants.
J'admire néanmoins la fermeté révolutionnaire montrée
par Marulanda et sa disposition à lutter jusqu'à la dernière
goutte de sang."
Selon un bilan dressé le 11 décembre 2007 à Washington
par le vice-président colombien Francisco Santos, qui s'exprimait
en session extraordinaire du Conseil permanent de l'Organisation des Etats
américains, les FARC auraient séquestré 6.836 personnes,
dont 304 enfants, au cours de la période 1996-2007. Parmi ces otages,
a précisé M. Santos, "au moins 346" sont morts en captivité
et 750 autres "ne sont pas revenus".
Les enlèvements visent à obtenir des rançons politiques
ou financières. Certains otages des FARC sont séquestrés
depuis plus de dix ans. La Franco-Colombienne Ingrid Betancourt le fut pendant
près de six ans et demi.
Créées en 1964, les FARC (Forces armées révolutionnaires
de Colombie; marxistes) disposent aujourd'hui, selon les autorités
de Bogota, d'environ 9.000 combattants, soit deux fois moins qu'il y a cinq
ans.
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