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Jorge Briceño, alias Mono Jojoy, abattu par l'armée
Colombie: la mort du chef militaire des FARC favorise-t-elle une négociation?

Jorge Briceño, alias Mono Jojoy, à droite sur une photo d'archives aux côtés de Manuel Marulanda, fondateur de la guérilla des FARC décédé en mars 2008. (Photo FARC-EP)

BOGOTA, vendredi 24 septembre 2010 (LatinReporters.com) - "Mono Jojoy est tombé dans une opération des forces armées. Il symbolisait la terreur et la violence et c'est pourquoi je crois qu'il s'agit du coup le plus sévère jamais infligé aux FARC" affirmait jeudi à New York le président colombien Juan Manuel Santos. Au siège de l'ONU, il confirmait la mort du chef militaire de la principale guérilla colombienne. "C'est une nouvelle historique pour notre pays" insistait le président Santos.

Víctor Julio Suarez Rojas, alias Jorge Briceño (son nom de guerre) ou encore Mono Jojoy (Singe Jojoy) comme le surnommait l'armée colombienne, a été tué le 22 septembre dans son repaire fortifié de la sierra de La Macarena (département central de La Meta), ainsi qu'une vingtaine d'autres guérilleros des Forces armées révolutionnaires de Colombie, guérilla marxiste fondée en 1964.

Soixante-douze avions et hélicoptères et 400 militaires et policiers ont attaqué et anéanti ce que le ministre colombien de la Défense, Rodrigo Rivera, appelle "la tanière" du chef rebelle, responsable de centaines d'attaques et d'attentats, de milliers de morts et de milliers aussi d'enlèvements, dont celui d'Ingrid Betancourt en février 2002.

Au cours de cette opération baptisée Sodoma (Sodome), en référence à la cité biblique du mal, une cinquantaine de bombes "intelligentes" ont arrosé en trois vagues successives le camp et le bunker bétonné de Mono Jojoy, "la mère de tous les camps" selon le ministre Rivera. Puis, du haut des hélicoptères, des centaines de soldats ont glissé au long de cordes pour prendre possession  du terrain et réduire toute résistance.

Le président Juan Manuel Santos, investi le 7 août dernier, ajoute ce succès militaire et politique à ceux qu'il avait obtenus comme ministre de la Défense du président Alvaro Uribe. On le crédite notamment et surtout de la libération par l'armée d'Ingrid Betancourt, le 2 juillet 2008, et de la mort, quatre mois plus tôt dans un bombardement d'un camp des FARC au nord de l'Equateur, de Raul Reyes, à l'époque numéro deux de la guérilla et responsable de ses relations internationales.

L'opération Sodoma est qualifiée par le président Santos de "plus importante que celle contre Reyes". Jorge Briceño, alias Mono Jojoy, 57 ans, était considéré à son tour comme le numéro deux des FARC. Mais le numéro un, l'idéologue Alfonso Cano, n'a jamais possédé l'aura d'efficacité militaire, mêlée d'une cruauté peu commune, gagnée par Mono Jojoy dès l'âge de 22 ans. Pour la guérilla, le risque de découragement collectif et de désertions est désormais plus grand que jamais estiment les observateurs.

L'armée a mis la main au cours de l'opération Sodoma sur 20 ordinateurs et 60 mémoires externes qui déstabiliseront les FARC en fournissant une foule d'informations sur leurs camps, leurs sources d'armes et de financement, ainsi que leurs complicités nationales et internationales.

On se rappellera à ce propos que l'analyse du contenu des ordinateurs saisis en 2008 dans le camp bombardé de Raul Reyes avait débouché sur l'accusation contestée de soutien politique et financier aux FARC lancée par les autorités et les médias colombiens contre Hugo Chavez et son allié régional Rafael Correa, présidents respectifs du Venezuela et de l'Equateur, deux pays voisins de la Colombie.

Eventuelle négociation désormais facilitée?

Félicitations de la Maison blanche et de l'Organisation des Etats américains, éditions spéciales de la presse colombienne et joie manifeste d'anciens otages des FARC soulignent l'importance de la disparition de Mono Jojoy. Homme le plus recherché par l'armée colombienne, il était également poursuivi par la justice des Etats-Unis pour trafic de cocaïne et l'enlèvement de trois otages américains délivrés en même temps qu'Ingrid Betancourt.

"Nous pouvons dire deux choses : un, qu'il s'agit d'une victoire incroyable de l'armée colombienne et, deux, qu'elle renforce la position encline à la négociation du président Juan Manuel Santos, qui avait offert d'ouvrir le processus de paix avec les FARC", à condition que cette guérilla dépose les armes, estimait jeudi Ingrid Betancourt, à Washington sur la chaîne de radio publique NPR. L'ex-otage franco-colombienne fait dans la capitale des Etats-Unis la promotion de la version anglaise de son livre "Même le silence à une fin" qui retrace ses six ans et demi de séquestration.

Selon Ingrid Betancourt, en l'absence désormais au sein des FARC du poids de Jorge Briceño / Mono Jojoy, "qui voulait la guerre à tout prix", le chef suprême de la guérilla, Alfonso Cano, "considéré davantage comme un commandant politique, serait peut-être plus disposé à ouvrir un processus de paix".

A Bogota, cette opinion est partagée par le politologue colombien Fernando Giraldo. "Briceño était un grand stratège ... Même s'il est remplacé, ceux qui lui succéderont sont loin de pouvoir atteindre son niveau" explique-t-il, ajoutant que la disparition de ce "radical" et "orthodoxe" pourrait faciliter un dialogue, car le chef de la guérilla Alfonso Cano a la réputation d'être plus flexible.

D'autres analystes redoutent toutefois que les FARC privilégient désormais le terrorisme urbain, qu'on ne peut pas réduire par des bombardements aériens comme l'a été le repaire de Mono Jojoy.

"Nous respecterons votre vie, votre dignité et nous vous traiterons humainement" a lancé jeudi le ministre Rodrigo Rivera en invitant Alfonso Cano et les guérilleros des FARC à déposer les armes, comme s'ils n'avaient plus que leur vie à négocier après avoir tenté pendant près d'un demi-siècle de prendre le pouvoir par les armes..

Les FARC compteraient encore quelque 8.000 combattants selon le ministère de la Défense, contre 17.000 il y a dix ans. Depuis le début du mois de septembre, au moins 43 militaires et policiers ont été tués dans des affrontements avec la guérilla, 90 selon les FARC, qui ont revu leur stratégie depuis la mi-2009 pour faire face au renforcement de l'armée colombienne.

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