BOGOTA, vendredi 24 septembre 2010 (LatinReporters.com) - "Mono Jojoy est tombé dans une opération des forces armées. Il symbolisait la terreur
et la violence et c'est pourquoi je crois qu'il s'agit du coup le plus sévère
jamais infligé aux FARC" affirmait jeudi à New York le président
colombien Juan Manuel Santos. Au siège de l'ONU, il confirmait la
mort du chef militaire de la principale guérilla colombienne. "C'est
une nouvelle historique pour notre pays" insistait le président Santos.
Víctor Julio Suarez Rojas, alias Jorge Briceño (son nom de
guerre) ou encore Mono Jojoy (Singe Jojoy) comme le surnommait l'armée
colombienne, a été tué le 22 septembre dans son repaire fortifié
de la sierra de La Macarena (département central de La Meta), ainsi
qu'une vingtaine d'autres guérilleros des Forces armées révolutionnaires
de Colombie, guérilla marxiste fondée en 1964.
Soixante-douze avions et hélicoptères et 400 militaires et
policiers ont attaqué et anéanti ce que le ministre colombien
de la Défense, Rodrigo Rivera, appelle "la tanière" du chef
rebelle, responsable de centaines d'attaques et d'attentats, de milliers
de morts et de milliers aussi d'enlèvements, dont celui d'Ingrid Betancourt
en février 2002.
Au cours de cette opération baptisée Sodoma (Sodome), en référence
à la cité biblique du mal, une cinquantaine de bombes "intelligentes"
ont arrosé en trois vagues successives le camp et le bunker bétonné
de Mono Jojoy, "la mère de tous les camps" selon le ministre Rivera.
Puis, du haut des hélicoptères, des centaines de soldats ont
glissé au long de cordes pour prendre possession du terrain
et réduire toute résistance.
Le président Juan Manuel Santos, investi le 7 août dernier,
ajoute ce succès militaire et politique à ceux qu'il avait
obtenus comme ministre de la Défense du président Alvaro Uribe.
On le crédite notamment et surtout de la libération par l'armée
d'Ingrid Betancourt, le 2 juillet 2008, et de la mort, quatre mois plus tôt
dans un bombardement d'un camp des FARC au nord de l'Equateur, de Raul Reyes,
à l'époque numéro deux de la guérilla et responsable
de ses relations internationales.
L'opération Sodoma est qualifiée par le président Santos
de "plus importante que celle contre Reyes". Jorge Briceño, alias
Mono Jojoy, 57 ans, était considéré à son tour
comme le numéro deux des FARC. Mais le numéro un, l'idéologue
Alfonso Cano, n'a jamais possédé l'aura d'efficacité
militaire, mêlée d'une cruauté peu commune, gagnée
par Mono Jojoy dès l'âge de 22 ans. Pour la guérilla,
le risque de découragement collectif et de désertions est désormais
plus grand que jamais estiment les observateurs.
L'armée a mis la main au cours de l'opération Sodoma sur 20
ordinateurs et 60 mémoires externes qui déstabiliseront les
FARC en fournissant une foule d'informations sur leurs camps, leurs sources
d'armes et de financement, ainsi que leurs complicités nationales
et internationales.
On se rappellera à ce propos que l'analyse du contenu des ordinateurs
saisis en 2008 dans le camp bombardé de Raul Reyes avait débouché
sur l'accusation contestée de soutien politique et financier aux FARC
lancée par les autorités et les médias colombiens contre
Hugo Chavez et son allié régional Rafael Correa, présidents
respectifs du Venezuela et de l'Equateur, deux pays voisins de la Colombie.
Eventuelle négociation désormais facilitée?
Félicitations de la Maison blanche et de l'Organisation des Etats
américains, éditions spéciales de la presse colombienne
et joie manifeste d'anciens otages des FARC soulignent l'importance de la
disparition de Mono Jojoy. Homme le plus recherché par l'armée
colombienne, il était également poursuivi par la justice des
Etats-Unis pour trafic de cocaïne et l'enlèvement de trois otages
américains délivrés en même temps qu'Ingrid Betancourt.
"Nous pouvons dire deux choses : un, qu'il s'agit d'une victoire incroyable
de l'armée colombienne et, deux, qu'elle renforce la position encline
à la négociation du président Juan Manuel Santos, qui
avait offert d'ouvrir le processus de paix avec les FARC", à condition
que cette guérilla dépose les armes, estimait jeudi Ingrid
Betancourt, à Washington sur la chaîne de radio publique NPR.
L'ex-otage franco-colombienne fait dans la capitale des Etats-Unis la promotion
de la version anglaise de son livre "Même le silence à une fin"
qui retrace ses six ans et demi de séquestration.
Selon Ingrid Betancourt, en l'absence désormais au sein des FARC du
poids de Jorge Briceño / Mono Jojoy, "qui voulait la guerre à
tout prix", le chef suprême de la guérilla, Alfonso Cano, "considéré
davantage comme un commandant politique, serait peut-être plus disposé
à ouvrir un processus de paix".
A Bogota, cette opinion est partagée par le politologue colombien
Fernando Giraldo. "Briceño était un grand stratège ...
Même s'il est remplacé, ceux qui lui succéderont sont
loin de pouvoir atteindre son niveau" explique-t-il, ajoutant que la disparition
de ce "radical" et "orthodoxe" pourrait faciliter un dialogue, car le chef
de la guérilla Alfonso Cano a la réputation d'être plus
flexible.
D'autres analystes redoutent toutefois que les FARC privilégient désormais
le terrorisme urbain, qu'on ne peut pas réduire par des bombardements
aériens comme l'a été le repaire de Mono Jojoy.
"Nous respecterons votre vie, votre dignité et nous vous traiterons
humainement" a lancé jeudi le ministre Rodrigo Rivera en invitant
Alfonso Cano et les guérilleros des FARC à déposer les
armes, comme s'ils n'avaient plus que leur vie à négocier après
avoir tenté pendant près d'un demi-siècle de prendre
le pouvoir par les armes..
Les FARC compteraient encore quelque 8.000 combattants selon le ministère
de la Défense, contre 17.000 il y a dix ans. Depuis le début
du mois de septembre, au moins 43 militaires et policiers ont été
tués dans des affrontements avec la guérilla, 90 selon les
FARC, qui ont revu leur stratégie depuis la mi-2009 pour faire face
au renforcement de l'armée colombienne.
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