QUITO, lundi 18 février 2013 (LatinReporters.com) - Rafael Correa,
l'un des leaders de la gauche radicale latino-américaine,
a été réélu dimanche à la présidence
de l'Équateur, recueillant comme en 2009 dès le premier tour
une large majorité absolue. Il a dédié
sa victoire aux 14,5 millions d'Équatoriens et à son allié
Hugo Chavez, le président du Venezuela qui lutte contre le cancer
dans un hôpital cubain.
Le premier "comptage rapide" du Conseil national électoral, qui
estime irréversible la victoire de Rafael Correa, lui octroie 56,7%
des suffrages, contre 23,3% à son plus proche adversaire, l'ex-banquier
Guillermo Lasso. Celui-ci a reconnu sa défaite. En 3e position, l'ancien
président Lucio Guttiérez n'obtient que 6,6% des voix.
Trois sondages de sortie des urnes créditaient Correa de 58 à
61% des votes.
Le résultat des élections législatives, convoquées
conjointement avec la présidentielle, sera connu ultérieurement.
Le président Correa croit que son mouvement Alianza Pais (Alliance
Pays) a réussi à transformer sa majorité parlementaire
relative en majorité absolue.
Renforcement de la "révolution citoyenne", qu'applaudit "le grand ami Hugo"
Du haut du balcon du palais présidentiel de Quito, la capitale équatorienne,
Rafael Correa a clamé à une foule de partisans que "cette révolution,
rien ni personne ne l'arrête". Il va donc poursuivre et même
renforcer sa "révolution citoyenne" jusqu'en 2017, échéance
de son nouveau mandat, le dernier permis par la Constitution. A cette date,
Correa comptera dix ans de pouvoir ininterrompu. Un record dans ce pays sud-américain
qui avait vu défiler sept chefs d'État lors des dix années
précédentes.
"Nous sommes là pour vous servir. Rien pour nous, tout pour vous,
le peuple qui a mérité le droit d'être libre" a lancé
Correa durant son discours devant les militants. Puis, en conférence
de presse, il a affirmé que le grand défi de ses quatre prochaines
années de gestion est de "rendre irréversible le changement
dans les relations de pouvoir", afin que soit aux commandes "le peuple",
mais non le capital.
Correa veut "accélérer dans la même direction" pour réduire
la pauvreté. Près de 30% des Équatoriens vivent encore
sous le seuil de pauvreté, selon le dernier rapport de la Banque mondiale
en 2011, un taux que le gouvernement se targue d'avoir réduit à
16%.
"C'est l'occasion de dédier aussi la victoire à ce grand leader
latino-américain qui a transformé le Venezuela, à ce
grand ami Hugo [Chavez]" a dit encore le président de l'Équateur.
Il a exprimé son admiration pour son homologue vénézuélien.
Selon Correa, le triomphe de la "révolution citoyenne" équatorienne
accompagne le triomphe de toutes les révolutions du continent et "bien
sûr, la révolution bolivarienne au Venezuela".
A Caracas, un communiqué du ministre des Affaires étrangères
diffusé au nom du président Chavez proclame notamment que "la
réélection du président Correa est une victoire des
forces bolivariennes et socialistes de notre Amérique, grâce
à laquelle le changement d'époque se consolide (...) Vive le
président Rafael Correa ! Vive le peuple de l'Équateur et sa
révolution citoyenne !"
Dans quatre ans, Correa ... en Belgique
Dans la communion entre Chavez et Correa s'immisce une différence.
Alors que le dirigeant vénézuélien a fait réviser
sa Constitution pour permettre sa candidature continue à la présidence
au terme de chaque mandat, Rafael Correa a indiqué pour sa part au
cours de la campagne électorale qu'il s'en ira en 2017, comme le prévoit
la Constitution. Il a en outre révélé qu'il vivra alors
en Belgique, le pays de sa femme, Anne Malherbe, actuellement discrète
institutrice au lycée français de Quito. "Je le dois à
ma famille et à la nécessité de décorréiser
le pays" disait Rafael Correa au journal El Telégrafo, s'opposant
à ce qu'on se réclame de lui en se disant "corréiste".
Issu d'une famille modeste du port de Guayaquil, dans le sud-ouest de
l'Équateur, Rafael Correa, 49 ans aujourd'hui, avait acquis une solide
formation économique grâce à des bourses d'études
universitaires en Belgique et aux États-Unis. Dans ce dernier pays,
son père fut détenu pour avoir servi de "mule", nom donné
aux passeurs de drogue.
La meilleure base électorale de Rafael Correa est la prospérité
actuelle de l'Équateur, concrétisée par l'accroissement
des investissements publics et de la couverture sociale. Prix pétroliers
soutenus (l'Équateur produit 540.000 barils/jour), hausse de la part
de l'État dans les contrats avec les multinationales, investissements,
prêts et achats de la Chine, ainsi qu'une meilleure productivité
fiscale nourrissent cette prospérité reflétée
par l'envol du produit intérieur brut (+8% en 2011 et +4,8% en 2012
selon la Cepal, organisme de l'ONU), avec une inflation annuelle contrôlée
autour de 5%.
Les adversaires du président critiquent son autoritarisme, son
harcèlement des médias privés, son contrôle de
la justice et sa propagande, alimentée par un empire grandissant de
médias publics (télévisions, radios, journaux, sites
Internet). Après sa nouvelle victoire, Correa a confirmé la prochaine
élaboration d'une loi sur la communication taxée par les principaux
médias privés et par des associations internationales de menace
sans précédent pour le pluralisme démocratique.
Une contestation de gauche fustige en outre sa politique pétrolière
et minière, qui mépriserait l'environnement et les communautés
amérindiennes, bafouant des garanties énoncées par la
nouvelle Constitution de 2008.