Dissidents condamnés à Cuba: Castro profiterait de la guerre en Irak pour accentuer la répression
Pour accentuer soudain la répression politique, la plus sévère depuis dix ans, le président Fidel Castro aurait, selon les milieux dissidents, misé sur l'éloignement de l'attention médiatique mondiale, monopolisée par la guerre en Irak, et sur la vague d'antiaméricanisme que cette guerre provoque.
Selon lui, 33 premières sentences ont été prononcées lundi dans toute l'île à l'encontre des 78 opposants arrêtés. Ils peuvent théoriquement interjeter, dans un délai de 72 heures, un appel dont l'aboutissement est incertain. On attend d'autres condamnations au cours de la semaine. Onze témoins, connus comme des membres de la dissidence, se sont présentés à la barre en reconnaissant être des agents de la sécurité de l'Etat, infiltrés dans les mouvements d'opposition. Deux dissidents réputés que l'on croyait journalistes, Nestor Baguer et Manuel David Orrio, comparaissant en qualité de témoins à charge, révélèrent ainsi leur appartenance à la police secrète. Raul Rivero, 57 ans, est condamné à 20 ans de prison. Il est notamment le fondateur de l'agence de presse dissidente Cuba Press et le vice-président régional de la Commission de liberté de presse et d'information de la Société interaméricaine de presse (SIP). Le procureur a retenu contre Raul Rivero ses "articles subversifs" visant à "discréditer" les institutions cubaines et il l'a accusé de collaborer avec l'association Reporters sans frontières (RSF) , ainsi qu'avec Radio Marti, station financée par Washington et dont les émissions sont destinées à Cuba. Pour "atteinte à la sécurité de l'Etat", c'est une peine de 25 ans d'emprisonnement qui frappe Hector Palacios, âgé de 62 ans. Il est l'un des promoteurs du Projet Varela, qui avait abouti, le 10 mai 2002, à la remise au Parlement d'une pétition signée par 11.020 Cubains réclamant un référendum sur la démocratisation via des élections libres. A l'époque, la Constitution déclarait admissible un référendum proposé par au moins 10.000 citoyens. Mais Fidel Castro enterra cet espoir deux mois plus tard par une révision constitutionnelle établissant le caractère "irrévocable" du socialisme cubain. Osvaldo Alfonso, membre comme Hector Palacios du mouvement illégal Todos Unidos (Tous Unis), écope, lui, de 18 ans de prison. Egalement figure de proue de la dissidence, l'économiste Marta Beatriz Roque se voit infliger une peine de 20 ans. Parmi les autres condamnés figurent notamment Ricardo Gonzalez Alfonso (20 ans de prison), Oscar Espinosa Chepe (20 ans), Marcelo Lopez (18 ans), Marcelo Cano (15 ans), Efren Fernandez (12 ans), Regis Iglesias (18 ans), Antonio Diaz Sanchez (20 ans) et Roberto Miranda (20 ans). Plusieurs d'entre eux avaient également appuyé le Projet Varela, mais son principal promoteur, Oswaldo Paya, est momentanément épargné. Il le doit peut-être au prix Sakharov que lui avait décerné l'an dernier le Parlement européen. Leader du Mouvement chrétien de libération, Oswaldo Paya qualifie de "démesurées" des condamnations "qui n'auraient jamais dû être prononcées" et il promet de poursuivre sa lutte en faveur des droits de l'homme. L'accusation collective de "complot contre-révolutionnaire" sous la houlette de la représentation des Etats-Unis à La Havane a été lancée contre les 78 dissidents arrêtés. Ces derniers tombent sous le coup de la Loi de protection de l'indépendance nationale, dénommée "loi bâillon". Elle punit sévèrement la collaboration avec des médias non officiels, l'acceptation de rétributions ou de dons non autorisés par le gouvernement, la possession ou la distribution de "matériel subversif", ainsi que la perturbation de l'ordre public par des manifestations dissidentes. Fidel Castro lui-même, d'une voix très éraillée par l'âge -il aura 77 ans le 13 août- a fustigé à la télévision les détenus, qui auraient "trahi la patrie en se mettant au service d'une puissance étrangère". Reporters sans frontières (RSF) demande à l'Union européenne de "geler l'examen de la candidature cubaine aux accords de Cotonou" tant que les journalistes dissidents arrêtés ne seront pas libérés. Les accords de Cotonou permettent à l'Union européenne d'octroyer à des pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique une aide économique et un régime de préférence commerciale. La Commission européenne elle-même a annoncé sa "prise en considération" de la répression en cours avant de se prononcer sur la candidature de Cuba aux accords de Cotonou. L'Union européenne, le gouvernement des Etats-Unis et plusieurs organisations internationales avaient déjà réclamé la libération des dissidents quelques jours après leur arrestation. Vous pouvez réagir à cet article sur notre forum
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