LA HAVANE, lundi 18 avril 2011 (LatinReporters.com) - "Nous sommes arrivés
à la conclusion qu'il est recommandable de limiter à un maximum
de deux périodes consécutives de cinq ans l'exercice des mandats
politiques et étatiques fondamentaux" a déclaré le président
cubain Raul Castro en lisant son
"
Rapport central" à
l'ouverture, le 16 avril à La Havane, du VIème Congrès du Parti communiste
de Cuba (PCC), le premier depuis 14 ans.
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Discours de Raul Castro (à la tribune), à l'ouverture du VIème
Congrès du Parti communiste de Cuba, le 16 avril 2011 au Palais des
Conventions de La Havane. (Photo Marcelino Vazquez Hernandez / AIN) |
La mesure, a expliqué Raul Castro (80 ans le 3 juin prochain), a pour but d'"assurer le rajeunissement
systématique de toute la chaîne" des responsabilités
au sein du pouvoir
.
Cette recommandation inédite de limiter à un total de 10 ans
des fonctions incluant celles du chef de l'Etat, des ministres et des notables
du PCC est la grande surprise du discours prononcé durant près
de deux heures et demie par le cadet des frères Castro. Lui et
Fidel ayant exercé des mandats "fondamentaux" depuis 1959, soit pendant
plus d'un demi-siècle, avait-on mal compris? Au lieu de deux périodes
consécutives "de cinq ans", Raul ne voulait-il pas dire "de vingt-cinq
ans"?
Non, car le président cubain précisait aussitôt que la
limitation qu'il proposait "est possible et nécessaire dans les circonstances
actuelles, bien différentes de celles des premières décennies
de la Révolution, non consolidée encore, donc en butte alors
aux constantes menaces et agressions". Autrement dit la Révolution
serait enfin consolidée, 52 ans après l'entrée triomphale
des barbudos à La Havane...
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Raul Castro, le 16 avril 2011 au VIème Congrès du PCC. (Photo Marcelino Vazquez Hernandez / AIN) |
Hugo Chavez pris à contre-pied
La nouvelle et tardive prudence cubaine à l'égard de la longévité
du pouvoir a fait grand bruit au Venezuela. "Raul Castro propose d'éliminer
la réélection présidentielle indéfinie" titrait
dimanche à la une El Nacional, influent quotidien d'opposition au
socialisme dit du 21e siècle du président vénézuélien
Hugo Chavez.
Or Chavez, principal allié des frères Castro, a fait éliminer
par référendum la limitation constitutionnelle du nombre de
mandats présidentiels et il est déjà en précampagne
pour décrocher à l'élection de décembre 2012
un nouveau mandat qui porterait à 20 le total de ses années
de pouvoir.
L'annonce-surprise du président cubain risque de souligner la démesure
attribuée à l'ambition de Chavez par ses opposants. Le leader
bolivarien ne s'y attendait certes pas. Le voilà pris à contre-pied,
lui qui avait exprimé dans un message sa solidarité avec les congressistes
communistes cubains, leur attribuant la noble tâche de "relever le
grand défi de trouver des solutions créatives au renforcement
et au perfectionnement du socialisme". Créatif, Raul Castro l'a
été, mais sur la limitation de l'appétit de pouvoir.
Dissidents sceptiques
A Cuba même, la dissidence est sceptique, voire contrariée.
L'économiste Oscar Espinosa Chepe, ex-prisonnier du "Groupe des 75"
dissidents condamnés en 2003, admet que la recommandation de Raul
Castro de limiter la durée des mandats politiques est "une nouveauté".
Il la juge néanmoins "très tardive", ajoutant qu'il serait
temps de remettre en question le monopole du Parti communiste, le seul autorisé
dans l'île.
"La haute nomenclature s'offre à elle-même dix autres années
de continuité totalitaire" tranche pour sa part Elizardo Sanchez,
de la Commission cubaine des droits de l'homme et de la réconciliation
nationale. "Plus qu'une annonce, c'est une menace de nous faire subir dix
ans de plus les mêmes règles de gouvernement" insiste-t-il,
persuadé que le congrès du PCC ne contribuera pas à
l'amélioration des droits civils et des libertés à Cuba.
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Défilé militaire à La Havane, le 16 avril 2011, pour
célébrer le 50e anniversaire de la victoire de la baie des
Cochons. (Photo Marcelino Vazquez Hernandez / thm) |
La plus grande partie du rapport de Raul Castro était toutefois consacrée
à la présentation des lignes essentielles des réformes
économiques devant être approuvées par le congrès,
qui sera clôturé le 19 avril. Il s'agit, selon l'expression
officielle, "d'actualiser" le modèle socialiste sous peine de banqueroute.
La suppression de centaines de milliers d'emplois dans le secteur public,
l'ouverture de l'économie à l'initiative privée, l'autonomie
des entreprises d'Etat, la réforme du secteur agro-alimentaire et
l'ouverture aux capitaux étrangers constituent les principaux domaines
de réformes proposés.
La mesure qui a le plus retenu l'attention de la population au cours des réunions
populaires de discussion préalables au congrès, a indiqué
Raul Castro, est l'élimination progressive de la "libreta", le carnet de rationnement
qui permet depuis 1963 aux Cubains de se procurer des produits de base à
des prix subventionnés. Cet instrument, "justifié dans des
circonstances historiques concrètes, contredit dans son essence
le principe de la distribution qui doit caractériser le socialisme,
à savoir "De chacun selon sa capacité, à chacun selon
son travail" et cette situation doit être surmontée" a argumenté
le président cubain.
Le congrès doit aussi renouveler les instances dirigeantes du parti.
Premier secrétaire du PCC depuis sa fondation en 1965, Fidel Castro
a annoncé en mars qu'il souhaitait abandonner les dernières
fonctions officielles qu'il détient encore. Pour raison de santé,
il ne participe pas au congrès. Peu avant son ouverture, des défilés
militaires et populaires présidés par Raul Castro ont marqué,
le 16 avril à La Havane sur la place de la Révolution, le 50e
anniversaire de la victoire de la baie des Cochons contre une tentative d'invasion
anticastriste.