STRASBOURG, jeudi 16 décembre 2010 (LatinReporters.com) - Lauréat
du Prix Sakharov 2010 du Parlement européen pour la liberté
de pensée, le dissident cubain Guillermo Fariñas était
représenté, le 15 décembre lors de la remise du Prix
dans l'hémicycle de Strasbourg, par une chaise vide. Dans un message
audio, il a prié l'Union européenne (UE) de ne pas écouter,
sauf respect de cinq conditions, "le chant des sirènes d'un régime
cruel de communisme sauvage", en vigueur selon lui à Cuba.
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Le président du Parlement européen, Jerzy Buzek, applaudit
le 15 décembre 2010 le lauréat du Prix Sakharov, le dissident
cubain Guillermo Fariñas, représenté par une chaise
vide dans l'hémicycle de Strasbourg - Photo Parlement européen |
Honoré "pour sa lutte pour la liberté et le respect des
droits de l'Homme à Cuba", Guillermo Fariñas n'a pas reçu
de l'administration des frères Castro l'autorisation de se rendre
à Strasbourg. "Ne pas pouvoir sortir de cette île dans laquelle
je suis né et y revenir de façon volontaire est déjà
en soi la preuve la plus aveuglante de ce que, malheureusement, rien n'a
changé dans le système autocratique de mon pays" affirme le
dissident lauréat dans son message préenregistré, écouté
religieusement, puis vivement applaudi par les députés européens.
La cérémonie avait débuté par l'hymne européen
et un discours du président du Parlement, le Polonais Jerzy Buzek,
lui-même ancien opposant au régime communiste en Pologne, au
sein du syndicat Solidarnosc. "Les militants comme Guillermo Fariñas
ont beau être persécutés et emprisonnés, leurs
voix ne peuvent être réduites au silence. Le rôle du Parlement
européen est de les amplifier. La chaise vide du lauréat de
cette année, Guillermo Fariñas, est le meilleur exemple de
l'importance de ce combat" a déclaré Jerzy Buzek.
Alors que
l'Union
européenne envisage un rapprochement avec
le régime castriste et s'interroge sur l'opportunité de maintenir
ou non la "Position commune" de 1996, qui lie le dialogue politique des 27
pays de l'UE avec Cuba au respect des droits de l'Homme, Guillermo Fariñas
a lancé dans son message cet avertissement de circonstance : "Mon
plus grand espoir est que vous n'écoutiez pas le chant des sirènes
d'un régime cruel de communisme sauvage, dont l'unique aspiration,
après avoir simulé des changements économiques imaginaires,
est que l'Union européenne et le Parlement européen lèvent
la Position commune pour bénéficier des crédits et
des investissements par lesquels un soutien est accordé aux pays
du tiers monde dans le cadre de l'accord de Cotonou."
Cinq conditions à un rapprochement entre Cuba et
l'Union
européenne
Selon Guillermo Fariñas, un changement d'orientation de la position
de l'Europe communautaire vis-à-vis de Cuba nécessiterait que soient
remplies les cinq conditions préalables suivantes :
-
poursuivre la libération de tous les prisonniers politiques
et prisonniers d'opinion;
-
renoncer immédiatement aux violences et aux menaces contre les
opposants pacifiques;
-
annoncer que toutes les lois cubaines qui sont incompatibles avec
la Déclaration universelle des droits de l'Homme seront examinées
et abrogées;
-
rendre possible la création de partis politiques d'opposition,
de médias et de syndicats indépendants;
-
accepter publiquement que les Cubains de la diaspora aient le droit
de participer au système culturel, économique, politique et
social de Cuba.
Le Prix Sakharov, créé en 1988 et doté de 50.000 euros,
est décerné à des individus ou à des organisations
qui cherchent à défendre les droits de l'Homme, la démocratie
et la primauté du droit.
Docteur en psychologie et journaliste, Guillermo Fariñas, 48 ans,
dénonce depuis longtemps le régime de Fidel et Raul Castro.
Il est le fondateur de Cubanacán Press, une agence indépendante
visant à sensibiliser au sort des prisonniers politiques à Cuba.
Le lauréat du Prix Sakharov 2010 a passé des années
en isolement et s'est soumis, jusqu'à présent, à 23 grèves
de la faim pour lutter contre l'oppression castriste. En juillet 2010, il
faillit mourir après une grève de la faim de cinq mois entamée
le 24 février, suite à la mort
d'
Orlando Zapata Tamayo,
un militant politique décédé après 80 jours de
grève de la faim. Guillermo Fariñas a suspendu sa dernière
grève depuis l'annonce, en juillet par l'Eglise et le gouvernement
cubains, de la libération échelonnée de 52 prisonniers politiques,
déportés en
Espagne avec leurs proches.
Controverse : tir trop concentré sur Cuba et les frères
Castro?
Avec
Oswaldo José Paya
Sardiñas en 2002, les Dames
en blanc en 2005 et aujourd'hui Guillermo Fariñas, c'est la troisième
fois en huit ans que le Parlement européen honore la dissidence cubaine
en lui octroyant le prix Sakharov.
Est-ce démesuré? L'Europe risque-t-elle de biaiser par l'idéologie
la lutte pour les droits de l'Homme en concentrant à ce point le tir sur Cuba et la dictature des frères Castro? D'autres pays dans le monde ne méritent-ils pas une
attention aussi soutenue pour leur mépris identique ou pire de libertés
fondamentales?
Réalisée par le service audiovisuel du Parlement européen,
la vidéo ci-dessous aborde cette controverse.